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Rendue par la Cour d’appel de Versailles le 11 septembre 2025, la décision tranche la qualification d’un malaise cardiaque sur le lieu de travail au regard de la présomption légale d’imputabilité. L’enjeu probatoire porte sur la démonstration, par l’employeur, d’une cause totalement étrangère au travail permettant de renverser cette présomption.
Un salarié, planificateur de maintenance, a été victime d’un arrêt cardio-respiratoire alors qu’il travaillait à son bureau, en milieu de journée, dans l’amplitude horaire habituelle. La caisse a pris en charge l’événement au titre des risques professionnels, après instruction, et a opposé la présomption d’imputabilité au temps et au lieu de travail.
L’employeur a contesté cette décision devant le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles, qui, le 1er avril 2022, a jugé l’inopposabilité en relevant l’absence d’événement distinct dans une activité administrative habituelle. En appel, la caisse a sollicité l’infirmation en soutenant la présomption légale et l’absence de preuve contraire sérieuse, tandis que l’employeur invoquait la normalité des conditions de travail et, à titre subsidiaire, une expertise médicale.
La question était de savoir si un malaise survenu aux temps et au lieu de travail, sans effort particulier ni fait distinct, constitue un accident du travail ouvrant droit à la présomption d’imputabilité. La cour répond positivement et rappelle que « l’accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail. » Elle ajoute que « Ce malaise survenu aux temps et lieu de travail constitue un accident, par son caractère soudain, et bénéficie de la présomption d’origine professionnelle (2e Civ., 7 avril 2022, n° 20-17.656, F-D). »
I. La consécration de la présomption d’imputabilité pour le malaise au travail
A. La qualification d’accident par le caractère soudain du malaise
La cour qualifie l’événement d’accident en raison de sa soudaineté et de sa survenance pendant l’exécution du travail, indépendamment de la nature des tâches effectuées. Elle énonce sans détour que « Ce malaise survenu aux temps et lieu de travail constitue un accident, par son caractère soudain, et bénéficie de la présomption d’origine professionnelle (2e Civ., 7 avril 2022, n° 20-17.656, F-D). » La référence explicite à la chambre sociale de la Cour de cassation en matière de présomption d’origine professionnelle assoit la solution sur une jurisprudence constante.
Cette qualification s’articule avec le texte de principe, dont la formulation est reprise dans l’arrêt, selon lequel « l’accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail. » L’événement soudain suffit donc à enclencher la présomption lorsque le temps et le lieu sont caractérisés, sans qu’un fait déclencheur distinct soit requis.
B. L’indifférence des conditions normales de travail et des prodromes
La cour affirme ensuite que la normalité apparente des conditions de travail, le caractère administratif de la tâche ou l’absence d’effort inhabituel ne neutralisent pas la présomption. Les éventuels prodromes, tels que des douleurs nocturnes, sont tenus pour inopérants en l’absence d’un état antérieur objectivé et déterminant. La cohérence d’ensemble repose sur l’économie du régime légal, qui attache la présomption au temps et au lieu, non à la pénibilité ou à l’anormalité concrète de l’activité exercée ce jour-là.
Cette approche est conforme à la ratio legis de la réparation professionnelle, qui ne subordonne pas la qualification d’accident à la preuve d’un événement externe spécifique lorsque l’atteinte est brutale et localisée temporellement. Elle renforce la lisibilité des critères, au prix d’un débat déplacé sur le terrain probatoire, lequel devient central pour l’employeur contestant l’imputabilité.
II. Les exigences probatoires du renversement et la portée de la solution
A. La cause totalement étrangère au travail: charge et intensité de la preuve
La cour déplace clairement le centre de gravité sur la preuve contraire, en posant que « Il appartient alors à la société d’établir que la lésion a une origine totalement étrangère au travail. » Elle constate qu’aucun état antérieur pathologique n’était objectivé, et que les allégations de stress contesté n’étaient étayées par aucun élément probant. Le dossier médical mentionnait des données cliniques précises, sans établir l’autonomie causale d’un facteur étranger: « Infarctus du myocarde compliqué d’arrêt cardiaque, avec impossibilité de pose de stents initiale. Attente suite de prise en charge cardiologique. »
Les analyses médicales concluant à une manifestation fortuite sur le lieu de travail, en l’absence d’événement particulier, ne suffisent pas à renverser la présomption si elles n’identifient pas une cause totalement indépendante du travail, certaine et exclusive. En ce sens, la cour retient que « La société ne rapporte ainsi pas la preuve d’une cause totalement étrangère au travail à l’origine de l’accident. » La demande d’expertise subsidiaire est rendue sans objet par l’insuffisance des éléments déjà produits pour franchir le seuil probatoire requis par la loi.
B. Portée jurisprudentielle et appréciation critique
La solution s’inscrit dans une ligne ferme qui évite de réintroduire subrepticement une exigence d’événement déclencheur, contraire à l’économie de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale. En adoptant une lecture exigeante de la « cause totalement étrangère », l’arrêt conforte la sécurité juridique des salariés confrontés à des malaises d’étiologie cardio-vasculaire, fréquents et parfois silencieux, sur le temps de travail.
La référence à la décision « 2e Civ., 7 avril 2022, n° 20-17.656, F-D » souligne la stabilité du standard: la présomption est d’ordre méthodologique et probatoire, non matériellement conditionnée par l’anormalité de la tâche. La cour en tire des conséquences nettes sur la charge et l’intensité de la preuve contraire, qui exige une cause extrinsèque, exclusive et objectivée, non une simple plausibilité médico-légale ou une hypothèse de fortuité.
La portée pratique est notable pour le contentieux des malaises cardiaques, souvent dépourvus d’événement singulier. L’arrêt invite l’employeur à documenter de manière positive une cause autonome, appuyée sur des constatations médicales circonstanciées et convergentes, plutôt que sur l’évocation de conditions de travail ordinaires. Il clarifie ainsi l’utilité d’une expertise: elle n’a de pertinence que si elle est susceptible d’établir une cause étrangère, non pour substituer un doute au standard probatoire légal.
Enfin, la cohérence normative emporte l’adhésion, car elle maintient l’équilibre du régime de réparation: la facilitation de la preuve par présomption au profit de la victime est compensée par la possibilité, ouverte mais rigoureuse, d’un renversement lorsque l’étiologie extrinsèque est certaine. En consacrant cette grille, la Cour d’appel de Versailles conforte une interprétation protectrice, lisible et conforme au droit positif.