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Par un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 18 juin 2025 (chambre commerciale 3-1, n° RG 23/04104), la juridiction statue sur l’étendue d’un renouvellement tacite dans un contrat de services numériques et de fourniture de données. Le contrat, conclu pour douze mois renouvelables, combinait une licence de plateforme dite « Smart », des utilisateurs additionnels, des crédits d’export et une prestation distincte d’enrichissement de fichiers décrite comme « une seule fois, non renouvelable ». À l’échéance de juillet 2021, une facture annuelle de 71.500 euros HT a été émise et demeure impayée malgré mise en demeure.
Par jugement du 12 mai 2023, le tribunal de commerce de Nanterre a mis hors de cause une société tierce, condamné le débiteur principal à 69.500 euros HT, intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2022, outre l’indemnité forfaitaire de 40 euros et une somme au titre de l’article 700. L’appelante soutient que seul le prix de la licence devait se reconduire, à l’exclusion des crédits d’export et des utilisateurs supplémentaires, invoquant l’article 1188 du code civil et la commune intention des parties. L’intimée fait valoir la reconduction automatique des crédits d’export stipulée au contrat, tout en ne réclamant plus le coût des utilisateurs additionnels, et sollicite confirmation.
La question posée tient à la qualification et au régime de reconduction des différentes prestations, et à l’absence alléguée de report des crédits non consommés. La cour confirme la condamnation en retenant la clarté des stipulations et l’autorenouvellement des crédits d’export. Elle rappelle d’abord que, « Selon l’article 1103 du code civil, “Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits” », et écarte toute interprétation lorsque le texte est précis. La solution consacre la distinction des prestations et confirme les montants, intérêts à compter de la mise en demeure, dépens et indemnités d’appel.
I. Le sens de la décision
A. La distinction des prestations et l’absence de contrariété textuelle
La cour isole deux ensembles contractuels autonomes: la prestation d’enrichissement de fichiers, livrée « une seule fois, non renouvelable », et les crédits d’export rattachés au service de plateforme. Elle souligne la différence d’objet et de tarification, ce qui exclut toute collision des clauses 1.4 et 2.3. L’énoncé décisif est net: « Il n’y a donc pas lieu à interprétation du contrat ».
Cette conclusion s’enracine dans la lettre de la clause relative aux crédits. Le texte prévoit que « A l’issue de chaque période annuelle, les exports seront automatiquement renouvelés pour une nouvelle période de douze (12) mois et la part du nombre d’exports non utilisée par le Client ne sera pas reportée sur la période suivante ». La reconduction porte ainsi sur un volume déterminé de crédits, indépendamment de l’usage antérieur, sans mécanisme de carry-over.
La cour constate que la prestation d’enrichissement, par nature ponctuelle, ne suit pas ce régime. Le périmètre du renouvellement tacite se limite à la licence et aux crédits d’export, les deux blocs relevant de logiques distinctes. La lisibilité du contrat prime, et l’économie générale confirme la ségrégation des effets.
B. L’application aux faits: reconduction des crédits et exclusion des utilisateurs additionnels
Les échanges préalables renforcent cette lecture. L’auteur de la plateforme précise, avant l’échéance, « mais pas la prestation d’enrichissement (qui elle était prévue sans renouvellement automatique) ». Le partenaire commercial reconnaît la nature ponctuelle de cette prestation et exprime son refus de renouveler des volumes complémentaires, en écrivant: « C’est clair pour l’enrichissement du fichier, je n’avais plus en tête que la prestation n’avait pas été facturée. Par contre (’) nous ne signerons pas de renouvellement de contrat avec des exports complémentaires ». La négociation sur le quantum des crédits n’a pas abouti et aucun report des non consommés n’était contractuellement prévu.
La cour relève toutefois que l’éditeur a acté la suppression des utilisateurs additionnels sur la période suivante, conformément à un courriel ainsi libellé: « Je te confirme que le contrat se renouvellera bien sans l’ajout des 4 utilisateurs supplémentaires, comme souhaité. Je demande la rédaction de l’avenant venant modifier le contrat initial ce matin ». Faute d’avenant signé, aucune somme n’est réclamée de ce chef, tandis que la reconduction des crédits demeure régie par la clause automatique.
L’appelante n’ayant pas dénoncé le contrat dans le délai de préavis, la reconduction joue pour la licence et le volume de crédits stipulé. Sur ce fondement, la cour confirme la condamnation à 69.500 euros HT (licence et crédits), l’indemnité forfaitaire de 40 euros, et les intérêts courant à compter de la mise en demeure, conformément au raisonnement de première instance.
II. Valeur et portée
A. Une méthode d’interprétation fidèle aux textes et à la sécurité des affaires
L’arrêt articule l’article 1103 et la méthode de l’article 1188. Lorsque la clause est précise et autonome, l’intention commune ne supplée pas la lettre. La cour retient un positivisme mesuré: la volonté objective se déduit d’un texte clair, d’une structure contractuelle cohérente et d’indices tarifaires distincts. Le rappel selon lequel « Il n’y a donc pas lieu à interprétation du contrat » traduit le refus d’une reconstruction ex post de la commune intention par fragments d’échanges non conclusifs.
Cette démarche protège la sécurité juridique des abonnements B2B. Elle évite que des discussions inabouties neutralisent une clause d’autorenouvellement explicite, surtout lorsque le report des non consommés est expressément exclu. Le rappel liminaire, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits », confère à la solution une assise normative classique, apte à stabiliser les pratiques.
B. Incidences pratiques pour les abonnements à crédits et la gouvernance contractuelle
La portée de l’arrêt dépasse l’espèce. Les modèles d’abonnement fondés sur des « crédits » consommables par période se trouvent confortés dans leur logique d’épuisement annuel, hors stipulation contraire. Les opérateurs doivent néanmoins documenter les aménagements souhaités par un avenant formel, en particulier lorsque des éléments optionnels (utilisateurs additionnels) sont retirés.
Pour les clients, l’enseignement est double. D’une part, l’absence de dénonciation dans le délai ouvre la reconduction aux modules gouvernés par une clause automatique. D’autre part, le souhait de reporter des non consommés ne peut prospérer contre une clause claire d’exclusion. La vigilance porte alors sur le calendrier de préavis et sur la renégociation ex ante du volume de crédits, faute de quoi la reconduction s’opère aux termes convenus.
Enfin, l’arrêt rappelle l’accessoire financier du contentieux commercial. L’indemnité forfaitaire de recouvrement et le point de départ des intérêts, fixé à la mise en demeure, s’inscrivent dans le droit positif applicable et complètent utilement la solution au fond. L’ensemble compose une décision pédagogique, lisible, et immédiatement opérationnelle pour les contrats d’abonnement professionnels.