Cour d’appel de Versailles, le 1 septembre 2025, n°23/01069

Par un arrêt du 1er septembre 2025, la Cour d’appel de Versailles, chambre sociale, tranche un litige relatif à un licenciement disciplinaire. La question centrale concerne l’usage d’images de vidéoprotection et la caractérisation d’une faute grave.

Un salarié, employé de magasin à temps partiel depuis 2019, est licencié pour faute grave après exploitation d’images internes. Les faits reprochés, concentrés en juin 2020, portent sur des détournements d’articles et l’usage de codes de caisse appartenant à des collègues.

Le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye juge la rupture dépourvue de cause réelle et sérieuse et accorde diverses indemnités. Sur appel de l’employeur, la Cour est saisie, tandis qu’une procédure pénale est engagée devant le tribunal judiciaire de Versailles.

L’employeur sollicite la reconnaissance d’une faute grave et la recevabilité des images malgré l’absence de consultation du comité social et économique. Le salarié demande la confirmation du jugement, conteste l’usage de la vidéoprotection, et réclame des dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche.

La question posée est double: l’admissibilité d’images issues d’un dispositif de sécurité non soumis au comité, puis la qualification de faute grave. La Cour admet la preuve après un contrôle de proportionnalité, retient la faute grave, et rejette la demande indemnitaire relative à la visite médicale.

I. L’admissibilité des images de vidéoprotection comme preuve

A. De l’illicéité formelle à la recevabilité conditionnée
Le dispositif n’a pas été soumis à l’information-consultation du comité, alors même qu’il a permis un contrôle de l’activité. La Cour rappelle que, lorsque l’employeur collecte des informations personnelles au moyen d’un tel dispositif, l’absence de consultation vicie la preuve. Elle souligne toutefois, à la lumière de la jurisprudence, que « l’illicéité d’un moyen de preuve, au regard des dispositions susvisées, n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ». La recevabilité dépend donc d’un examen concret, centré sur l’équité procédurale.

B. La mise en balance opérée: légitimité, nécessité et proportion
La Cour applique le triple test dégagé par la jurisprudence sociale: « En présence d’une preuve illicite, le juge doit d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi ». Des soupçons précis et répétés ont déclenché une exploitation limitée dans le temps, corrélée aux enregistrements de caisse, sans surveillance individualisée permanente. L’exploitation était indispensable pour révéler des anomalies nombreuses et coordonnées; l’atteinte demeure proportionnée au but de préservation des biens. La production des images est donc admise.

II. La faute grave et ses incidences

A. La matérialité des manquements et le devoir de loyauté
Les pièces concordantes établissent des détournements d’articles et l’usage répété de codes de caisse de collègues, en contrariété avec les règles internes. La Cour qualifie ces agissements de manquement grave à la loyauté, inhérent à la fonction de caisse et incompatible avec la confiance minimale exigée. Elle rappelle, dans des termes constants, que « la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis ». La rupture disciplinaire se trouve ainsi justifiée par l’impossibilité de poursuivre l’exécution du contrat.

B. Les effets sur les droits pécuniaires et la demande accessoire
La qualification de faute grave exclut l’indemnité de licenciement, le préavis et la rémunération de la mise à pied conservatoire. Les demandes indemnitaires fondées sur l’absence de cause réelle et sérieuse sont également rejetées. S’agissant de la visite médicale d’embauche, la solution s’inscrit dans un courant affirmé: « Le salarié peut obtenir des dommages et intérêts en l’absence de visite médicale d’embauche s’il justifie d’un préjudice ». Faute de démonstration d’un préjudice personnel, la Cour confirme le rejet de cette prétention. L’économie de la décision articule ainsi rigoureusement le contrôle probatoire et la sanction d’une loyauté contractuelle gravement défaillante.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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