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Le contrat nouvelle embauche, créé par l’ordonnance du 2 août 2005 puis abrogé par la loi du 25 juin 2008, continue de susciter des difficultés lorsque des employeurs peu avisés y font référence dans des contrats conclus postérieurement à son abrogation. La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 3 septembre 2025, a eu l’occasion de trancher un litige opposant une ambulancière à son ancien employeur, soulevant notamment la question de la qualification du contrat et celle de la validité d’un licenciement pour faute grave fondé sur une absence injustifiée.
Une salariée a été engagée le 17 septembre 2019 en qualité d’ambulancier par une société spécialisée dans les transports sanitaires. Le contrat mentionnait qu’elle était embauchée « pour une durée indéterminée dans le cadre du Contrat Nouvelle Embauche », bien que ce dispositif ait été abrogé depuis plus de onze ans. La salariée a été placée en arrêt maladie du 8 septembre 2020 au 4 décembre 2020 au moins, puis ne s’est pas présentée à son poste à compter du 5 janvier 2021 sans fournir de justificatif ni répondre à la mise en demeure de l’employeur. Elle a été licenciée pour faute grave le 18 février 2021. Elle a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise aux fins de contester son licenciement et d’obtenir diverses sommes. Par jugement du 21 juin 2023, le conseil de prud’hommes a dit le licenciement justifié par une faute grave et a condamné l’employeur à lui verser 1 000 euros au titre des heures supplémentaires et des heures de nuit. La salariée a interjeté appel, sollicitant notamment la nullité de son licenciement au motif que l’employeur aurait dû organiser une visite de reprise après un arrêt de travail de plus de trente jours.
La cour d’appel devait déterminer si le licenciement prononcé pendant une période de suspension du contrat de travail pour maladie était nul faute pour l’employeur d’avoir organisé la visite médicale de reprise prévue par l’article R. 4624-31 du code du travail, ou s’il était justifié par une faute grave de la salariée.
La cour d’appel de Versailles confirme que le licenciement repose sur une faute grave. Elle retient que si l’employeur avait connaissance de la date de fin de l’arrêt de travail et qu’il lui revenait d’organiser une visite de reprise, la salariée pouvait elle aussi en solliciter une. Surtout, elle relève que la salariée n’a pas répondu à la lettre du 13 janvier 2021 par laquelle l’employeur l’invitait à justifier sa situation, ni manifesté son intention de reprendre le travail, alors même que les relations entre les parties étaient dégradées. Le conseil de prud’hommes avait donc à juste titre estimé que « la salariée n’avait pas manifesté son intention de reprendre le travail après son arrêt de travail ». Par ailleurs, la cour infirme partiellement le jugement sur les heures supplémentaires, ramenant la condamnation à 321,30 euros et déboutant la salariée de sa demande au titre du travail de nuit.
L’intérêt de cet arrêt réside dans l’articulation entre l’obligation patronale d’organiser une visite de reprise et le comportement du salarié qui, par son silence prolongé, rend cette organisation impossible (I). Il illustre également les conditions dans lesquelles une absence peut être qualifiée de faute grave même lorsque le contrat de travail est suspendu pour maladie (II).
I. L’obligation de visite de reprise confrontée au silence du salarié
La cour rappelle le cadre juridique de la visite de reprise tout en soulignant les obligations réciproques des parties (A), puis en déduit que le silence obstiné du salarié peut dispenser l’employeur de cette formalité (B).
A. Le rappel du cadre légal de la visite de reprise
L’article R. 4624-31 du code du travail impose à l’employeur d’organiser un examen de reprise après une absence d’au moins trente jours pour cause de maladie. La cour relève que « dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise le jour de la reprise effective du travail ». Cette disposition vise à protéger la santé du salarié en vérifiant son aptitude avant toute reprise d’activité. En l’espèce, l’arrêt de travail avait duré du 8 septembre 2020 au 5 janvier 2021, soit près de quatre mois, dépassant largement le seuil de trente jours. L’employeur avait donc théoriquement l’obligation d’organiser cette visite.
Toutefois, la cour observe que cette obligation suppose que l’employeur soit informé de la date de reprise effective. Or, « la succession des arrêts de travail de la salariée pouvait laisser supposer à l’employeur qu’ils se poursuivraient au-delà du 5 janvier 2021 ». L’employeur se trouvait ainsi dans l’incertitude quant à la situation réelle de sa salariée, ce qui explique qu’il lui ait adressé une lettre le 13 janvier 2021 pour connaître sa situation.
B. La dispense d’organiser la visite en cas de silence du salarié
La cour retient que « la salariée pouvait elle aussi solliciter une visite de reprise » et qu’« il n’apparaît pas dans les pièces versées aux débats qu’elle aurait donné suite à la lettre que l’employeur lui a adressée le 13 janvier 2021 ». Cette position s’inscrit dans une jurisprudence établie selon laquelle le salarié peut prendre l’initiative de demander la visite de reprise lorsque l’employeur ne l’organise pas.
La cour souligne particulièrement que la salariée « n’a pas indiqué à son employeur que son arrêt de travail ne serait pas renouvelé au-delà du 5 janvier 2021, ce qui lui aurait permis d’organiser une visite de reprise ». En d’autres termes, le silence de la salariée a rendu impossible pour l’employeur de satisfaire à son obligation. Cette analyse permet de comprendre pourquoi la cour estime que l’employeur « n’était donc pas tenu d’organiser de visite de reprise » dans les circonstances de l’espèce.
Cette solution présente une portée pratique importante. Elle rappelle que si l’obligation de visite de reprise pèse principalement sur l’employeur, elle ne saurait être instrumentalisée par un salarié qui, par son inertie délibérée, empêche son exécution puis prétend en tirer argument pour contester son licenciement.
II. La caractérisation de la faute grave malgré la suspension du contrat
La cour examine les conditions dans lesquelles une absence peut constituer une faute grave pendant un arrêt maladie (A), puis apprécie le comportement de la salariée au regard du contexte relationnel dégradé (B).
A. L’absence injustifiée comme faute grave pendant la suspension du contrat
L’article L. 1226-9 du code du travail dispose qu’« au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie ». L’article L. 1226-13 précise que toute rupture méconnaissant cette règle est nulle. La cour rappelle que « la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d’une importance telle qu’ils rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ».
En l’espèce, la salariée invoquait la nullité de son licenciement au motif qu’elle se trouvait en arrêt maladie. La cour écarte cet argument en relevant que l’arrêt de travail avait pris fin le 5 janvier 2021 et que, à compter de cette date, la salariée ne s’était plus présentée sans fournir aucun justificatif. La lettre de licenciement reprochait précisément à la salariée de ne pas s’être « présentée à votre travail depuis le 05/01/2021, sans aucun motif, ni explication de votre part ». L’absence injustifiée, distincte de l’absence pour maladie dûment justifiée, pouvait donc constituer une faute grave.
B. L’appréciation du comportement au regard des relations dégradées
La cour accorde une importance particulière au contexte relationnel entre les parties. Elle reproduit un échange de messages du 8 septembre 2020 dans lequel la salariée avait répondu de façon insolente au reproche de ne pas avoir prévenu plus tôt de son absence. La salariée avait écrit : « La prochaine fois je ne prendrai pas la peine de vous prévenir, je vous enverrai directement l’arrêt ». La cour en déduit que « compte tenu de la nature dégradée des relations de travail entre les parties, il appartenait à la salariée, invitée par la société à lui faire connaître sa situation, de répondre à sa lettre du 13 janvier 2021 ».
Cette motivation révèle que la cour apprécie la faute grave non pas abstraitement mais au regard de l’ensemble des circonstances. Le silence de la salariée, ajouté à son comportement antérieur et au refus de se présenter à l’entretien préalable, caractérise une volonté délibérée de ne pas reprendre le travail sans en informer l’employeur. Cette attitude rendait impossible le maintien du lien contractuel et justifiait le licenciement pour faute grave.
La portée de cet arrêt réside dans l’équilibre qu’il établit entre la protection du salarié malade et les obligations qui continuent de peser sur lui. Si l’employeur ne peut licencier pendant la suspension du contrat qu’en cas de faute grave, le salarié ne saurait se prévaloir de cette protection lorsque son comportement, distinct de la maladie elle-même, constitue précisément une telle faute.