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Cour d’appel de Versailles, 11 septembre 2025. L’affaire porte sur l’opposabilité à l’employeur de la décision de prise en charge d’un accident du travail et des soins qui ont suivi. Le 13 février 2012, une salariée se blesse au poignet droit et ressent une douleur à l’épaule lors du dressage de plats froids, sa main s’étant coincée entre une plaque et le rail d’une échelle. Les faits sont portés à la connaissance de l’employeur le jour même et consignés au registre d’infirmerie. Le certificat médical initial est établi le 21 février 2012 et prescrit un arrêt jusqu’au 28, avec prolongations ultérieures.
Par jugement du 26 août 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Pontoise déclare la décision de prise en charge inopposable. La caisse relève appel en demandant l’opposabilité de la prise en charge et des arrêts. L’employeur conteste, invoquant le caractère tardif du certificat initial, l’absence d’éléments objectifs corroborrants, l’absence d’enquête, ainsi qu’une discontinuité de soins.
La question est double. D’une part, la matérialité d’un fait soudain au temps et au lieu du travail, à la lumière des déclarations et du certificat établi dans un temps proche. D’autre part, l’étendue de la présomption d’imputabilité des soins et arrêts jusqu’à la consolidation, et la charge de la preuve pesant sur l’employeur pour la renverser. La cour infirme, juge l’accident caractérisé et l’opposabilité acquise pour la prise en charge et pour l’ensemble des soins et arrêts.
I. La qualification de l’accident du travail et ses incidences sur l’opposabilité
A. Les critères factuels décisifs et le « temps proche »
La cour relève l’existence d’une déclaration immédiate et d’une inscription au registre d’infirmerie, puis d’un certificat médical intervenu huit jours après. Elle énonce que « Il convient de considérer que tant le certificat médical initial que la déclaration faite à l’employeur sont intervenus dans un temps proche de la survenue du fait accidentel. » Cette appréciation neutralise l’argument tiré d’un prétendu retard, au regard du passage par l’infirmerie et de la persistance des symptômes.
Sur la qualification, la motivation est claire et didactique: « Ces circonstances suffisent à établir la survenance d’un fait soudain, au temps et au lieu du travail, et dont il est résulté une lésion, de sorte que l’existence d’un accident du travail au sens du texte susvisé est établie. » Le constat médical du 21 février 2012, évoquant une plaie du poignet et une douleur d’épaule, corrobore les déclarations initiales. La matérialité du fait et la lésion sont ainsi caractérisées.
B. L’absence de réserves et la portée sur l’instruction
La cour attribue un poids déterminant à l’absence de réserves de l’employeur lors de la déclaration. Elle retient que « La société n’a émis aucune réserve lors de la déclaration d’accident du travail, ni postérieurement », en déduisant que « La caisse a pris en charge d’emblée l’accident au titre de la législation professionnelle et n’avait pas l’obligation de diligenter une instruction. » L’argument fondé sur l’absence d’enquête ou l’absence d’audition du témoin déclaré est donc écarté.
La motivation répond aussi à deux objections pratiques. D’une part, « Il ne peut pas plus être reproché à une salariée d’avoir voulu continuer à travailler malgré une douleur », ce qui explique le délai avant la consultation médicale. D’autre part, « la société ne saurait reprocher à la caisse de ne pas produire le registre de l’infirmerie, s’agissant d’un document interne à la société auquel la caisse n’a pas accès. » La charge de conservation et de production des pièces internes incombe à l’employeur, ce qui s’inscrit dans une logique probatoire cohérente.
II. L’étendue de la présomption d’imputabilité des soins et arrêts
A. Une présomption continue jusqu’à la guérison ou la consolidation
La cour rappelle avec précision le cadre normatif et jurisprudentiel: « Il résulte des articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 1353 du code civil que la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime, et qu’il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire, l’absence de continuité de soins et de symptômes n’étant pas de nature à renverser la présomption d’imputabilité. » Le cœur de la solution est ici. L’arrêt initial existant, la présomption se prolonge sans que la caisse doive justifier une parfaite continuité documentaire.
La cour note que les prolongations mentionnent une « plaie en cours de cicatrisation » et une « douleur épaule droite persistante », éléments confortant le lien. L’exigence de preuve contraire demeure inchangée, et la discontinuité alléguée ne suffit pas, à elle seule, à écarter la présomption. Cette position s’inscrit dans une conception protectrice et constante de l’imputabilité.
B. La charge de la preuve de l’employeur et la portée pratique de la solution
La motivation réaffirme nettement la répartition probatoire: « Il appartient à la société, qui entend renverser la présomption d’imputabilité, de produire des éléments de nature à la combattre », ce qui n’était pas établi. La défense fondée sur des doutes, sur le temps écoulé avant le certificat initial, ou sur des lacunes d’enquête, ne renverse pas une présomption attachée à un accident reconnu.
Cette solution emporte des conséquences pratiques claires. L’employeur doit, dès la déclaration, formuler des réserves circonstanciées s’il conteste les circonstances ou le lien au travail. À défaut, la caisse n’est pas tenue d’enquêter, et l’opposabilité s’impose si la qualification d’accident est acquise. La cour admet qu’un délai de quelques jours reste compatible avec le « temps proche », surtout lorsque le recours immédiat à l’infirmerie et la persistance des symptômes sont établis. La présomption d’imputabilité, prolongée jusqu’à la consolidation, renforce la sécurité juridique de la prise en charge, tout en laissant ouverte la preuve d’une cause totalement étrangère au travail, que l’employeur doit documenter sérieusement.