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Cour d’appel de Versailles, chambre sociale, 3 septembre 2025. La décision précise les effets d’une résiliation judiciaire prononcée au profit d’un salarié protégé, corrige la date de rupture et détermine l’articulation entre indemnité de nullité et indemnité pour violation du statut protecteur.
Le salarié, embauché en 2004 et investi d’un mandat de membre titulaire du CSE depuis juin 2019, a connu deux refus successifs d’autorisation de licenciement par l’inspection du travail. Un recours hiérarchique défavorable à l’employeur est ensuite annulé par le tribunal administratif en janvier 2025, sans incidence immédiate sur le litige prud’homal déjà engagé.
Saisi en mai 2022, le conseil de prud’hommes de Dreux prononce, par jugement du 5 mai 2023, la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur, l’analyse en licenciement nul et fixe, à tort, la rupture au 3 mars 2023. L’employeur remet les documents de fin de contrat sous exécution provisoire. En appel, le salarié sollicite notamment une rectification de la date de rupture, un rappel de salaires postérieur au jugement et une majoration des indemnités. L’employeur demande le rejet des rappels et une appréciation modérée des indemnités liées à la nullité.
La question tranchée porte d’abord sur la date exacte de la rupture lorsqu’une résiliation judiciaire est prononcée et assortie de l’exécution provisoire. Elle concerne ensuite l’étendue des droits du salarié protégé au titre de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, ainsi que l’articulation avec l’indemnité minimale due en cas de licenciement nul hors barème.
La cour retient que la rupture intervient au jour du jugement de première instance, sous exécution provisoire, excluant tout salaire postérieur. Elle applique le régime spécial du salarié protégé pour allouer une indemnité couvrant la fin de la période de protection, et confirme une indemnité plancher pour nullité du licenciement. Ainsi, « Par voie d’infirmation, il convient de fixer la rupture du contrat de travail à la date du jugement qui prononce la résiliation judiciaire dudit contrat, soit le 5 mai 2023 dès lors qu’il n’est pas contesté que le contrat de travail du salarié ne s’est pas poursuivi au-delà de cette date. » De même, « En application, notamment, de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, le salarié protégé dont la demande de résiliation judiciaire est accueillie a droit, en sus de l’indemnisation du préjudice lié à la rupture, au paiement, au titre de la violation de son statut protecteur, d’une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours au jour de sa demande, augmentée de six mois lorsqu’il présente sa demande d’indemnisation avant cette rupture. »
I. Clarification de la rupture et du régime du salarié protégé
A. Date de rupture et portée de l’exécution provisoire
La cour corrige l’erreur matérielle du premier juge et fixe la rupture au 5 mai 2023, date du jugement de résiliation. Elle rappelle que l’exécution provisoire s’applique aux chefs pertinents, privant l’appel d’effet suspensif sur la rupture et ses suites. La formule est nette: « Au cas présent, le conseil de prud’hommes a précisément ordonné l’exécution provisoire du jugement ». Les prétentions salariales postérieures à la rupture sont donc rejetées, la qualité de salarié ayant cessé à la date retenue.
Ce raisonnement s’inscrit dans la logique du droit processuel du travail, qui admet l’exécution provisoire de plein droit ou ordonnée pour certains chefs. L’éviction alléguée ne saurait produire d’effet indemnitaire autonome, en l’absence de poursuite du contrat et de demande de réintégration.
B. Indemnité pour violation du statut protecteur
La cour applique le mécanisme spécifique de l’article L. 1235-3-1, distinct de l’indemnité de nullité, pour couvrir la période de protection résiduelle. La protection en cours expirant le 4 décembre 2023, l’indemnité est calculée entre la date de rupture et cette échéance, sur la base salariale de référence non contestée. La motivation souligne la suffisance des éléments: « Il sera donc fait droit à sa demande indemnitaire compte tenu d’un salaire de référence de 2 071,95 euros bruts avant son arrêt maladie, non contesté par l’employeur. »
Ce faisant, la cour redonne à l’indemnité de statut protecteur sa finalité de réparation normative, indépendante de la démonstration d’un préjudice distinct. Elle évite les doubles emplois en séparant clairement les régimes indemnitaires concernés.
II. Valeur et portée de la solution retenue
A. Articulation avec l’indemnité pour licenciement nul
La cour précise la mise à l’écart du barème légal en cas de nullité tenant au statut protecteur. Le rappel textuel l’exprime sans ambiguïté: « Selon l’article L. 1235-3-1 du code du travail, l’article L. 1235-3 prévoyant un barème d’indemnisation n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une nullité afférente au licenciement d’un salarié protégé. » En l’absence de réintégration, l’indemnité ne peut être inférieure à six mois de salaire, ce que la cour retient ici au vu des éléments fournis.
Cette solution conforte l’office du juge du fond, qui reste libre d’ajuster le quantum au-delà du plancher, sur preuve d’un préjudice caractérisé. Faute d’éléments probants sur la situation postérieure, le minima légal est justement appliqué.
B. Intérêts, demandes nouvelles et abus de procédure
La cour affine le régime des intérêts moratoires, en distinguant créances salariales et indemnitaires. Elle indique précisément le point de départ, suivant les textes civils et la pratique prud’homale: « Il convient de préciser que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du jugement en cas de confirmation des condamnations et du présent arrêt pour le surplus. » Elle ajoute la capitalisation dans les termes de l’article 1343-2: « Les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite. »
Les demandes nouvelles de rappel de salaires sont écartées, en raison de la rupture exécutoire au jour du jugement. La demande reconventionnelle pour procédure abusive est rejetée selon le standard classique: « L’exercice d’une action en justice ne dégénère en abus qu’en cas de malice, de mauvaise foi ou d’une erreur grossière équipollente au dol, ce qui n’est pas avéré en l’espèce. » L’allocation mesurée au titre de l’article 700 et la répartition des dépens complètent un dispositif cohérent.
Cette décision apporte une clarification utile sur la date de rupture en cas de résiliation judiciaire exécutoire et sur la coexistence ordonnée des deux indemnités propres au salarié protégé. Elle confirme une lecture rigoureuse des textes, équilibrant la protection statutaire et la sécurité des situations nées d’un jugement assorti de l’exécution provisoire.