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Rendue par la Cour d’appel de Versailles le 11 septembre 2025, la décision tranche un litige de rupture du contrat de travail dans un contexte d’arrêts maladie prolongés et de contestation de la prise en charge par l’assurance maladie. La question se concentre sur la caractérisation d’une démission alléguée par message, l’existence d’un licenciement verbal, et les effets de la suspension du contrat sur les obligations salariales. Elle aborde aussi la recevabilité de prétentions additionnelles en cause d’appel et la demande de résiliation judiciaire. Le premier juge avait retenu une rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cour infirme largement, sauf sur un chef accessoire, après avoir posé que « la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail », et qu’à défaut d’une telle volonté, la rupture ne peut être imputée au salarié. L’économie de l’arrêt invite à restituer d’abord le cadre juridique de la rupture et sa preuve, puis à préciser les conséquences de la suspension du contrat sur les demandes pécuniaires et la résiliation judiciaire.
I. La qualification de la rupture: démission incertaine et licenciement verbal non établi
A. L’exigence d’une volonté claire et non équivoque
La cour rappelle le standard constant en ces termes: « La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. » Elle ajoute qu’elle « doit avoir été librement donnée et ne faire l’objet d’aucune pression de l’employeur ». Le message adressé par la salariée, annonçant l’envoi ultérieur d’une lettre, ne suffisait pas. La cour relève que « par message adressé à l’employeur le 9 janvier 2019, la salariée […] a seulement exprimé […] une intention de démissionner, laquelle ne peut être considérée comme étant claire et dénuée d’équivoque à défaut de l’envoi du courrier de confirmation annoncé ». L’analyse s’inscrit dans la jurisprudence sociale qui refuse toute assimilation d’une simple intention à un acte juridique parfait.
Cette solution convainc par sa rigueur, car elle protège la sécurité juridique des ruptures et exige un comportement dépourvu d’ambiguïté. Elle encadre les communications informelles et rappelle que le support et le contenu doivent traduire une volonté ferme. Elle évite enfin que des échanges préparatoires ne produisent des effets irréversibles, au détriment de la clarté des statuts contractuels.
B. La preuve du licenciement verbal et l’absence de manquement de fourniture de travail
La cour écarte ensuite le grief tenant à un renvoi oral et immédiat. Elle juge que, « faute pour la salariée de rapporter la preuve que la société lui aurait manifesté oralement la rupture du contrat de travail […] ce moyen manque en fait ». La preuve d’un licenciement verbal demeure stricte, puisqu’elle suppose un acte positif et non équivoque de l’employeur. Les pièces versées, de nature procédurale, n’étaient pas probantes.
La cour articule enfin cette appréciation avec la question de la fourniture de travail. Durant la suspension, « le contrat de travail étant suspendu il ne peut être reproché à l’employeur une absence de fourniture de travail pendant cette période ». La solution s’aligne sur le principe selon lequel la suspension emporte paralysie corrélative des obligations principales, hors hypothèses légales particulières. Elle ferme la voie d’un contournement probatoire du licenciement verbal par le seul grief d’inactivité imposée pendant l’arrêt.
II. La suspension du contrat en maladie: obligations salariales et office du juge
A. Suspension, visite de reprise et absence d’obligation de paiement
Au centre du litige se trouvait le refus de prise en charge des arrêts par la sécurité sociale à compter du 8 septembre 2019 et une visite de pré-reprise mentionnant une aptitude. La cour précise que la pré-reprise ne met pas fin à la suspension. Elle retient que, « si […] le médecin du travail a considéré dans le cadre de la visite de pré-reprise […] que la salariée était apte à reprendre le travail […], la suspension du contrat de travail […] étant maintenue du fait du renouvellement de l’arrêt […], l’employeur n’était pas dans l’obligation de convoquer la salariée à une visite de reprise ». La distinction entre pré-reprise et reprise demeure décisive pour déterminer la date de reprise des obligations réciproques.
La cour ajoute, s’agissant des rémunérations, que « la décision du 30 août 2019 de la CPAM […] n’a pas mis fin aux arrêts de travail pour cause de maladie postérieurs à cette décision […] le contrat de travail étant demeuré suspendu ». L’employeur n’était donc pas tenu au paiement des salaires pour septembre et octobre. La position clarifie la dissociation entre le régime de sécurité sociale et le droit du contrat de travail, en évitant que la cessation d’indemnisation n’induise mécaniquement une reprise des obligations salariales. Enfin, la demande d’indemnité complémentaire échoue, la cour constatant que, « à la date de délivrance du premier arrêt de travail […], la salariée ne bénéficiait pas de l’ancienneté requise ». La cohérence d’ensemble répond au cadre légal des garanties de ressources et limite les dérives de cumul.
B. Résiliation judiciaire et recevabilité des demandes additionnelles en appel
Sur le terrain des manquements, la cour décline logiquement la résiliation judiciaire, en relevant que « il n’est pas établi que l’employeur a manqué à son obligation de fourniture de travail ou de paiement des salaires ». À défaut de gravité faisant obstacle à la poursuite du contrat, la résiliation ne peut produire les effets d’un licenciement. Cette appréciation, sobre et factuelle, s’articule étroitement avec la qualification de la suspension et évite les contradictions normatives.
La formation se prononce, par ailleurs, sur la recevabilité de prétentions additionnelles. Rappelant que « les demandes additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant », elle juge que la demande de résiliation, la fixation du quantum indemnitaire, l’indemnité de procédure et les congés payés afférents « se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant [et] sont recevables ». Cette solution, respectueuse des articles 65 et 70 du code de procédure civile, favorise une concentration utile des débats en appel, sans surprendre la défense. Elle illustre un contrôle mesuré, conciliant l’exigence de loyauté procédurale et la bonne administration de la justice.
L’arrêt offre ainsi une grille claire: la rupture ne se présume pas, sa preuve ne se relâche pas, et la suspension ne se fragilise ni par une pré-reprise, ni par la seule cessation d’indemnisation. La portée pratique est nette pour les acteurs, qui retrouvent des repères sûrs sur l’articulation entre santé, rémunération et contentieux de la rupture.