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Rendue par la Cour d’appel de Versailles le 11 septembre 2025, la décision tranche un contentieux d’opposabilité en matière d’accident du travail et d’imputabilité des soins. Une salariée, chargée de rayons, a déclaré un fait survenu lors du port d’un carton le 30 janvier 2017, suivi d’un certificat médical initial du 2 février 2017 et d’une consolidation au 1er décembre 2017. La caisse a pris en charge l’accident au titre des risques professionnels. L’employeur a contesté l’opposabilité tant de la prise en charge que des soins et arrêts de travail prescrits. Le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre, le 5 novembre 2021, a jugé la prise en charge opposable, mais a déclaré inopposables les soins et arrêts. La caisse a interjeté appel limité. L’employeur sollicitait subsidiairement une expertise, tout en contestant la matérialité de l’accident et la proximité des constatations médicales.
La question de droit portait, d’abord, sur la caractérisation de l’accident au sens de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale et, corrélativement, sur l’opposabilité de la décision de prise en charge. Elle concernait, ensuite, l’étendue de la présomption d’imputabilité des lésions et des arrêts jusqu’à la consolidation, en l’absence d’exigence de continuité des symptômes, ainsi que les conditions d’une mesure d’expertise au regard de la charge de la preuve. La Cour confirme l’opposabilité de la décision de prise en charge de l’accident et infirme le jugement sur les soins et arrêts, qu’elle déclare également opposables, tout en refusant l’expertise faute d’éléments contraires produits par l’employeur.
I. La reconnaissance de l’accident et l’opposabilité de la prise en charge
A. La qualification d’accident du travail par l’événement soudain et la lésion constatée
La Cour adopte un raisonnement classique, centré sur la survenance d’un fait soudain au temps et au lieu du travail, suivi d’une lésion médicalement constatée. Elle retient la chronologie et la cohérence des pièces. Elle souligne que « Le délai entre le fait accidentel et le certificat médical initial ne peut pas être considéré comme tardif » et ajoute avec pragmatisme que « Il ne peut pas plus être reproché à une salariée d’avoir voulu continuer à travailler malgré une douleur ». L’événement décrit, le témoin mentionné et l’information donnée le jour même à l’employeur établissent un ensemble d’indices concordants.
La motivation se concentre, surtout, sur la soudaineté et la concordance médico‑factuelle. Elle énonce que « Ces circonstances suffisent à établir la survenance d’un fait soudain, au temps et au lieu du travail, et dont il est résulté une lésion », ce qui satisfait les exigences de l’article L. 411‑1. La solution confirme l’attendu pédagogique de la matière sociale, où la lésion consécutive à un événement daté et localisé prime sur les doutes subjectifs, dès lors que le certificat est proche et cohérent.
B. L’absence de réserves de l’employeur et la confirmation de l’opposabilité
La Cour constate, en outre, que « La société n’a émis aucune réserve lors de la déclaration d’accident du travail, ni postérieurement, de sorte que la caisse a pris en charge d’emblée l’accident ». Cette circonstance ne fait pas obstacle à la contestation juridictionnelle, mais elle renforce l’économie probatoire de la décision administrative initiale. La juridiction d’appel en tire les conséquences utiles sur le terrain de l’opposabilité.
Par voie de conséquence, et au terme d’une appréciation factuelle précise, la formation retient qu’« Il convient donc de confirmer le jugement entrepris et de déclarer la décision de prise en charge litigieuse opposable ». Ce faisant, elle consolide la ligne jurisprudentielle attachée à la présomption d’imputabilité initiale lorsque la matérialité est convenablement établie durant un temps proche, sans surcharge d’exigences probatoires.
II. L’étendue de la présomption d’imputabilité et le contrôle probatoire du juge
A. La portée temporelle continue jusqu’à la consolidation sans exigence de continuité des symptômes
La Cour articule clairement les textes de référence. Elle affirme que « Il résulte des articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 1353 du code civil que la présomption d’imputabilité […] s’étend à toute la durée d’incapacité de travail […] et qu’il appartient à l’employeur […] d’apporter la preuve contraire, l’absence de continuité de soins et de symptômes n’étant pas de nature à renverser la présomption d’imputabilité ». Le rappel du fardeau probatoire est net, la considération de la continuité des soins étant écartée comme critère déterminant.
Dans le prolongement, la juridiction précise que « La présomption d’imputabilité a donc vocation à s’appliquer jusqu’à la date de consolidation […] sans que la caisse ne soit tenue de produire l’ensemble des certificats […] ni à justifier spécifiquement de la continuité des symptômes et des soins ». Elle encadre, en outre, les sources invoquées, en jugeant que « les éléments purement indicatifs contenus dans le référentiel de la Haute Autorité de Santé ne sauraient être de nature à renverser la présomption d’imputabilité ». L’ensemble confirme une construction stable du droit positif, en imposant à l’employeur des éléments contraires précis, médicaux ou factuels, plutôt qu’une critique globale de la durée des arrêts.
B. L’office du juge en matière d’expertise et les garanties du procès équitable
La Cour réaffirme la maîtrise juridictionnelle des mesures d’instruction. Elle énonce que « le juge du fond apprécie souverainement l’opportunité d’ordonner les mesures d’instruction […] laquelle ne saurait suppléer la carence des parties dans l’administration de la charge de la preuve ». Cette formule rappelle que l’expertise n’est pas une voie générale d’audit du dossier, mais un outil subsidiaire destiné à éclairer un point technique précis.
La motivation se place aussi sur le terrain des droits fondamentaux et de l’égalité des armes. Elle souligne que « Le mécanisme de la présomption d’imputabilité, qui n’est pas irréfragable, ne porte pas atteinte au principe de l’égalité des armes, l’employeur pouvant toujours soumettre […] des éléments factuels ou des avis médicaux ». Ainsi, l’expertise n’est pas automatique et suppose un début de preuve sérieux, que l’employeur n’apporte pas ici. La solution est cohérente, protège l’effectivité du dispositif légal, et incite les contestations à s’adosser à une contradiction médicale construite plutôt qu’à une suspicion de principe.