Cour d’appel de Toulouse, le 9 septembre 2025, n°22/02416

Par un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse, 1re chambre, section 2, du 9 septembre 2025, la juridiction confirme, en matière successorale, le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 25 mai 2022 ayant ordonné l’ouverture des opérations de liquidation-partage et reconnu la portée de diverses dispositions testamentaires. Le litige oppose des héritiers d’un couple décédé, autour de la coexistence de testaments olographes du défunt mari et de la validité d’un testament olographe de l’épouse.

Les faits tiennent à deux successions successives, celle du mari en 2010 puis celle de l’épouse en 2017, et à l’existence de plusieurs testaments olographes. Les héritiers n’ayant pu partager amiablement, une procédure a été engagée en 2021. Le premier juge a ouvert les opérations de liquidation-partage, désigné un notaire, et retenu l’existence d’un legs universel consenti par l’épouse. L’appel a été interjeté par un fils et une petite-fille.

Les appelants sollicitaient la primauté exclusive du dernier testament du mari, la nullité pour vices du consentement du testament de l’épouse, et la recevabilité de leur action en réduction. Les intimés demandaient la confirmation, soutenant que les deux testaments du mari devaient se cumuler, que l’action en réduction était prescrite, et que le testament de l’épouse était valable. La question se concentre, d’une part, sur l’articulation de testaments successifs au regard des règles de révocation, et, d’autre part, sur la vérification d’écriture, l’absence de vices, puis la prescription de l’action en réduction. La Cour affirme, en substance, la compatibilité des testaments du mari, la validité du testament de l’épouse, et la recevabilité de l’action en réduction, en renvoyant les parties devant le notaire pour les calculs nécessaires.

I. Portée du cumul des testaments olographes du défunt

A. Révocation expresse et compatibilité des dispositions
La Cour se fonde sur les règles de révocation par testament postérieur et la technique de compatibilité des clauses. Elle rappelle que «Selon l’article 1035 du code civil, les testaments ne pourront être révoqués, en tout ou partie, que par un testament postérieur ou par un acte devant notaires portant déclaration du changement de volonté». Elle souligne, en continuité, que «L’article 1036 de ce code dispose que les testaments postérieurs, qui ne révoqueront pas d’une manière expresse les précédents, n’annuleront, dans ceux-ci, que celles des dispositions y contenues qui se trouveront incompatibles avec les nouvelles ou qui seront contraires».

Appliquant ces textes, la Cour constate l’absence de clause de révocation explicite dans le dernier écrit et l’harmonie des dispositions. Elle énonce, de façon décisive, qu’«Il est constaté que le dernier testament ne comporte aucune déclaration expresse d’un changement de volonté à l’effet de remettre en cause les dispositions précédentes et de révoquer les testaments antérieurs». La ligne directrice est claire: seule l’incompatibilité objective emporte caducité partielle du précédent testament.

B. Conséquences sur le règlement de la succession paternelle
La Cour qualifie les stipulations successives de cohérentes et cumulatives, car elles visent une même gratifiée par des avantages distincts, non contradictoires. Elle affirme que «Les deux testaments soumis à la discussion entre les parties sont rédigés en termes clairs et non équivoques, de façon cohérente, de sorte que la volonté du testateur est clairement exprimée et ne nécessite pas une interprétation». Il en résulte la prise en compte conjointe d’un avantage sur la quotité disponible et d’un droit réel d’usage, sans éviction de l’un par l’autre.

Cette solution assure l’effectivité de la volonté, en cantonnant la révocation implicite aux seules hypothèses d’incompatibilité. Elle circonscrit l’office du juge à la vérification de la concordance des dispositions, sans surinterprétation inutile.

II. Validité du testament de 2006 et recevabilité de l’action en réduction

A. Vérification d’écriture et absence de vices du consentement
Saisie d’une contestation d’attribution manuscrite, la Cour décrit l’office du juge. Elle rappelle que «En application des articles 287, 288, 291 du code civil, si l’une des parties déclare ne pas reconnaître l’écriture qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte». Elle précise le cadre probatoire: «Il appartient au juge de procéder à la vérification d’écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s’il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer», tandis que «Dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l’une des parties, qu’ils aient été émis ou non à l’occasion de l’acte litigieux», et que «Le juge ordonne une mesure d’instruction en cas de nécessité».

Au fond, la Cour relève l’unité graphique entre l’écriture et la signature, en énonçant qu’«Il est constaté qu’il existe une unité de style graphique concernant l’écriture et la signature qui procèdent de la même main». Faute d’indices contraires et de pièces de comparaison versées, «La demande d’expertise graphologique sera donc rejetée». S’agissant des vices, elle rappelle sobrement que «L’article 901 du code civil dispose que pour faire une libéralité il faut être sain d’esprit» et que «L’article 1130 de ce code énonce que l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes». Or, «Par ailleurs, ainsi que le soulignent les intimés, les appelants procèdent par voie d’affirmation sans démontrer le dol et la violence allégués». La validité du testament est donc retenue.

B. Prescription quinquennale de l’action en réduction et renvoi au notaire
Sur la fin de non-recevoir, la Cour fixe d’abord le cadre procédural du partage contentieux: «En matière de partage de succession, les parties sont respectivement demanderesses et défenderesses quant à l’établissement de l’actif et du passif». Puis elle rappelle la règle spéciale de délai: «Il résulte de l’article 921 alinéa 2 du code civil précité que pour être recevable, l’action en réduction doit être intentée dans les cinq ans à compter du décès, ou, au-delà, jusqu’à dix ans après le décès à condition d’être exercée dans les deux ans qui ont suivi la découverte de l’atteinte à la réserve». L’action ayant été engagée dans le délai utile, «La fin de non-recevoir tirée de la prescription sera rejetée et l’action en réduction du legs universel sera déclarée recevable».

L’office liquidatif relèvera ensuite du notaire, la Cour indiquant que «Les parties seront renvoyées devant la notaire désignée pour les opérations de liquidation partage pour procéder au calcul de la quotité disponible et, s’il y a lieu, au calcul de la réduction de la libéralité excédant la quotité disponible». La portée de la libéralité universelle s’appréciera ainsi in concreto, à la lumière des droits réservataires et de la masse de calcul.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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