- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Par un arrêt du 3 juillet 2025, la Cour d’appel de Versailles statue sur la participation d’un salarié en cessation anticipée d’activité. L’arrêt infirme le jugement du Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 25 mai 2023.
Sont en cause l’inopposabilité d’une clause excluant la participation et le point de départ de la prescription biennale. Engagé en 2007, le salarié a ensuite adhéré en 2015 à un dispositif conventionnel de cessation anticipée d’activité avec dispense d’activité rémunérée. L’accord collectif prévoyait que cette période n’ouvrait pas droit à la participation.
Le salarié a quitté les effectifs en 2022, après liquidation possible de sa pension à taux plein. Plusieurs salariés ont assigné en 2019 afin d’obtenir un rappel de participation. Par ordonnance de 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a renvoyé l’affaire devant la juridiction prud’homale.
Le conseil a débouté les demandes en 2023; l’appel a été relevé dans la foulée. L’appelant sollicitait le paiement de la participation de 2015 à 2021, assorti des intérêts légaux. L’employeur opposait l’exclusion conventionnelle et, subsidiairement, la prescription biennale antérieure au 17 avril 2017.
La Cour d’appel de Versailles juge la clause inopposable et retient la prescription pour la période antérieure au 17 avril 2017. Elle condamne l’employeur à payer une somme au titre de la réserve de participation pour le reliquat, avec intérêts.
I. L’ordre public de la participation et l’inopposabilité de la clause d’exclusion
A. L’affirmation d’un ordre public absolu
La cour rappelle d’abord la nature impérative du régime légal. Elle cite que « L’ensemble des dispositions légales et réglementaires relatives à la participation obligatoire des salariés aux résultats de l’entreprise qui vise à la constitution d’une épargne salariale et à son orientation vers un secteur déterminé de l’économie nationale étant d’ordre public absolu, il ne peut y être dérogé qu’avec l’autorisation expresse de la loi ». La conséquence est nette: une clause excluant de la participation un salarié encore compté à l’effectif heurte le texte et demeure inefficace.
La motivation s’appuie sur l’article L. 3322-2 du code du travail et sur l’économie générale du dispositif, conçu comme un droit créance sur une réserve spéciale. Le salarié répondait aux conditions d’ancienneté et d’appartenance à l’effectif; la stipulation d’exclusion, insérée dans un accord collectif, ne pouvait donc restreindre un droit d’ordre public.
B. La neutralisation par la voie d’exception d’illégalité
La cour écarte l’argument tenant à l’absence d’action en nullité dans le bref délai de l’article L. 2262-14. Elle rappelle que, selon le contrôle constitutionnel, « l’article L. 2262-14 ne prive pas les salariés de la possibilité de contester, sans condition de délai, par voie d’exception, l’illégalité d’une clause de convention ou d’accord collectif, à l’occasion d’un litige individuel la mettant en oeuvre ». La reconnaissance d’illégalité rend la clause inopposable au seul plaideur qui l’invoque, ce que confirme la jurisprudence sociale récente.
Ce mécanisme préserve l’accès effectif au juge et la hiérarchie des normes. La signature de l’avenant individuel, qui reprenait l’exclusion, n’emporte pas renonciation valable à un droit indisponible; la cour l’énonce avec clarté et constance.
II. La prescription biennale et son point de départ
A. Une action d’exécution soumise à deux ans
Pour la période temporelle, la cour retient la prescription de l’article L. 1471-1. Elle fait sienne la formule selon laquelle « La demande en paiement d’une somme au titre de la participation aux résultats de l’entreprise, laquelle n’a pas une nature salariale, relève de l’exécution du contrat de travail et est soumise à la prescription biennale de l’article L1471-1 du code du travail ». Le délai court du jour où le salarié a connu, ou aurait dû connaître, les faits permettant d’agir.
La cour identifie cette date à la signature de l’avenant mentionnant l’exclusion. L’inopposabilité de la clause n’affecte pas la connaissance des faits; elle neutralise seulement ses effets juridiques quant au fond du droit. Les demandes antérieures au 17 avril 2017 sont donc déclarées prescrites.
B. Portée matérielle de la solution et calcul des droits
La cour précise enfin l’assiette. Après la réforme du 30 septembre 2018, l’article D. 3324-10 vise les revenus d’activité. Elle retient que « Ainsi il résulte de cette évolution que l’allocation de cessation anticipée d’activité si elle peut avoir la nature d’un salaire ne peut néanmoins être qualifiée de revenus d’activité, de sorte que les sommes dues au titre de la participation seront calculées sur cette base sans que cela remette en cause les droits du salarié à y prétendre ». Le droit à participer demeure, mais l’allocation de dispense ne majore pas l’assiette postérieurement à cette date.
La cour rejette l’argument tiré de la distribution épuisée de la réserve. Elle énonce que « Le fait que la société ait déjà distribué l’intégralité de sa réserve de participation […] est sans effet sur le droit du salarié de percevoir sa part […], l’action engagée par lui étant une action en paiement ». La solution assure la primauté du droit individuel à répartition proportionnelle, puis ordonne un calcul prorata temporis et condamne au paiement du solde, intérêts légaux et accessoire au titre de l’article 700.