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Par un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse du 4 septembre 2025, la formation sociale confirme la condamnation au remboursement d’un indu d’allocation de soutien familial. Le litige porte sur la qualification d’une communauté de vie au sens des textes régissant cette prestation.
L’allocataire s’est déclarée séparée fin 2015 et a sollicité l’allocation en 2017 puis en 2020 pour ses enfants. À la suite d’un signalement, l’organisme débiteur des prestations familiales a diligenté un contrôle et notifié en novembre 2020 un indu portant sur une période allant de 2017 à 2020.
Après rejet du recours amiable en mars 2021, le dossier a été porté devant la juridiction compétente. Par jugement du tribunal judiciaire de Montauban du 22 décembre 2023, l’allocataire a été condamnée à restituer la somme réclamée. L’appel a été interjeté le 22 janvier 2024.
Devant la Cour, l’allocataire soutenait l’absence de communauté de vie depuis 2016, invoquant des domiciles distincts et l’absence de projet parental commun. L’organisme opposait un faisceau d’indices concordants révélant une vie commune, incluant notamment des déclarations, des adresses identiques sur des actes d’état civil et l’existence d’un compte joint.
La question juridique tenait à la portée de l’article L.523-2 du code de la sécurité sociale, et à la méthode d’appréciation de la communauté de vie privative de l’allocation. La Cour répond affirmativement, retenant une reprise de la communauté au plus tard le 13 juin 2017, avec application corrélative du régime de l’indu.
« Il résulte des dispositions de l’article L.523-2 du code de la sécurité sociale que l’ allocation de soutien familial , versée dans les cas prévus à l’article L. 523-1 du même code, cesse d’être due, lorsque le père ou la mère titulaire du droit à l’ allocation de soutien familial se marie, conclut un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage. » La Cour ajoute: « Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que le droit à l’ allocation de soutien familial est subordonné à la cessation de toute communauté de vie tant matérielle qu’affective du bénéficiaire et qu’à défaut, le bénéficiaire des prestations perçues malgré la communauté de vie ou d’intérêts doit les restituer. » Elle rattache enfin la restitution à la règle civile selon laquelle « l’article 1302 -1 du code civil dispose que : ‘Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.' »
I. La caractérisation de la communauté de vie privative de l’ASF
A. Un cadre légal clair, recentré sur la vie commune matérielle et affective
Le rappel textuel opéré par la Cour fixe une grille d’analyse simple et exigeante. L’allocation n’est pas due si le parent vit en concubinage, ou plus largement s’il subsiste une communauté de vie matérielle et affective. L’énoncé selon lequel « le droit à l’ allocation de soutien familial est subordonné à la cessation de toute communauté de vie tant matérielle qu’affective » concentre la ratio decidendi. La notion, dégagée par la jurisprudence sociale, repose sur des éléments objectifs du quotidien, appréciés dans leur cohérence d’ensemble, et non sur des déclarations unilatérales de séparation.
La Cour ne crée pas de critère inédit. Elle entérine une lecture finaliste de l’ASF comme prestation de soutien au parent isolé, de sorte que toute reprise d’une vie de couple, même informelle, en éteint l’ouverture du droit. La solution se fonde sur la finalité protectrice de la prestation et l’exigence de sincérité des déclarations au dossier des prestations familiales.
B. Un faisceau d’indices convergents et une date charnière objectivée
Les juges retiennent plusieurs indicateurs concordants de la vie commune. Parmi eux figurent des adresses identiques portées sur des actes d’état civil, un projet de vie partagée exprimé à un médiateur et, surtout, l’ouverture d’un compte bancaire joint. Le raisonnement articule ces éléments autour d’un marqueur temporel précis, le 13 juin 2017, qui assoit la certitude d’intérêts matériels communs.
Ce choix méthodologique mérite d’être souligné. Plutôt que d’adosser la reprise à un événement familial antérieur, la Cour privilégie un indice bancaire objectivable, réduisant le risque d’arbitraire. La date ainsi retenue borne la période d’indu et renforce la sécurité juridique du recouvrement, sans exiger une cohabitation continue ni une identité parfaite d’adresse.
II. La restitution de l’indu et la portée de la solution
A. L’articulation avec le régime général de l’indu
La Cour rattache la conséquence financière à l’article 1302-1 du code civil, qu’elle cite expressément: « Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer ». L’indu social obéit ici à une logique objective, indépendante de la bonne foi déclarée du bénéficiaire. Dès lors que la condition d’isolement fait défaut, le versement est indû et la restitution s’impose.
Cette articulation renforce la cohérence du droit positif. Le rappel combiné des textes social et civil trace une ligne de partage nette entre l’ouverture du droit et sa disparition, puis entre la perception régulière et l’obligation de restituer. La Cour ne retient ni modulation ni exonération particulières, confirmant la vocation réparatrice et non punitive du recouvrement.
B. Conséquences pratiques sur la preuve, la prévention et la sécurité des prestations
La solution éclaire la pratique probatoire. La communauté de vie peut être établie par indices matériels et déclaratifs croisés, l’existence d’un compte joint constituant un signal fort d’intérêts communs. Les organismes sont confortés dans une approche cumulative, sans s’enfermer dans la seule cohabitation, parfois trompeuse lors de séparations géographiques.
La portée de l’arrêt est pragmatique. Les allocataires doivent actualiser sans délai leurs déclarations, sous peine d’indu rétroactif significatif. Les juridictions disposent d’un critère temporel opératoire pour borner les restitutions. Une vigilance s’impose toutefois lorsque la séparation physique répond à des contraintes familiales lourdes; l’analyse doit alors rester concrète et, comme ici, ancrée dans des marqueurs objectifs de communauté d’intérêts. En confirmant le jugement du 22 décembre 2023, la Cour d’appel de Toulouse consolide une ligne jurisprudentielle de rigueur mesurée, attentive à la finalité de l’ASF et aux garanties de sécurité juridique.