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La notion de rechute en droit de la sécurité sociale constitue un mécanisme essentiel permettant au salarié victime d’un accident du travail de bénéficier d’une nouvelle prise en charge lorsque son état de santé, initialement consolidé, connaît une évolution défavorable. La Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt rendu le 3 juillet 2025, apporte des précisions utiles sur les conditions de reconnaissance d’une rechute et sur le régime probatoire applicable.
Un salarié avait été victime d’un accident du travail le 18 avril 2006, consécutif à une chute sur le genou droit survenue alors qu’il marchait le long d’une voie ferrée. Son état de santé avait été déclaré consolidé le 14 septembre 2006, sans séquelle indemnisable. Plus de onze ans après cette consolidation, le 21 novembre 2017, le salarié a sollicité la prise en charge d’une rechute sur la base d’un certificat médical faisant état d’une gonalgie droite post-traumatique. La caisse primaire d’assurance maladie a refusé cette prise en charge le 30 novembre 2017, au motif de l’absence de modification de l’état consécutif à l’accident initial. Une expertise médicale diligentée dans le cadre de l’article L. 141-1 du code de la sécurité sociale a conclu à l’absence de symptômes traduisant une aggravation de l’état imputable à l’accident du travail. Le 19 juin 2018, la caisse a confirmé son refus.
L’assuré a saisi la commission de recours amiable puis, en l’absence de décision dans le délai imparti, le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles. Par jugement du 15 septembre 2022, cette juridiction a rejeté la demande de nouvelle expertise et débouté l’assuré de sa demande de prise en charge. L’assuré a interjeté appel le 26 octobre 2022, sollicitant l’infirmation du jugement, la désignation d’un expert et, à titre principal, la reconnaissance du lien entre la rechute et l’accident initial.
La question posée à la Cour d’appel de Versailles était la suivante : une gonalgie persistante, constatée plus de onze ans après la consolidation d’un accident du travail ayant affecté le même genou, peut-elle être reconnue comme une rechute de cet accident en l’absence d’éléments médicaux établissant un lien de causalité direct ?
La Cour confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions. Elle retient que « si des douleurs […] sont toujours présentes au niveau du genou droit onze ans après la consolidation de son état de santé à la suite de son accident du travail, cela ne signifie pas pour autant que toute lésion ou douleur du genou droit doive être en lien avec cet accident du travail ». Elle relève également que l’assuré « ne produit aucun autre élément médical remettant en cause l’expertise alors qu’il lui appartient de rapporter la preuve d’un lien entre la rechute et l’accident du travail ».
La définition juridique de la rechute et l’exigence d’un fait nouveau médical constituent le premier axe d’analyse de cette décision (I). Le régime probatoire et l’autorité de l’expertise médicale technique en forment le second (II).
I. La définition juridique de la rechute et l’exigence d’un fait nouveau médical
La Cour rappelle les conditions légales de la rechute telles qu’elles résultent des textes applicables (A), avant d’en faire une application rigoureuse au cas d’espèce (B).
A. Le cadre légal de la rechute : l’exigence d’une modification de l’état de la victime
La Cour fonde son raisonnement sur les articles L. 443-1 et L. 443-2 du code de la sécurité sociale. Le premier dispose que « toute modification dans l’état de la victime, dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de consolidation de la blessure, peut donner lieu à une nouvelle fixation des réparations ». Le second précise que « si l’aggravation de la lésion entraîne pour la victime la nécessité d’un traitement médical, qu’il y ait ou non nouvelle incapacité temporaire, la caisse […] statue sur la prise en charge de la rechute ».
La juridiction en déduit une définition synthétique : « La rechute suppose donc un fait nouveau, soit une aggravation de la lésion initiale, soit l’apparition d’une nouvelle lésion résultant de l’accident du travail initial. » Cette formulation met en lumière les deux hypothèses alternatives pouvant caractériser une rechute. Dans les deux cas, un lien de causalité avec l’accident initial demeure indispensable.
Cette exigence d’un fait nouveau répond à une logique de cohérence du système d’indemnisation. La consolidation marque le moment où l’état de la victime n’est plus susceptible d’amélioration par un traitement médical. Rouvrir la prise en charge au titre de la législation professionnelle suppose donc que survienne un élément distinct, médicalement constatable, rattachable à l’accident primitif.
B. L’application au cas d’espèce : la persistance de douleurs ne caractérise pas une rechute
La Cour procède à une analyse minutieuse des éléments médicaux. Le certificat initial du 18 avril 2006 mentionnait une « chute sur genou droit, impact rotulien + Hématome sur rotulien, douleur vive rotulienne ». Le certificat de rechute du 21 novembre 2017 faisait état d’une « gonalgie droite post-traumatique : raideur de l’articulation, accentuation de la douleur, réévaluation des séquelles ».
L’arrêt souligne que la seule persistance de douleurs au même endroit que la lésion initiale ne suffit pas à établir une rechute. La Cour énonce clairement : « Si des douleurs […] sont toujours présentes au niveau du genou droit onze ans après la consolidation de son état de santé à la suite de son accident du travail, cela ne signifie pas pour autant que toute lésion ou douleur du genou droit doive être en lien avec cet accident du travail. »
Cette position traduit une conception restrictive de la rechute. L’écoulement du temps, combiné à l’existence d’une pathologie dégénérative bilatérale, rompt le lien de causalité apparent entre les symptômes actuels et l’accident ancien. La Cour relève que l’expert avait noté un « pincement fémoro patellaire bilatéral », affectant donc les deux genoux. Cette symétrie constitue un argument décisif : « Cette symétrie vient donc en contradiction avec un lien entre la lésion et l’accident du travail de 2006 puisque rien ne viendrait expliquer la raison pour laquelle le genou gauche est atteint de la même façon. »
II. Le régime probatoire et l’autorité de l’expertise médicale technique
L’arrêt met en évidence le rôle central de l’expertise dans le contentieux de la rechute (A) et réaffirme la charge de la preuve pesant sur l’assuré (B).
A. L’autorité de l’expertise technique et les conditions de sa remise en cause
L’article L. 141-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que l’avis technique de l’expert « s’impose à l’intéressé comme à la caisse ». Il ajoute cependant que « au vu de l’avis technique, le juge peut, sur demande d’une partie, ordonner une nouvelle expertise ».
Le docteur désigné avait conclu dans son rapport du 1er juin 2018 qu’« au 21 novembre 2017 n’existait pas des symptômes traduisant une aggravation de l’état due à l’AT du 18/04/2006 et survenu depuis la consolidation fixe au 14/09/2006 ». L’expert avait relevé « l’ancienneté de l’AT du 18/04/2006, sa bénignité tant dans ses circonstances que dans ses répercussions anatomo-cliniques » ainsi que l’existence de calcifications antérieures à l’accident, révélatrices d’un état antérieur.
La Cour refuse d’ordonner une nouvelle expertise. Elle justifie ce refus par « l’absence d’éléments nouveaux remettant en cause les conclusions claires et précises de l’expertise ». Cette solution confirme que l’autorité de l’expertise technique ne peut être ébranlée par de simples contestations générales. L’assuré doit produire des éléments médicaux circonstanciés susceptibles de mettre en doute les conclusions expertales.
La jurisprudence fait ainsi preuve de rigueur dans l’appréciation des demandes de contre-expertise. Le caractère contradictoire de l’expertise initiale et la clarté de ses conclusions constituent des garanties suffisantes, sauf production d’éléments scientifiques nouveaux.
B. La charge de la preuve incombant à l’assuré
La Cour rappelle expressément que la preuve du lien entre la rechute et l’accident du travail incombe à l’assuré. Elle vise l’article 1353 du code civil aux termes duquel celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. L’arrêt constate que l’appelant « ne produit aucun autre élément médical remettant en cause l’expertise ».
Cette répartition de la charge probatoire se distingue de celle applicable à l’accident du travail initial. Dans ce dernier cas, le salarié bénéficie d’une présomption d’imputabilité dès lors que l’accident survient au temps et au lieu du travail. Aucune présomption équivalente n’existe pour la rechute. L’assuré doit établir positivement le lien de causalité entre les nouvelles manifestations pathologiques et l’accident primitif.
La solution retenue traduit un équilibre entre la protection des victimes et la maîtrise des dépenses de la branche accidents du travail. Elle évite que des pathologies dégénératives liées à l’âge ou au mode de vie soient indûment prises en charge au titre de la législation professionnelle en raison d’un accident ancien et bénin. L’état antérieur du salarié, caractérisé par des calcifications préexistantes, ainsi que son âge et son surpoids, mentionnés par l’expert, constituent des facteurs explicatifs alternatifs que la Cour prend légitimement en considération.