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La cour d’appel de Versailles, 11 septembre 2025, statue sur l’opposabilité à un employeur public de la prise en charge d’un accident du travail décidé par l’organisme social. Une agente technique a déclaré des douleurs dorsales après un faux mouvement en déplaçant une auto-laveuse sur son lieu de travail, un certificat médical mentionnant une dorsalgie ayant été établi deux jours après. La caisse a reconnu l’accident au titre des risques professionnels, la contestation a été rejetée en commission, puis le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles a confirmé l’opposabilité. En appel, l’employeur invoque l’absence de témoin, l’information différée et la consultation médicale tardive, tandis que la caisse défend l’existence d’éléments précis et concordants et l’application de la présomption légale. La question porte sur les conditions d’application de la présomption d’imputabilité de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale lorsque la matérialité est discutée. La cour confirme la solution du premier juge, rappelant que « Les déclarations du salarié ne suffisent pas à elles seules à établir le caractère professionnel de l’accident », mais retient qu’un faisceau d’indices établit le fait accidentel et déclenche la présomption.
I. Sens de la solution
A. La présomption d’imputabilité rappelée et circonscrite
La décision réaffirme d’abord la logique probatoire propre au contentieux des accidents du travail. Elle souligne que « L’article L. 411-1 susvisé édicte une présomption d’imputabilité au travail d’un accident survenu au lieu et au temps du travail qui s’applique dans les rapports du salarié victime avec la caisse ». Ce rappel précise le champ d’action de la présomption, laquelle opère dans la relation assurée–organisme social, sans dispenser de vérifier l’existence d’un fait accidentel survenu dans le cadre spatio-temporel du travail.
La cour indique ensuite que lorsque ce fait est établi, le mécanisme présomptif joue pleinement. Elle énonce en effet que « Devant un fait accidentel survenu au temps et au lieu de travail, la présomption d’imputabilité de l’accident au travail de la victime doit s’appliquer et il appartient à l’employeur qui conteste le caractère professionnel de l’accident de rapporter la preuve d’une cause totalement étrangère au travail ». La solution articule donc un double mouvement, d’abord la reconnaissance du champ de la présomption, puis la dévolution corrélative de la charge de la preuve contraire à l’employeur.
B. La matérialité du fait soudain suffisamment caractérisée
La cour encadre strictement l’accès à la présomption, en exigeant la preuve préalable du fait accidentel. Elle rappelle que « Pour que la présomption d’accident du travail trouve à s’appliquer, il convient cependant que le salarié qui affirme avoir été victime d’un accident du travail démontre la matérialité d’un fait soudain survenu au temps et au lieu du travail ». Elle ajoute qu’à elle seule, l’assertion de la victime demeure insuffisante, puisque « Les déclarations du salarié ne suffisent pas à elles seules à établir le caractère professionnel de l’accident ».
Appliquant ces principes, la cour retient plusieurs indices concordants : mécanisme précis, horaires compatibles, information rapide de l’employeur et certificat médical cohérent. Elle valide surtout la temporalité des soins en jugeant qu’« il ne peut être reproché à la victime d’avoir attendu deux jours pour consulter ». Elle relève encore que « les constatations du médecin étaient cohérentes avec les déclarations de la victime ». L’ensemble forme un faisceau probant, suffisant pour déclencher la présomption.
II. Valeur et portée
A. La charge de la preuve renversée en contestation employeur
La décision éclaire la dynamique probatoire lorsque l’employeur conteste la prise en charge. Après activation de la présomption, la cour impose la preuve d’une cause étrangère totale, selon la formule suivante : « il appartient à l’employeur qui conteste le caractère professionnel de l’accident de rapporter la preuve d’une cause totalement étrangère au travail ». En l’espèce, elle constate l’insuffisance des éléments produits, concluant que « l’employeur n’apporte aucun élément dans ce sens ». L’absence de réserves initiales affaiblit encore la contestation, tout comme l’argument tiré de l’absence de témoin, peu décisif face à un mécanisme décrit et médicalement corroboré.
L’économie de la preuve se trouve ainsi clarifiée. À la matérialité établie répond une présomption robuste, et l’employeur ne peut inverser l’analyse sans démonstration positive d’un fait étranger, exclusif de toute imputabilité au travail. La solution vaut confirmation de la grille retenue par le premier juge et consolide son opposabilité.
B. Effets pratiques et limites du contrôle judiciaire
La portée pratique est nette pour les acteurs. D’une part, la cour valide une approche concrète, fondée sur « un faisceau d’indices concordants » lorsque témoin direct et constat immédiat font défaut. D’autre part, elle rappelle l’importance des réserves motivées, l’absence de telles réserves pesant dans l’appréciation d’ensemble. En consacrant la cohérence temporelle d’une consultation à quarante-huit heures, la cour écarte un rigorisme formaliste et privilégie l’examen circonstancié des faits allégués.
La décision, protectrice de la finalité assurantielle, demeure toutefois une décision d’espèce par son ancrage factuel précis. Elle n’exonère pas la victime de rapporter la matérialité, ni l’organisme d’apprécier avec rigueur les éléments collectés. Elle confirme cependant que, lorsque l’employeur n’articule aucun élément sérieux de « cause totalement étrangère au travail », la présomption joue à plein et l’opposabilité de la prise en charge s’impose. En ce sens, « L’employeur n’a émis aucune réserves […] en présence d’un faisceau d’indices concordants », ce qui justifie la confirmation intégrale du jugement.