Cour d’appel de Versailles, le 11 septembre 2025, n°24/02863

La cour d’appel de Versailles, 11 septembre 2025, statue sur la contestation d’un taux d’incapacité permanente partielle fixé à 0 % après un accident du travail. L’assuré sollicite une expertise et l’attribution d’un taux positif, l’organisme de sécurité sociale conclut à la confirmation.

Les faits tiennent à un trébuchement sur un praticable le 27 avril 2017, suivi d’un certificat médical initial décrivant une « lombalgie avec fessalgie gauche. Cervicalgies avec contracture musculaire » et diverses contusions. La consolidation est fixée au 31 juillet 2019, avec un taux d’IPP à 0 %, tandis qu’un accident antérieur de 2007, consolidé en 2013 avec séquelles lombaires, figure au dossier.

La commission médicale de recours amiable confirme, le 27 février 2020, l’absence de séquelles indemnisables. Le pôle social du tribunal judiciaire de Pontoise, 6 avril 2021, déboute l’assuré. En appel, celui-ci maintient ses demandes, soutenant l’insuffisance du taux au regard du barème, et requiert une expertise judiciaire. L’organisme de sécurité sociale s’y oppose et sollicite la confirmation.

La question posée est double. Il s’agit d’abord de déterminer si des séquelles directement imputables à l’accident justifient, au regard de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, un taux positif. Il s’agit ensuite d’apprécier si une mesure d’expertise s’impose malgré un dossier déjà examiné par les instances médicales, en l’absence d’élément nouveau.

La cour confirme le jugement. Elle rappelle que « Selon l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux de l’incapacité permanente est déterminé […] compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité. » Elle souligne les constatations cliniques, puis l’avis médical qui « concluait à l’absence de séquelles directement indemnisables imputables à cet accident du travail ». Elle retient enfin le motif de la commission, selon lequel « l’examen clinique du rachis cervical n’est pas d’origine traumatique », et constate qu’« Aucune pièce médicale nouvelle n’est produite […] ni justifier la mise en œuvre d’une expertise médicale ».

I. Le sens de la décision: un contrôle centré sur l’imputabilité traumatique et l’objectivation des séquelles

A. L’évaluation des séquelles à l’aune d’éléments cliniques précis

Le raisonnement part d’un examen clinique détaillé, consigné par le service médical et versé au débat. Il y est noté « pas de cicatrice », « pas d’attitude antalgique », des mobilités cervicales douloureuses et limitées, avec un « Examen neurologique : normal. » Ces mentions, éloquentes et concordantes, n’objectivent pas un déficit séquellaire stable et indemnisable au sens du barème.

La cour se place sur le terrain de l’imputabilité et de la caractérisation. Elle relève que le rapport du médecin conseil « concluait à l’absence de séquelles directement indemnisables imputables à cet accident du travail ». Le barème, d’application indicative, ne saurait fonder un taux sans atteinte médicalement démontrée, stable, et en lien direct avec le fait accidentel reconnu.

B. L’état antérieur et l’exclusion d’une origine traumatique des cervicalgies

La motivation de la commission éclaire la solution. Elle retient « une décompensation d’un état antérieur évoluant par la suite pour son propre compte », et précise que « l’examen clinique du rachis cervical n’est pas d’origine traumatique ». L’existence d’un accident antérieur, assorti de séquelles lombaires consolidées, explique la symptomatologie persistante sans établir un lien direct avec l’événement de 2017.

L’avis du médecin traitant, versé aux débats, estime que « Les cervicalgies n’ont pas été évaluées me semble t-il. Le taux de 0% ne me parait pas correspondre […] Une expertise judiciaire me semble indispensable. » La cour observe toutefois que cet avis « n’apportait aucune élément justifiant de leur origine traumatique » lors de l’accident litigieux. Le défaut d’imputabilité, non d’intensité, demeure l’obstacle dirimant à l’attribution d’un taux.

II. La valeur et la portée: exigences probatoires renforcées et maîtrise de l’office du juge

A. Le refus d’expertise en l’absence d’élément nouveau et la cohérence de l’instruction médicale

L’expertise n’est pas de droit en matière d’IPP, elle répond à une utilité probatoire concrète. La cour constate qu’« Aucune pièce médicale nouvelle n’est produite par la victime », ce qui ôte à la mesure sollicitée sa nécessité. Le dossier comporte un examen clinique circonstancié, un avis du service médical, puis une décision de la commission motivée et concordante.

Ce refus s’inscrit dans une économie processuelle maîtrisée. Le juge s’assure de la suffisance des éléments médicaux, sans se substituer aux praticiens, tout en gardant la faculté d’ordonner une mesure lorsqu’une contradiction sérieuse ou une lacune probatoire apparaît. Ici, la cohérence des avis rend l’expertise superfétatoire.

B. La portée contentieuse: centralité de l’imputabilité et sécurité juridique autour de l’état antérieur

La décision réaffirme une ligne claire en contentieux de l’IPP d’accident du travail. La preuve des séquelles indemnisables suppose une atteinte objectivée et un lien direct avec l’accident, la seule mention initiale de douleurs ne suffisant pas, à elle seule, après consolidation. L’état antérieur, lorsqu’il explique la symptomatologie, neutralise l’imputabilité des douleurs persistantes au fait nouveau.

Cette position sécurise l’application du barème, qui conserve sa fonction d’étalonnage et non de présomption de taux. Elle invite les assurés à produire des éléments médicaux circonstanciés sur l’origine traumatique des atteintes, notamment en présence de pathologies antérieures ou de tableaux douloureux non spécifiques. Elle conforte, enfin, une jurisprudence pragmatique, attachée aux faits médicaux établis et à la stabilité des évaluations.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture