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La Cour d’appel de Versailles, 1er juillet 2025, tranche un conflit de compétence relatif à l’action engagée par un établissement de crédit contre une caution d’un prêt professionnel. L’arrêt qualifie l’engagement de caution de nature commerciale au regard de l’intérêt patrimonial du dirigeant et retient, en conséquence, la compétence du tribunal des activités économiques de Nanterre. La cour refuse d’évoquer le fond afin de préserver le double degré de juridiction.
En 2018, une société obtient un prêt professionnel et l’un de ses dirigeants se porte caution à hauteur de 92 000 euros. La société est placée en redressement judiciaire en 2023. L’établissement de crédit assigne la caution en 2024 devant la juridiction consulaire territorialement compétente. Par jugement de 2025, le tribunal des activités économiques se déclare incompétent au profit du tribunal judiciaire.
L’appel est interjeté par la demanderesse. Elle soutient que la caution, dirigeant et intéressée au succès de l’opération, a souscrit un engagement de nature commerciale relevant des compétences de l’article L. 721-3 du code de commerce. L’intimé oppose l’absence de qualité de commerçant, l’inopposabilité d’une clause attributive insérée dans le seul contrat de prêt, et sollicite l’application des règles de compétence de droit commun.
La question était de savoir si l’engagement de caution, souscrit par un dirigeant intéressé à l’opération garantie, est commercial au sens de l’article L. 721-3, emportant compétence du tribunal des activités économiques, et si la cour pouvait évoquer le fond alors que l’intimé n’avait pas conclu sur le mérite de la demande. La cour répond positivement sur la qualification et la compétence, puis refuse l’évocation.
I. La qualification commerciale du cautionnement au regard de l’intérêt patrimonial
A. Le critère de l’intérêt patrimonial et la présomption attachée au dirigeant
La cour rappelle la règle, en des termes clairs et constants. Elle énonce que « Si le cautionnement est par nature un acte civil relevant de la compétence des juridictions civiles, il est toutefois de nature commerciale, selon une jurisprudence bien assise, lorsqu’il est donné par une caution qui a un intérêt personnel patrimonial à l’opération garantie (par exemple, Civ. 1è 15 juillet 1981 Bull n° 255 ou en matière de prescription, Com., 3 octobre 2018, n° 17-19.841). Un dirigeant est présumé avoir un intérêt patrimonial à l’opération garantie (Com., 18 janvier 2000, n° 97-12.741). » L’arrêt articule ainsi la nature objective de l’acte et le critère subjectif tiré de l’intérêt de la caution, selon une ligne désormais classique.
L’application au cas d’espèce découle mécaniquement de cette grille. L’intéressé, dirigeant de la société cautionnée lors de la souscription, se trouve réputé porteur d’un intérêt patrimonial à l’opération garantie. La qualité de commerçant n’est pas exigée, la cour soulignant que l’exigence porterait à faux sur la nature de l’acte, non sur le statut de la personne. Le syllogisme se referme donc sur la qualification commerciale de l’engagement, rendant vaine l’argumentation tirée d’un prétendu caractère purement civil du cautionnement en cause.
B. La conséquence contentieuse: compétence matérielle et territoriale
La cour déduit la compétence de la juridiction consulaire des textes applicables et de la qualification retenue. Elle affirme que « Il résulte de ces textes que le caractère commercial d’un cautionnement emporte la compétence du tribunal de commerce. » Le rattachement à l’article L. 721-3 du code de commerce s’opère sans détour, la nature de l’engagement conditionnant la compétence matérielle.
La cour précise, s’agissant de la clause attributive mentionnée, qu’« Au reste, cette clause est insérée dans le contrat de prêt, non dans l’acte de cautionnement. » Son inopérance à l’égard de la caution justifie le retour au droit commun de la compétence territoriale, combiné à la compétence matérielle. En conséquence, « Des éléments qui précèdent et de l’article 42 du code de procédure civile, il résulte que le tribunal des activités économiques de Nanterre est compétent territorialement et matériellement pour connaître du litige. » Le jugement d’incompétence est logiquement infirmé.
II. La valeur et la portée de la solution retenue
A. Une solution de continuité qui sécurise le contentieux des cautions dirigeantes
La solution s’inscrit dans une jurisprudence constante sur la coloration commerciale du cautionnement consenti par un dirigeant intéressé au succès de l’opération financée. Elle offre une lisibilité utile au contentieux postérieur à la réorganisation des juridictions commerciales en tribunaux des activités économiques, en neutralisant les contestations fondées sur l’absence de qualité de commerçant. Le rappel de la présomption d’intérêt patrimonial du dirigeant simplifie la preuve et limite les manœuvres dilatoires.
La précision apportée sur la clause attributive, logée dans l’instrumentum du prêt mais étrangère à l’acte de caution, clarifie l’office du juge lors des exceptions d’incompétence. À défaut d’un engagement procédural assumé par la caution, le droit commun s’applique, sans priver pour autant l’établissement de crédit du for consulaire lorsque la qualification commerciale est acquise. L’ensemble réduit le risque de forum shopping et balise la stratégie contentieuse.
B. Le refus d’évocation, entre économie procédurale et garantie du double degré
La cour refuse d’évoquer le fond, faute de conclusions de l’intimé sur la dette garantie et ses accessoires. Elle relève que « L’affaire ne peut donc être évoquée au fond, sauf à priver l’intimé d’un double degré. » La motivation concilie l’article 88 du code de procédure civile avec les exigences du contradictoire, privilégiant la plénitude de la défense sur la célérité.
Cette retenue, cohérente avec la nature essentiellement procédurale du litige d’appel, préserve la loyauté des débats et la qualité de la décision à intervenir. Elle impose une reprise devant le juge compétent, mais n’hypothèque pas les moyens au fond, notamment ceux relatifs au quantum, aux intérêts et à la capitalisation. La solution confirme que l’évocation n’est pas un instrument de régularisation automatique, mais demeure un pouvoir d’opportunité strictement encadré par les droits de la défense.