- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Now using node v22.15.1 (npm v10.8.2)
Utilisation de Node.js v20.19.4 et npm 10.8.2
Codex est déjà installé.
Lancement de Codex…
Rendue par la Cour d’appel de Versailles le 2 juillet 2025, la décision tranche un contentieux prud’homal opposant un salarié de l’audiovisuel local à son employeur associatif. Le litige porte sur la qualification des fonctions réellement exercées, le recours à des contrats à durée déterminée d’usage, l’étendue du temps de travail, la recevabilité de pièces litigieuses et les conséquences indemnitaires de la rupture au regard du droit positif applicable.
Les faits tiennent à une succession de contrats à durée déterminée d’usage, à temps partiel déclaré, prévoyant soixante heures mensuelles. À l’échéance du dernier contrat, la relation a cessé. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la requalification en contrat à durée indéterminée, le reclassement en rédacteur en chef, l’octroi de rappels de salaire au titre d’un temps complet, des heures complémentaires, la prime conventionnelle de treizième mois et diverses indemnités liées à la rupture. Le premier juge a retenu la requalification en contrat à durée indéterminée à temps partiel, refusé la requalification professionnelle, et alloué des sommes limitées.
En appel, deux thèses s’opposent. Le salarié soutient l’inadéquation du CDD d’usage au regard du statut des journalistes, revendique la qualification de rédacteur en chef et un salaire de référence conventionnel, invoque des heures accomplies au-delà du cadre contractuel et la prime de treizième mois. L’employeur conteste toute classification journalistique, maintient la réalité d’un temps partiel stable, s’oppose aux rappels et soulève l’irrecevabilité de certaines pièces. La question centrale est double : d’une part, déterminer le régime probatoire pertinent face à des pièces attentatoires à la vie privée ; d’autre part, apprécier la qualification des fonctions et la validité des CDD d’usage au regard de la convention des journalistes.
La cour retient la recevabilité d’une attestation régulière mais écarte des bulletins de paie tiers, au terme d’un contrôle de proportionnalité. Elle requalifie les fonctions en rédacteur en chef au sens conventionnel, puis les CDD d’usage en contrat à durée indéterminée dès l’origine, tout en refusant la requalification en temps complet. Elle admet des heures complémentaires sur le fondement des éléments du salarié, faute de contestation utile par l’employeur, et alloue la prime de treizième mois. La rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnisé dans le cadre légal.
I. Le sens de l’arrêt: le double contrôle, probatoire et contractuel
A. La mise en balance des droits à la preuve et au respect de la vie privée
La cour valide l’attestation litigieuse, après avoir rappelé que « Il appartient au juge d’apprécier souverainement la valeur et la portée d’une attestation versée aux débats ». Elle écarte en revanche des bulletins de paie de tiers, à l’aune du contrôle de proportionnalité issu des principes conventionnels. Elle cite que « le droit à la preuve (…) peut justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ». Elle souligne en outre que « le juge doit (…) apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble », ce qui implique une démonstration positive de l’indispensabilité par le plaideur qui produit la pièce.
Cette mise en balance conduit ici à l’irrecevabilité des bulletins de paie, le salarié n’ayant pas établi l’indispensabilité de leur production pour exercer son droit à la preuve. La solution structure le contrôle du juge du fond, centré sur la charge d’articulation de la nécessité probatoire et la stricte proportionnalité de l’atteinte invoquée.
B. La qualification journalistique et la requalification des CDD d’usage
La cour replace d’abord la qualification au cœur des fonctions réellement exercées. Elle retient que les tâches et responsabilités assumées répondent à la définition conventionnelle d’un rédacteur en chef, rappelant que la qualification « s’apprécie au vu des fonctions (…) réellement exercées (…) et non par référence à l’intitulé ». Ce repositionnement entraîne l’inadéquation du recours aux CDD d’usage au regard du statut journalistique, redoublée par l’absence de motif précis dans les contrats.
Sur ce point, l’arrêt réaffirme que « un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ». Il rappelle les exigences de précision du motif, et les effets de la requalification, selon lesquels « le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement ». La cour rattache la prescription et la portée temporelle à la fin de la chaîne des contrats, tout en faisant remonter l’ancienneté au premier contrat irrégulier.
S’agissant du temps de travail, les stipulations contractuelles écrites détaillant la durée et la répartition excluent la présomption de temps complet. Le salarié ne rapporte pas la preuve d’une disponibilité imposée excédant le cadre convenu. En revanche, sur les heures accomplies au-delà, l’arrêt applique le régime probatoire bilatéral des heures, rappelant qu’« il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis », puis sanctionne l’employeur qui n’oppose aucun élément. Des heures complémentaires sont ainsi allouées sans atteindre la durée légale.
II. Valeur et portée: un cadrage probatoire exigeant et un rappel ferme du statut des journalistes
A. Un office probatoire précisé par la proportionnalité et l’exigence d’indispensabilité
La solution probatoire s’inscrit dans la ligne récente de la haute juridiction. En ciblant l’indispensabilité, la cour impose un standard élevé au plaideur producteur de pièces potentiellement illicites. L’exclusion de bulletins de paie de collègues, sans démonstration circonstanciée de nécessité, manifeste une vigilance accrue face aux atteintes à la vie privée. Ce prisme respecte l’égalité des armes tout en évitant la dénaturation du procès civil par des intrusions disproportionnées.
La reconnaissance de la souveraineté d’appréciation sur l’attestation rappelle l’utilité des témoignages réguliers, surtout lorsqu’ils portent sur des faits personnellement constatés. L’articulation de ces deux axes conforte un office du juge pragmatique, apte à sécuriser la loyauté probatoire, sans fragiliser la recherche de la vérité judiciaire.
B. Une portée substantielle pour l’audiovisuel local et le régime des CDD d’usage
La requalification des fonctions en rédacteur en chef emporte des conséquences structurantes. Elle consolide l’idée qu’un intitulé de poste relevant de la production ne saurait neutraliser des fonctions éditoriales caractérisées, placées sous l’autorité de la direction et organisant la rédaction. Elle rappelle, pour le secteur audiovisuel local, les limites du CDD d’usage lorsque les tâches relèvent d’une activité normale et permanente, et lorsque la qualification conventionnelle bascule dans le champ journalistique.
Sur la durée du travail, l’arrêt illustre un double message. D’un côté, une rédaction contractuelle conforme évince la présomption de temps complet. De l’autre, la charge probatoire aménagée des heures accomplies demeure efficace lorsque l’employeur fait défaut. La grille retenue s’appuie sur le rappel selon lequel « il appartient au salarié de présenter (…) des éléments suffisamment précis », puis autorise le juge à évaluer souverainement l’ampleur des heures complémentaires.
Enfin, la cour réaffirme la pleine effectivité du barème d’indemnisation, rappelant que les textes « permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi ». L’indemnité se fixe au regard d’une ancienneté limitée et d’un effectif réduit, tandis que la prime conventionnelle de treizième mois est accordée pro rata temporis, conformément aux stipulations applicables. L’ensemble dessine une solution mesurée, soucieuse d’exactitude conventionnelle et de cohérence systémique, tout en sanctionnant les usages de contrats précaires non conformes.