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La Cour d’appel de Versailles, le 3 juillet 2025, a été saisie de l’appel d’un salarié contestant l’extinction de son action et la régularité de la rupture intervenue. Engagé en contrat à durée indéterminée à compter du 11 mars 2019 comme conducteur de travaux, il avait vu sa période d’essai rompue le 25 avril 2019, alors que son contrat mentionnait une durée d’un mois. Il demandait, notamment, l’indemnité de préavis, des dommages-intérêts pour licenciement abusif, un rappel pour le lundi de Pâques, une prime sur chiffre d’affaires, des indemnités de repas et la restitution d’une retenue pour outillage.
La procédure avait connu des aléas. L’instance avait été déclarée caduque le 17 septembre 2019 puis radiée le 26 mai suivant. Le salarié sollicitait l’aide juridictionnelle le 30 janvier 2020, objet d’une ordonnance le 9 mars 2020. Il demandait ensuite le rétablissement de l’affaire en déposant des conclusions le 24 août 2021. Le jugement du 24 janvier 2023 avait retenu la péremption et déclaré ses prétentions irrecevables. L’appel interrogeait, d’une part, l’existence de diligences interruptives de la péremption et, d’autre part, la qualification de la rupture intervenue après l’expiration de la période d’essai contractuelle.
Deux questions dominaient ainsi le litige. D’abord, la demande d’aide juridictionnelle et le dépôt des écritures constituaient-ils des diligences interruptives au sens de l’article 386 du code de procédure civile. Ensuite, la clause contractuelle fixant une période d’essai d’un mois imposait-elle de qualifier la rupture tardive en licenciement abusif et d’allouer les accessoires salariaux revendiqués. La cour répond par l’affirmative à ces deux points, rappelant que « les parties conduisent l’instance sous les charges qui leur incombent » et que « l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans », tout en précisant qu’« une diligence n’est interruptive que si elle est de nature à faire progresser l’affaire ». Elle en déduit que l’aide juridictionnelle interrompit et suspendit le délai, puis que le dépôt des écritures du 24 août 2021 interrompit à nouveau, de sorte que la péremption n’était pas acquise. Au fond, la cour retient que « le contrat forme la loi des parties » et que la clause stipulant une période « d’un mois (soit jusqu’au 10 avril 2019 inclus) » s’imposait, rendant abusive la rupture du 25 avril 2019. L’examen portera d’abord sur la solution procédurale relative à la péremption, puis sur la qualification de la rupture et ses suites indemnitaires et salariales.
I. La péremption de l’instance au prisme des diligences interruptives
A. La référence aux textes et l’exigence d’une diligence utile
La cour ancre sa motivation dans le code de procédure civile. Elle cite d’abord l’article 2, aux termes duquel « les parties conduisent l’instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d’accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis ». Elle rappelle ensuite l’article 386, selon lequel « l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans ». L’articulation de ces deux textes commande une appréciation concrète de l’activité procédurale, afin d’identifier des actes propres à faire « progresser l’affaire ».
La cour énonce ainsi que « une diligence n’est interruptive que si elle est de nature à faire progresser l’affaire ». Cette formule, sobre et fermement posée, écarte toute vision formaliste de l’acte interruptif. Elle valorise la finalité d’impulsion procédurale et invalide les démarches purement dilatoires. Cette perspective s’accorde avec l’économie du dispositif de péremption, instrument d’ordre public de bonne administration de la justice.
B. L’effet interruptif de l’aide juridictionnelle et du dépôt d’écritures
L’application aux faits se fait en deux temps, suivant la chronologie des démarches accomplies. D’abord, la cour constate que la demande d’aide juridictionnelle du 30 janvier 2020, suivie de l’ordonnance du 9 mars 2020, a interrompu puis suspendu le délai. Elle retient, de manière nette, que le mécanisme d’assistance à l’accès au juge participe d’une impulsion effective, conformément à l’objectif de l’instance. Cette appréciation protège l’effectivité du droit d’agir, sans dénaturer l’exigence d’une démarche utile.
Ensuite, la cour relève que le requérant « a déposé ses écritures accompagnant la demande de réinscription de l’affaire et manifestant son intention de poursuivre la procédure le 24 août 2021 ». Dans le sillage de la définition rappelée, ce dépôt interrompt à nouveau, car il met la juridiction en mesure d’avancer vers l’audience. La décision articule l’ensemble en retenant les dates pivot, et neutralise l’argument tiré d’un rétablissement prétendument lacunaire. Elle infirme le jugement et « rejette l’exception de péremption », dans une approche à la fois pragmatique et fidèle aux textes.
Le débat procédural tranché, la cour examine le fond du litige, en se concentrant sur la nature de la rupture et sur les créances qui en découlent, selon la qualification retenue.
II. La qualification de la rupture et ses suites indemnitaires et salariales
A. La primauté de la clause contractuelle et la requalification en licenciement
Le différend tenait d’abord à la période d’essai. La convention collective prévoyait trois mois pour les agents de maîtrise. Le contrat avait, pourtant, stipulé une durée « d’un mois (soit jusqu’au 10 avril 2019 inclus) ». L’employeur invoquait une erreur matérielle, qu’il prétendait corriger a posteriori. La cour écarte résolument cet argument, en rappelant que « le contrat forme la loi des parties ». Elle ajoute que « la durée plus courte écrite au contrat que celle prévue par la loi ou la convention collective s’impose aux parties ».
Cette combinaison est décisive. Le contrat, en fixant un essai plus bref, lie les parties, sans qu’une prétendue erreur puisse renverser l’économie de la clause claire. Il en résulte que la rupture intervenue le 25 avril 2019 est postérieure à l’échéance contractuelle de l’essai, de sorte qu’elle s’analyse en un licenciement dépourvu des formes requises. La cour en tire les conséquences en allouant l’indemnité compensatrice de préavis, après déduction d’un paiement partiel, et des dommages-intérêts dans le cadre du barème applicable. La motivation se montre mesurée et conforme au régime légal, qu’elle applique avec sobriété.
B. Le tri des créances accessoires: jours fériés, prime variable, paniers et retenue
La décision opère un tri précis au regard des stipulations contractuelles et conventionnelles applicables. S’agissant du lundi de Pâques, la cour constate que « l’article L.3133-1 du code du travail établit le lundi de Pâques comme jour férié ». La convention collective ETAM prévoit que « si par suite de circonstances exceptionnelles, un ETAM est appelé à travailler (…) un jour férié, les heures ainsi effectuées sont majorées de 100 % ». L’argument tenant à une journée de solidarité est écarté, faute de trace probante en paie et en raison de l’article L.3133-7, qui ne se cumule pas avec une majoration. La majoration de 100 % est donc due.
La prime variable fait l’objet d’un raisonnement distinct, solidement ancré dans la clause. Le contrat prévoit que « une prime sur chiffre d’affaires sur chantier signé vous sera versée lors du règlement total du client sous les conditions suivantes : 7% si CA 15.000 euros ». La cour juge qu’il « est à tort » soutenu que la prime dépendrait des seules interventions sur chantier. Elle souligne surtout que le salarié ne prétend pas, ni ne prouve, qu’un « chantier signé » à son initiative ait été réglé, condition déterminante du droit à prime. En l’absence de réalisation de la condition contractuelle, la demande est rejetée.
Les « paniers habituellement servis dans la profession » sont enfin examinés. La convention collective ne prévoit pas de prime de panier pour un agent de maîtrise travaillant de jour. Aucun usage probant n’est établi. La cour refuse d’ériger le renvoi contractuel en clause créatrice d’un avantage autonome, faute d’intention claire de déroger aux normes conventionnelles. Le versement final opéré à ce titre n’appelle pas de complément.
Reste la retenue pour « outillage non rendu ». La cour rappelle que la charge de la preuve de la remise et de la non-restitution pèse sur l’employeur. Faute d’éléments probants, la retenue de 162 euros est indue. La restitution s’impose, conformément aux principes gouvernant les retenues sur salaire et le solde de tout compte. La solution, là encore, conjugue rigueur probatoire et fidélité aux sources conventionnelles et contractuelles.
En définitive, la cour opère une clarification méthodique. Elle garantit l’accès au juge par une conception téléologique de la diligence interruptive, et réaffirme la primauté du contrat lorsque la clause bénéfique au salarié est claire. Les effets pécuniaires sont exactement calibrés, au croisement des textes du code du travail, des stipulations contractuelles et des dispositions conventionnelles pertinentes. L’arrêt offre ainsi une application mesurée du droit positif, articulant sens, valeur et portée avec une sobriété convaincante.