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La présomption d’origine professionnelle des maladies inscrites aux tableaux de la sécurité sociale constitue un mécanisme protecteur des salariés dont les conditions d’application font régulièrement l’objet de contentieux entre employeurs et caisses primaires d’assurance maladie.
Un salarié employé comme commis de travaux dans une société spécialisée dans la pose de menuiserie métallique et aluminium a déclaré une maladie professionnelle le 10 septembre 2021, accompagnée d’un certificat médical initial du 13 août 2021 mentionnant une épitrochléite droite. Par décision du 10 janvier 2022, la caisse primaire d’assurance maladie a pris en charge cette affection au titre de la législation professionnelle, la rattachant au tableau n° 57 relatif aux affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail.
L’employeur a contesté cette décision devant la commission de recours amiable le 11 mars 2022, puis a saisi le pôle social du tribunal judiciaire le 13 juillet 2022 à la suite du rejet implicite de son recours. Par jugement du 17 janvier 2024, les premiers juges ont déclaré la décision de prise en charge opposable à l’employeur et l’ont condamné aux dépens ainsi qu’au paiement de frais irrépétibles. La société a interjeté appel de cette décision le 7 mars 2024.
L’appelante soutenait que les conditions du tableau n° 57 n’étaient pas réunies, les mouvements d’adduction, de flexion ou de pronation de la main effectués par le salarié n’étant selon elle ni habituels ni répétés. Elle faisait valoir la variété des tâches accomplies et l’assistance permanente d’un autre salarié ainsi que d’outils électriques. La caisse répliquait que l’ensemble des conditions étaient satisfaites, l’employeur ayant lui-même reconnu une exposition supérieure à trois heures quotidiennes aux travaux comportant saisies manuelles et mouvements de rotation du poignet.
La question posée à la Cour d’appel de Toulouse était celle de savoir si les conditions du tableau n° 57 B des maladies professionnelles étaient réunies pour permettre au salarié de bénéficier de la présomption d’imputabilité, et partant si la décision de prise en charge était opposable à l’employeur.
Par arrêt du 4 septembre 2025, la Cour d’appel de Toulouse a confirmé intégralement le jugement entrepris, retenant que « les tâches manuelles effectuées par l’assuré de façon régulière et habituelle à l’occasion de son travail de commis de chantier (ponçage, peinture, manutention, perçage, pose de joints…), comportent en grande partie, compte tenu de leur nature, des mouvements de préhension ou d’extension de la main sur l’avant-bras ainsi que des mouvements de pronosupination ».
Cette décision invite à examiner les conditions d’application de la présomption d’origine professionnelle (I) avant d’analyser l’appréciation souveraine des juges du fond quant à l’exposition aux risques (II).
I. Les conditions d’application de la présomption d’origine professionnelle
L’arrêt rappelle le cadre légal de la présomption d’imputabilité (A) puis en précise les modalités probatoires dans les rapports entre caisse et employeur (B).
A. Le rappel du cadre légal de la présomption
La cour énonce que « l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale prévoit qu’est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ». Ce texte fondamental institue une présomption légale qui dispense le salarié de démontrer le lien de causalité entre son affection et son activité professionnelle dès lors que certaines conditions objectives sont réunies.
L’arrêt détaille ensuite ces conditions de manière pédagogique. La prise en charge suppose que l’affection figure dans un tableau, que le salarié ait été exposé à l’action d’agents nocifs ou occupé à des travaux listés, et que le délai de prise en charge ne soit pas expiré. En l’espèce, la tendinopathie des muscles épitrochléens figure bien au tableau 57 B. Le certificat médical initial datant du 13 août 2021 alors que le salarié était encore en poste, le délai de quatorze jours prévu par le tableau était « nécessairement respecté ».
Cette présomption constitue un mécanisme protecteur essentiel pour les victimes d’affections liées au travail. Elle répond à la difficulté pratique de prouver un lien de causalité médical certain entre des gestes professionnels et une pathologie dont les origines peuvent être multifactorielles.
B. La charge de la preuve pesant sur la caisse
La cour précise utilement la répartition du fardeau probatoire en énonçant qu’« à l’égard de l’employeur, il appartient à la caisse, subrogée dans les droits du salarié qu’elle a indemnisé, de démontrer que les conditions du tableau dont elle invoque l’application sont remplies ». Cette règle s’explique par le mécanisme de subrogation légale qui transfère à la caisse les droits du salarié victime.
Cette solution jurisprudentielle constante impose à l’organisme social d’établir positivement que le salarié était effectivement exposé aux travaux visés par le tableau. La présomption ne joue donc pas automatiquement et la caisse doit apporter des éléments probants quant aux conditions concrètes d’exercice de l’activité professionnelle.
L’arrêt rappelle également la voie de secours offerte par la loi lorsque les conditions du tableau ne sont pas intégralement remplies. La maladie peut néanmoins être reconnue d’origine professionnelle « lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime ». Ce mécanisme complémentaire assure une protection effective des salariés atteints d’affections liées à leur activité même en l’absence de correspondance parfaite avec les tableaux.
II. L’appréciation souveraine de l’exposition aux travaux répétitifs
La cour procède à une analyse factuelle des gestes professionnels accomplis (A) avant d’écarter les arguments de l’employeur contestant le caractère habituel et répétitif de ces mouvements (B).
A. L’analyse des gestes professionnels accomplis
Le tableau 57 B vise les « travaux comportant habituellement des mouvements répétés de préhension ou d’extension de la main sur l’avant bras ou des mouvements de pronosupination ». La cour examine minutieusement les déclarations respectives du salarié et de l’employeur quant aux tâches effectuées.
Le salarié décrivait des travaux de pose de structures métalliques, d’équipement de portes et de réalisation de retouches nécessitant l’utilisation de meules, postes à souder et perforateurs. Il indiquait effectuer des mouvements de flexion et d’extension du poignet entre une et trois heures quotidiennes, ainsi que des mouvements de rotation plus de trois heures par jour lors des travaux de perçage et de soudure.
L’employeur reconnaissait pour sa part que le salarié manipulait des éléments de serrurerie plus de trois heures quotidiennes et réalisait des mouvements de rotation du poignet plus de trois jours par semaine lors du vissage et du serrage. Ces admissions partielles confortaient les déclarations du salarié quant à la réalité de l’exposition aux gestes pathogènes.
B. Le rejet des arguments contestant le caractère habituel des mouvements
L’employeur soutenait que la variété des tâches accomplies excluait le caractère habituel et répétitif des mouvements. La cour écarte cet argument en jugeant qu’il « est inopérant » puisqu’« il est établi que le salarié réalisait de manière prépondérante des travaux manuels nécessitant la réalisation des mouvements visés au tableau ».
Cette motivation mérite approbation. La diversité des tâches n’exclut nullement la répétition de gestes similaires dès lors que chacune de ces tâches implique les mêmes sollicitations articulaires. Le commis de chantier effectuant successivement du ponçage, du perçage et de la pose accomplit des gestes distincts mais tous sollicitent identiquement les muscles épitrochléens.
La cour rejette également l’argument tiré de l’assistance permanente d’un collègue. Elle relève que ce salarié accompagnateur intervenait seulement pour « réaliser toutes les manoeuvres qui nécessiteraient de la force ou engendreraient une difficulté particulière ». Cette assistance ponctuelle ne supprimait pas l’exposition aux mouvements répétitifs lors des gestes courants ne requérant pas de force particulière.
Enfin, la cour constate que l’employeur « n’apporte aucun élément de nature à démontrer que les pathologies dont le salarié est victime ont une origine totalement étrangère au travail ». Cette exigence d’une preuve contraire absolue illustre la force de la présomption légale que seule la démonstration d’une cause exclusive étrangère peut renverser.