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Cour d’appel de Versailles, 2 juillet 2025, chambre sociale. Un litige oppose une salariée employée comme secrétaire depuis 2011 à son employeur avocat sur la classification conventionnelle et les effets pécuniaires d’une rupture conventionnelle intervenue en 2021. Après un dessaisissement puis un jugement du conseil de prud’hommes de 2023 ayant validé la rupture et octroyé un faible rappel de salaire, l’appel porte principalement sur la reclassification et, par ricochet, sur le salaire de référence et les indemnités de rupture. La question posée est celle des critères permettant la progression d’échelon au sein de la convention collective nationale des avocats, en l’absence d’automaticité, et de leur traduction en rappel de salaire. La cour retient un repositionnement au coefficient 285 à compter de mars 2018, calcule un rappel substantiel, et rouvre les débats sur le quantum et le salaire de référence.
I. Le sens de la décision: l’exigence probatoire et la méthode de classement
A. L’absence d’automaticité et la centralité des tâches effectivement exercées
La cour rappelle que la progression résulte des critères conventionnels et non d’une simple ancienneté. Elle examine d’abord les fonctions réellement accomplies, telles que précisées par le contrat, relevant du secrétariat administratif. Elle constate le défaut d’éléments concrets établissant un enrichissement des missions vers des tâches techniques. Elle énonce ainsi: « Si elle allègue ‘une diversification de ses tâches au fil des années’, la salariée ne décrit pas cette évolution et n’en justifie pas davantage ». Cette appréciation s’accompagne d’un constat nuancé sur le statut initial et l’expérience acquise, dont la cour prend acte sans en déduire à elle seule un saut d’échelon.
La motivation articule ensuite la filière, l’expérience et les diplômes requis par la convention. La cour souligne que la salariée reste dans la filière administrative et n’apporte pas la preuve d’un niveau de diplôme conditionnant l’accès aux coefficients supérieurs. Elle retient expressément que « la cour retient d’une part que la salariée exerçait un emploi de la filière administrative et, d’autre part, qu’elle a acquis une expérience certaine ». Ce cadrage exclut l’idée d’une progression mécanique, tout en reconnaissant un palier d’expérience justifiant une reclassification mesurée.
B. L’application des critères: l’accès au coefficient 285 et ses limites
Au terme de cette analyse, la cour opère un repositionnement ciblé. Elle affirme: « Il convient donc de lui appliquer le coefficient 285 correspondant à celui d’une salariée expérimentée après neuf années d’ancienneté, chargée d’exécuter des travaux comportant, sur des directives générales, une part d’initiative professionnelle dans le traitement des dossiers techniques courants ». Cette qualification valorise l’expérience et une autonomie relative, mais demeure à l’intérieur de la filière administrative.
La cour précise les conditions des niveaux supérieurs, ce qui ferme la voie aux prétentions plus ambitieuses. Elle relève: « Les coefficients de niveau supérieur requièrent l’obtention d’un bac +2 et de compétences amenant un salarié à effectuer des travaux d’analyse et de résolution de situations complexes, ce dont la salariée ne justifie pas par les pièces qu’elle verse aux débats ». Elle en conclut sans ambiguïté: « La salariée n’établit donc pas relever d’un coefficient supérieur au coefficient 285 ». La solution distingue clairement l’expérience avérée, donnant accès au 285, et l’expertise structurante exigée pour atteindre 300 ou 350, non démontrée en l’espèce.
II. Valeur et portée: cohérence normative et effets procéduraux
A. Une solution conforme à la convention et équilibrée quant à la preuve
La décision s’inscrit dans une lecture stricte de la convention, où les critères classants commandent la progression. Le refus d’une automaticité fondée sur la seule ancienneté est conforme à la logique des niveaux et échelons, qui combinent contenu du poste, autonomie et formation. La motivation exige des éléments factuels précis attestant d’une évolution des tâches vers l’analyse et la complexité, ce qui renforce la sécurité juridique des classifications.
L’arrêt propose un équilibre probatoire pragmatique. Il valorise l’expérience en accordant le coefficient 285, sans surclasser la salariée en l’absence d’indices objectivables sur le contenu technique du poste. Le raisonnement, dense mais clair, opère une mise en cohérence entre la filière administrative, l’expérience longue et l’autonomie relative exigée au 285. Cette cohérence renforce la portée pédagogique de l’arrêt pour l’application de la convention dans les petites structures.
B. Les conséquences pratiques: rappel de salaire, salaire de référence et réouverture
La reclassification rétroactive ouvre un droit à rappel de salaire sur la période non prescrite, la cour procédant à un chiffrage détaillé selon les minima revalorisés en juillet de chaque année. Elle en déduit un montant substantiel et aborde la question charnière du salaire de référence. La motivation retient à ce stade que « Par ailleurs, il s’ensuit que le salaire de référence, devrait être fixé à la somme de 2 009,25 euros bruts ». Une divergence apparaît toutefois avec les prétentions chiffrées par la salariée, qui invoquait un niveau inférieur, d’où un besoin d’éclaircissement contradictoire.
Sur la méthode et le contradictoire, la cour encadre l’issue par une réouverture. Elle indique: « Les parties ne s’étant pas prononcées sur cette base de calcul d’après le coefficient 285 de la classification, il leur est demandé de faire part de leurs observations sur les calculs effectués ci-dessus par la cour ». La suite procédurale est nette: « En conséquence, il y a lieu rouvrir les débats et de renvoyer l’affaire à l’audience de plaidoiries du 23 octobre 2025 ». Cette orientation est décisive, car la fixation du salaire de référence impactera l’indemnité compensatrice de préavis et, le cas échéant, l’évaluation du préjudice en cas de requalification de la rupture, question encore réservée.
En définitive, la décision clarifie utilement la frontière entre expérience valorisable et technicité justificative des coefficients supérieurs. Elle illustre une méthode rigoureuse de calcul des rappels fondée sur les minima conventionnels et les dates d’indexation. L’ajournement ciblé sur le salaire de référence sécurise la liquidation des droits, tout en préservant l’office de la cour sur les demandes de rupture et les réparations corrélatives.