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Cour d’appel de Versailles, 1er septembre 2025. Le litige oppose un employeur du commerce de détail et une salariée de caisse, licenciée pour faute grave après exploitation d’images issues d’un système de vidéoprotection installé pour la sécurité. La question centrale tient à l’admissibilité de ces enregistrements, non soumis à l’information‑consultation du comité social et économique, et à la caractérisation d’une faute grave fondée sur des détournements de marchandise et l’usage de codes de caisse prêtés.
Après une mise à pied conservatoire et une plainte pénale, le licenciement a été notifié pour faute grave. Le conseil de prud’hommes saisi a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, retenant l’illicéité des preuves tirées de la vidéoprotection. L’employeur a interjeté appel, soutenant que les images, autorisées à des fins de sécurité, demeurent recevables au terme d’un contrôle de proportionnalité, et que les faits établissent une faute grave. La salariée conclut à l’irrecevabilité des images pour défaut de consultation du comité et conteste la matérialité des griefs, subsidiairement leur gravité.
La cour d’appel tranche deux questions. D’abord, une preuve issue d’un dispositif non consulté auprès du comité peut‑elle être retenue après mise en balance des droits en présence. Ensuite, les faits établis par corrélation entre images et opérations de caisse caractérisent‑ils une faute grave, et quelles incidences pour la demande distincte concernant l’absence de visite d’information et de prévention. La solution admet la preuve après un triple test de légitimité, nécessité et proportionnalité, puis retient la faute grave et rejette la demande indemnitaire pour absence de visite, faute de préjudice.
I. L’admission encadrée des images issues de la vidéoprotection
A. Un dispositif de sécurité, une preuve discutée, un cadre de contrôle unifié
La cour rappelle d’abord que la preuve, bien qu’irrégulièrement recueillie, n’est pas automatiquement écartée. Elle cite le principe selon lequel « l’illicéité d’un moyen de preuve, au regard des dispositions susvisées, n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble ». La décision précise encore que « le droit à la preuve […] peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable […] et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».
Cette grille, directement inspirée de la jurisprudence sociale récente, institue un contrôle concret et contextualisé. L’absence d’information‑consultation du comité n’emporte pas une nullité automatique, mais appelle un examen des finalités du dispositif et des modalités de son exploitation probatoire. La cour identifie clairement le pivot méthodologique: « En présence d’une preuve illicite, le juge doit d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle […]. Il doit ensuite rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens […]. Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte […] ».
B. La mise en balance appliquée: raisons concrètes, nécessité probatoire et proportionnalité
Au regard des éléments versés, la cour retient des soupçons précis et récents de fraudes aux caisses, justifiant une vérification ciblée sur une période brève par le service compétent. Elle en déduit que « le contrôle opéré par l’employeur était justifié ». Surtout, la décision insiste sur la nécessité du recours aux images croisées avec les transactions, pour déceler « des anomalies d’encaissement concernant plus d’une cinquantaine de faits frauduleux en moins d’un mois ». La cour affirme ainsi que « la production aux débats des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l’exercice du droit à la preuve ».
Le troisième temps du test est également satisfait. L’atteinte est bornée dans le temps et limitée à des zones ouvertes au public, la finalité initiale étant la sécurité des biens et des personnes. La cour conclut que « l’atteinte portée à la vie personnelle de la salariée est proportionnée au but poursuivi », et admet la production des images. L’intérêt de l’arrêt réside dans la conciliation opérationnelle entre l’exigence d’information‑consultation et la préservation d’un droit à la preuve effectif dans les hypothèses de fraudes internes difficiles à documenter autrement.
II. La caractérisation de la faute grave et les incidences accessoires
A. La preuve des détournements et la rupture de la loyauté rendant impossible le maintien
Les pièces produites établissent des remboursements injustifiés, des annulations d’articles scannés et un usage de codes de caisse tiers, corroborés par le rapport photographique et la liste des opérations. La cour relève des « pratiques frauduleuses d’ampleur impliquant […] des employés de caisse », et retient, s’agissant de l’intéressée, des détournements au profit de collègues et d’elle‑même. Elle juge que « ces faits, qui caractérisent un manquement de la salariée à son devoir de loyauté, constituent une faute grave rendant impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise pendant le préavis ».
Cette qualification emporte des conséquences complètes: absence d’indemnité de licenciement, de préavis et de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire. L’arrêt infirme en ce sens le jugement prud’homal, la matérialité et l’imputabilité des faits étant tenues pour suffisamment établies par un faisceau d’indices concordants, après admission des enregistrements au titre du droit à la preuve.
B. L’absence de visite d’information et de prévention: l’exigence déterminante du préjudice
La cour traite enfin la demande indemnitaire séparée, relative à l’absence de visite d’information et de prévention dans les trois mois de l’embauche. Elle rappelle que « le salarié peut obtenir des dommages et intérêts en l’absence de visite médicale d’embauche s’il justifie d’un préjudice ». À défaut d’éléments sur une atteinte concrète, l’action indemnitaire est rejetée.
La solution confirme la ligne actuelle: l’omission de la visite ne vaut pas réparation automatique. L’exigence de démontrer un préjudice personnel et actuel demeure le filtre nécessaire, conforme à une approche réparatrice et non punitive, quelle que soit par ailleurs l’issue du contentieux disciplinaire.