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Par un arrêt rendu le 26 juin 2025, la cour d’appel de Versailles, statuant sur renvoi après cassation, s’est prononcée sur la régularité d’une procédure de saisie immobilière engagée par le Trésor Public. Cette décision s’inscrit dans un contentieux relatif au recouvrement de créances fiscales et soulève la question de la recevabilité des moyens nouveaux en appel ainsi que celle des conditions de validité du commandement de payer valant saisie immobilière.
En l’espèce, le Trésor Public a fait délivrer, le 4 décembre 2018, un commandement de payer valant saisie immobilière à un contribuable en recouvrement d’une somme globale de 360 665,94 euros correspondant à diverses impositions. Ce commandement a été publié au service de la publicité foncière le 18 décembre 2018. Le débiteur a été assigné devant le juge de l’exécution qui, par jugement du 9 avril 2021, a rejeté ses contestations, fixé la créance et autorisé la vente amiable du bien. Le débiteur a interjeté appel de cette décision. Par arrêt du 28 octobre 2021, la cour d’appel de Versailles a confirmé le jugement. Le débiteur a formé un pourvoi en cassation. Par arrêt du 4 juillet 2024, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel et renvoyé les parties devant la cour d’appel de Versailles autrement composée.
Devant la cour de renvoi, le débiteur soulevait à titre principal la nullité du commandement de payer pour plusieurs motifs : absence de notification préalable des titres exécutoires, irrégularité du décompte des sommes réclamées, absence de signature des bordereaux de situation et défaut d’imputation des sommes précédemment recouvrées. Il sollicitait également la transmission d’une question préjudicielle au juge administratif. À titre subsidiaire, il demandait la confirmation de l’autorisation de vente amiable. Le Trésor Public concluait à la confirmation du jugement et soulevait l’irrecevabilité des moyens nouveaux présentés pour la première fois en appel.
Deux questions se posaient à la cour d’appel de Versailles. D’une part, elle devait déterminer si des moyens nouveaux peuvent être soulevés pour la première fois en appel dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière. D’autre part, elle devait apprécier la régularité du commandement de payer valant saisie immobilière au regard des exigences du code des procédures civiles d’exécution.
La cour d’appel de Versailles confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions. Elle déclare irrecevables les moyens relatifs à la notification préalable des titres et à la nullité des avis de mise en recouvrement pour défaut de motivation, ces moyens n’ayant pas été soulevés lors de l’audience d’orientation. Elle rejette les autres moyens de nullité du commandement et considère que le Trésor Public justifie de titres exécutoires constatant une créance liquide et exigible.
Cet arrêt illustre la rigueur du régime procédural propre à la saisie immobilière concernant la forclusion des moyens nouveaux en appel (I), tout en rappelant les conditions de régularité formelle du commandement de payer (II).
I. La forclusion des moyens nouveaux en matière de saisie immobilière
La cour d’appel de Versailles réaffirme l’exclusivité du régime procédural de la saisie immobilière (A), ce qui conduit à l’irrecevabilité des moyens non soulevés lors de l’audience d’orientation (B).
A. L’exclusivité du régime procédural de la saisie immobilière
La cour rappelle que « l’article R.311-5 du code des procédures civiles d’exécution » prévoit qu’« aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, être formée après l’audience d’orientation, à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci ». Cette disposition constitue le socle du régime dérogatoire applicable à la saisie immobilière.
La cour précise que « l’article 563 du code de procédure civile ne s’applique pas à la procédure de saisie immobilière, qui est exclusivement régie par l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution ». Elle ajoute que cet article est « également exclusif de l’application des articles 566 et 564 du code de procédure civile ». Cette exclusion des règles de droit commun de la procédure d’appel témoigne de l’autonomie du contentieux de l’exécution immobilière. Le législateur a entendu concentrer les contestations à un stade précoce de la procédure afin d’éviter les manœuvres dilatoires susceptibles de retarder le recouvrement des créances.
La référence aux arrêts de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation confirme la constance de cette jurisprudence. L’effet dévolutif de l’appel se trouve ainsi limité par des considérations propres à l’efficacité de la procédure d’exécution.
B. L’irrecevabilité des moyens non soulevés à l’audience d’orientation
La cour constate que « M. [C] invoque pour la première fois en cause d’appel l’absence de notification préalable des titres et le défaut de motivation des avis de mises en recouvrement ». Elle en déduit qu’il convient de « déclarer M. [C] irrecevable en ses moyens relatifs à la notification préalable des titres et à la nullité des avis de mise en recouvrement pour défaut de motivation ».
Le débiteur tentait de justifier la recevabilité de ces moyens en soutenant qu’« il appartenait au juge de l’exécution de vérifier d’office la régularité de la procédure » et qu’il ne pouvait lui être reproché de pallier cette carence. La cour rejette cet argument en considérant qu’« il ne saurait être retenu que M. [C] ne ferait que se substituer au juge de l’exécution », « sous peine de vider l’article R.311-5 susmentionné de sa substance ».
Cette motivation révèle la volonté de la cour de préserver l’effectivité de la forclusion prévue par les textes. Admettre le contraire aurait permis aux débiteurs de soulever indéfiniment des moyens nouveaux en invoquant un prétendu contrôle d’office du juge. La rigueur de cette solution se justifie par la nécessité de concilier les droits du débiteur avec l’impératif de célérité propre aux procédures d’exécution.
II. La régularité formelle du commandement de payer valant saisie immobilière
La cour d’appel examine successivement la conformité du décompte aux exigences légales (A) et le caractère exigible des créances réclamées (B).
A. La conformité du décompte aux exigences de l’article R. 321-3 du code des procédures civiles d’exécution
La cour rappelle qu’« en vertu des dispositions de l’article R. 321-3 du code des procédures civiles d’exécution le commandement de payer valant saisie comporte le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts moratoires ». Elle constate que « le décompte annexé comporte tous les postes en détail, avec la nature de l’impôt, le numéro du rôle, la date de mise en recouvrement, le montant initial, les acomptes payés, le reste dû et les frais ».
La cour rejette le grief tenant à l’absence d’indication du taux d’intérêts en relevant que « dès lors qu’aucun intérêt n’est appliqué à ces créances, il ne peut être sérieusement reproché au décompte de ne pas en faire mention ». Cette solution est conforme à une lecture pragmatique des exigences textuelles. L’indication du taux d’intérêts n’a de sens que lorsque des intérêts sont effectivement appliqués.
Concernant l’absence de signature des bordereaux de situation, la cour considère que « les bordereaux de situation ne constituent pas des décisions prises par l’administration, mais des relevés d’information faisant référence à d’autres actes administratifs ». Elle ajoute qu’« en outre ils portent le cachet de la Direction départementale des finances publiques » et que « le nom et le téléphone de l’agent chargé du suivi du dossier » sont indiqués. Cette analyse distingue utilement les actes décisoires, soumis à l’obligation de signature, des documents informatifs annexés au commandement.
B. Le caractère exigible des créances fiscales
La cour examine la demande de transmission d’une question préjudicielle au juge administratif. Elle rappelle que « pour qu’une question préjudicielle doive être posée, il faut d’une part que la solution du litige dont est saisi le juge dépende d’une décision pouvant seulement être rendue par une juridiction de l’autre ordre, et d’autre part, que la question soulève une difficulté sérieuse ».
Elle écarte cette demande en relevant que « le moyen tendant à l’annulation des titres exécutoires en raison des dégrèvements dont a bénéficié M. [C] ne soulève pas une difficulté sérieuse dès lors que, s’agissant de dégrèvements partiels, ces titres exécutoires restaient valables, fût-ce partiellement ». Cette solution est conforme à la jurisprudence administrative selon laquelle un dégrèvement partiel ne remet pas en cause la validité du titre exécutoire pour le surplus.
La cour constate également que « le Trésor Public verse aux débats toutes les mises en demeure relatives aux impositions visées au commandement de saisie immobilière ». Elle vérifie que « les rôles litigieux ont fait l’objet d’une homologation régulière par le directeur divisionnaire et sont revêtus de la formule exécutoire ». Elle en conclut que « c’est à juste titre que le premier juge a considéré que le créancier poursuivant justifiait de titres exécutoires constatant une créance liquide et exigible ».
Cette décision s’inscrit dans la ligne jurisprudentielle qui impose au juge de l’exécution de vérifier l’existence des conditions de la saisie immobilière tout en respectant la répartition des compétences entre les ordres juridictionnels. Le contrôle exercé demeure formel et ne saurait conduire à remettre en cause l’assiette ou le calcul de l’impôt, qui relèvent de la compétence exclusive du juge administratif.