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La question de la qualification de la faute en droit du travail demeure un enjeu majeur du contentieux prud’homal. La cour d’appel de Versailles, par un arrêt du 6 mai 2025, rappelle les critères de la faute grave dans un contexte d’absence injustifiée du salarié.
Un salarié a été engagé le 2 octobre 2017 par une première société en qualité de réceptionniste. Le 31 mars 2020, il a démissionné pour être embauché le 1er avril suivant par une autre société du même groupe, en qualité d’assistant administratif. Par courrier du 4 mai 2020, cette nouvelle société l’a informé de son affectation sur un site client à compter du 11 mai 2020. Le salarié ne s’est pas présenté à son poste. Malgré deux mises en demeure des 15 et 22 mai 2020, il n’a ni repris le travail ni justifié son absence. Convoqué à un entretien préalable le 4 juin 2020, il ne s’y est pas rendu. Le 10 juin 2020, il a été licencié pour faute grave.
Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre pour contester son licenciement. Par jugement du 25 janvier 2023, cette juridiction a dit le licenciement fondé sur une faute grave et l’a débouté de ses demandes. Le salarié a interjeté appel le 28 février 2023.
Devant la cour d’appel, le salarié sollicitait la requalification de la faute grave en cause réelle et sérieuse, invoquant le contexte de son embauche. L’employeur concluait à la confirmation du jugement, estimant que l’absence injustifiée caractérisait bien la faute grave.
La question posée à la cour était de déterminer si l’absence injustifiée d’un salarié, malgré plusieurs mises en demeure, constitue une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat de travail, indépendamment du contexte de l’embauche.
La cour d’appel de Versailles confirme le jugement en retenant que « malgré plusieurs mises en demeure, le salarié a décidé de ne pas occuper son emploi, ce qui justifie la rupture immédiate du contrat de travail ».
Cet arrêt illustre l’appréciation rigoureuse de la faute grave en matière d’abandon de poste (I) et met en lumière les limites de la contestation fondée sur les circonstances de l’embauche (II).
I. L’appréciation rigoureuse de la faute grave en cas d’abandon de poste
La cour rappelle les critères de la faute grave (A) avant d’en faire une application stricte aux faits de l’espèce (B).
A. Le rappel des critères de la faute grave
La cour énonce que « la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis ». Cette définition, constante en jurisprudence, traduit la gravité exceptionnelle du comportement reproché. La charge de la preuve incombe à l’employeur, qui doit établir des faits précis et vérifiables.
La cour se fonde sur les articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail pour rappeler que le motif du licenciement doit reposer « sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables ». Ces exigences visent à prévenir l’arbitraire patronal tout en permettant la sanction des manquements caractérisés.
L’abandon de poste constitue traditionnellement un cas typique de faute grave lorsqu’il est prolongé et non justifié. La jurisprudence de la Cour de cassation retient cette qualification dès lors que le salarié cesse délibérément toute activité sans motif légitime et sans répondre aux sollicitations de l’employeur.
B. L’application aux faits de l’espèce
En l’espèce, la cour relève que le salarié, « régulièrement informé par LRAR du 4 mai 2020 de son affectation sur le site de [Localité] à compter du 11 mai 2020, se trouvait en absence injustifiée à compter de cette date ». L’employeur avait adressé deux mises en demeure, les 15 et 22 mai 2020, demeurées sans réponse.
Le salarié reconnaissait ne pas s’être présenté sur le site d’affectation. Il n’a pas davantage fourni de justificatif médical ou autre à son employeur. La cour note qu’il ne soutenait pas que « le poste attribué ne correspondait pas aux fonctions d’assistant administratif prévues au contrat de travail ». L’affectation était donc conforme aux stipulations contractuelles.
Cette accumulation d’éléments conduit la cour à valider la qualification de faute grave. L’absence prolongée, délibérée et sans justification, malgré des rappels formels, rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La solution s’inscrit dans une jurisprudence constante qui sanctionne sévèrement le refus caractérisé d’exécuter le contrat de travail.
II. Les limites de la contestation fondée sur les circonstances de l’embauche
Le salarié tentait de faire valoir un contexte particulier pour atténuer sa faute (A), mais la cour écarte ces arguments et rejette également ses demandes indemnitaires (B).
A. L’insuffisance des arguments tirés du contexte de l’embauche
Le salarié soutenait que la société l’avait « poussé à la démission auprès de son ancien employeur » en lui promettant une affectation chez un client déterminé et des conditions plus favorables. Il estimait que ce contexte devait conduire à requalifier la faute grave en cause réelle et sérieuse.
La cour rejette cette argumentation en relevant que l’embauche du salarié par la nouvelle société « était conditionnée par la rupture préalable de son contrat de travail auprès de [l’ancien employeur] et la signature d’un nouveau contrat », ce qui lui avait été rappelé par courriels. Le salarié avait librement consenti à ce processus.
La cour constate ensuite qu’il « n’est pas démontré par le salarié que la société […] s’était engagée à le nommer sur un poste [déterminé] pour le compte du client [spécifique] en contrepartie de sa démission ». L’appelant ne produisait pas la fiche de poste sur laquelle il prétendait avoir postulé. Le courriel de l’employeur du 6 avril 2020 indiquait seulement un « processus de recrutement » en cours, sans engagement ferme.
Ces constats conduisent la cour à écarter toute circonstance atténuante tirée des conditions de l’embauche. Le salarié avait signé un contrat prévoyant des fonctions d’assistant administratif ; l’affectation contestée correspondait à ces fonctions. Le refus de prendre poste ne pouvait être justifié par des promesses non établies.
B. Le rejet des demandes indemnitaires complémentaires
Le salarié sollicitait des dommages-intérêts pour préjudice moral au visa de l’article L.1222-1 du code du travail. Il reprochait à l’employeur d’avoir mentionné sur l’attestation Pôle emploi une ancienneté débutant au 1er avril 2020, et non au 2 octobre 2017, ce qui l’aurait privé d’allocations chômage.
La cour rappelle que « le contrat de travail est exécuté de bonne foi » en vertu des articles 1104 du code civil et L.1222-1 du code du travail. Elle constate que l’employeur a mentionné la période d’emploi effective au sein de sa société, soit du 1er avril au 10 juin 2020. Cette mention était exacte puisque le salarié n’était pas employé par cette société antérieurement.
La cour relève que l’ancien employeur avait pour sa part établi une attestation Pôle emploi mentionnant l’ancienneté du 2 octobre 2017 au 31 mars 2020. Les deux attestations étaient donc complémentaires et conformes à la réalité. En conséquence, « la faute reprochée à la société […] n’est pas établie » et la demande indemnitaire est rejetée.
Cette solution rappelle que l’employeur n’est tenu de mentionner sur l’attestation Pôle emploi que la période d’emploi au sein de sa propre entreprise. La reprise d’ancienneté prévue contractuellement ne modifie pas cette obligation déclarative. Le salarié disposait des documents de son précédent employeur pour justifier de l’intégralité de sa carrière auprès de Pôle emploi.