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Cour d’appel de Versailles, 11 septembre 2025. À la suite d’un accident mortel survenu lors d’un transport de marchandises sur site, l’employeur a déclaré l’accident avec réserves. L’organisme d’assurance maladie a pris en charge le sinistre au titre des risques professionnels. La juridiction de première instance a prononcé l’inopposabilité, retenant la méconnaissance du contradictoire faute de mise à disposition du compte rendu d’hospitalisation. L’organisme a relevé appel. L’employeur soutenait principalement que l’absence de ce document, pourtant mentionné en annexe de l’enquête, l’empêchait de discuter utilement la présomption d’imputabilité et sollicitait subsidiairement une expertise. La question posée portait sur l’articulation entre l’obligation d’information prévue par les articles R. 441-11, R. 441-13 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale et le secret médical, ainsi que sur l’éventuel droit acquis de l’employeur à une expertise judiciaire. La cour infirme le jugement, juge le contradictoire respecté, retient que le compte rendu d’hospitalisation est couvert par le secret médical, rejette la demande d’expertise et déclare la décision de prise en charge opposable.
I. L’exigence du contradictoire dans l’instruction AT/MP et la portée du secret médical
A. L’obligation d’information et la consultation du dossier constituent le cœur du contradictoire
Le régime applicable impose l’information préalable et la possibilité de consulter le dossier avant décision, spécialement en cas de décès. La cour relève que l’employeur a été avisé de la clôture de l’instruction et invité à consulter les pièces, sans s’y rendre ni en solliciter communication. Elle en déduit l’absence d’atteinte au contradictoire, l’organisme ayant accompli les diligences requises. Le raisonnement s’ancre sur l’idée de grief: l’inopposabilité suppose que l’employeur démontre un empêchement concret à discuter la décision, ce qui n’est pas établi lorsqu’il s’abstient de consulter.
Le cœur du motif est clair. La cour énonce que « la caisse a mis l’employeur en mesure de prendre connaissance des éléments du dossier constitué par elle, susceptibles de lui faire grief, et de faire valoir ses arguments, de sorte que la caisse a respecté son obligation d’information et le principe du contradictoire a été respecté ». Cette affirmation situe précisément le seuil d’exigence: information utile et accès au dossier suffisent, à charge pour l’employeur d’en faire usage.
B. Le secret médical neutralise l’argument tiré du compte rendu d’hospitalisation
Le débat portait sur un document expressément visé par l’enquête mais non consultable par l’employeur. La cour tranche nettement: « peu important que la caisse ne produise pas le compte-rendu d’hospitalisation, ce document étant couvert par le secret médical ». Elle ajoute, pour lever toute ambiguïté, que « Il n’est pas établi ni même allégué que la caisse aurait pris en charge l’accident mortel […] sur la base de ce compte-rendu d’hospitalisation, le médecin conseil ayant considéré que le décès était imputable à l’accident ».
L’articulation entre l’article R. 441-13, qui énumère notamment les certificats médicaux, et le secret médical est donc résolue pro protectione: les éléments médicaux couverts ne sont pas communicables à l’employeur, sans que cela n’affecte l’opposabilité, dès lors que la décision ne repose pas exclusivement sur eux. La sanction d’inopposabilité est réservée aux atteintes substantielles et létales au contradictoire. La cour en tire logiquement la conséquence: « La demande […] au motif du non-respect du principe du contradictoire, doit être rejetée, et le jugement sera infirmé ». La solution est cohérente avec une jurisprudence qui distingue accès aux éléments non couverts et préservation stricte du secret médical.
II. La maîtrise de la preuve de la cause étrangère et le contrôle de la demande d’expertise
A. L’absence de droit acquis à l’expertise face à la présomption d’imputabilité
La seconde branche du litige interroge la portée des droits de la défense au regard de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale. La cour rappelle que l’employeur ne peut exiger une expertise pour suppléer son défaut d’éléments. Elle statue en ces termes: « le grief tiré d’une atteinte au droit à un procès équitable et aux droits de la défense sera également rejeté comme étant non fondé, dès lors que l’employeur ne dispose pas d’un droit acquis à la mise en oeuvre d’une expertise judiciaire […] et qu’il lui appartient de fournir […] des éléments suffisamment probants et pertinents, non rapportés en l’espèce ».
Le cadre probatoire demeure classique: la présomption d’imputabilité commande la production, par l’employeur, d’indices sérieux d’une cause totalement étrangère au travail. À défaut, l’expertise ne peut devenir un moyen d’enquête délégué au juge. La motivation poursuit dans ce sens: « En l’absence de tout élément constituant un commencement de preuve de l’existence d’une cause totalement étrangère au travail à l’origine du fait accidentel, la demande d’expertise […] sera rejetée ». La cour maintient un seuil probatoire minimal protecteur de la sécurité juridique des décisions de prise en charge.
B. Portée pratique de la solution et équilibre des intérêts en présence
La décision conforte un double équilibre. D’une part, elle entérine une conception opérationnelle du contradictoire: information préalable et consultation effective suffisent, hors les documents couverts par le secret médical. Cette ligne évite que le contradictoire ne soit instrumentalisé par une abstention délibérée de consultation. D’autre part, elle fixe un cadre strict à l’expertise sollicitée par l’employeur, réservée aux cas présentant un commencement de preuve d’une cause étrangère.
La portée est immédiate. Les organismes doivent notifier clairement la clôture et les modalités de consultation, et veiller à distinguer, dans le dossier, pièces communicables et pièces couvertes par le secret. Les employeurs doivent se présenter à la consultation et réunir en amont des éléments techniques pertinents sur l’existence d’une cause étrangère. À défaut, la décision de prise en charge demeure opposable, même si des documents médicaux sensibles existent au dossier. L’arrêt sécurise ainsi la phase d’instruction, sans priver l’employeur d’une contestation efficace lorsqu’il établit des indices sérieux, conforme à l’économie du contentieux des risques professionnels.