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Rendue par la cour d’appel de Versailles le 4 septembre 2025 (chambre sociale 4-2, n° RG 22/03688), la décision tranche un litige relatif à la mise en œuvre d’une clause de mobilité, à la rémunération durant une période d’absence et au bien-fondé d’un licenciement pour faute grave. Une salariée, embauchée à temps partiel avec des horaires du soir contractualisés et une clause de mobilité régionale, a refusé de nouveaux sites d’affectation proposés après la demande d’un client de déplacer la prestation le matin, puis s’est abstenue de reprendre le travail.
Saisie d’une demande de résiliation judiciaire, la juridiction prud’homale a jugé régulière la mise en œuvre de la clause de mobilité et a retenu une faute grave privative d’indemnités. En appel, la salariée sollicitait notamment un rappel de salaires, des dommages-intérêts pour exécution déloyale, la résiliation judiciaire, subsidiairement l’absence de cause réelle et sérieuse, tandis que l’employeur demandait confirmation.
La question posée tenait à la qualification du refus d’affectation au regard de la clause de mobilité, au point de savoir s’il libérait l’employeur du paiement des salaires et s’il pouvait fonder un licenciement pour faute grave. La cour confirme la décision, juge la mutation proportionnée, écarte les demandes salariales et la résiliation judiciaire, puis retient des manquements caractérisant une faute grave.
I – Le contrôle de la mobilité contractuelle et de ses effets
A – Critères et proportionnalité de la mutation
La cour rappelle d’abord le cadre classique: « La détermination de l’horaire de travail rélève en principe du pouvoir de direction de l’employeur. » Toutefois, « constitue toutefois une modification du contrat de travail qui requiert l’accord du salarié la modification des horaires de travail qui ont été contractualisés ou la modification d’ampleur des horaires de travail, qui apporte un bouleversement important à la situation du salarié et porte une atteinte excessive au droit au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos. » L’articulation avec la mobilité est précisée par l’attendu suivant: « Même si une mutation intervient en application d’une clause de mobilité, la Cour de cassation admet que le salarié puisse la refuser lorsqu’une telle mutation porte atteinte aux droits à une vie personnelle et familiale et que cette atteinte n’est ni justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché. »
Appliquant ces critères, la cour constate que la clause visait la région francilienne dans un rayon défini, que les horaires du soir étaient maintenus, et que le temps de trajet vers le nouveau site n’excédait pas celui du site précédent. Elle relève que l’argument familial invoqué, bien que sérieux, n’était pas établi comme connu de l’employeur au moment des propositions, et que l’atteinte alléguée n’apparaissait pas disproportionnée au regard de l’organisation de l’entreprise.
B – Conséquences salariales et exécution loyale
Sur la période d’absence, le rappel est net: « Il est constant que l’employeur est tenu d’exécuter ses obligations contractuelles et légales, notamment celles de rémunérer le salarié mensuellement (…), et de lui fournir un travail ainsi que les moyens de le réaliser. » La cour en déduit cependant que le refus injustifié d’une affectation conforme à la clause et conservant les horaires convenus justifie l’absence de travail fourni par l’employeur et exclut le droit aux salaires.
S’agissant de la loyauté, le visa de principe est repris: « L’article L. 1222-1 du code du travail dispose que “le contrat de travail est exécuté de bonne foi.” » Les démarches de recherche d’affectation compatibles, la formalisation des propositions et les convocations subséquentes établissent une exécution conforme. À défaut de manquement démontré de l’employeur, la demande indemnitaire pour exécution déloyale est écartée de même que la résiliation judiciaire, faute d’atteindre le seuil d’empêchement de la poursuite du contrat.
II – La faute grave: définition opératoire et portée
A – Définition normative et application aux griefs
La cour situe la qualification dans son cadre probatoire: « La cause du licenciement, qui s’apprécie au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l’employeur, doit se rapporter à des faits objectifs, existants et exacts, imputables au salarié, en relation avec sa vie professionnelle et d’une certaine gravité qui rend impossible la continuation du travail et nécessaire le licenciement. » Elle précise: « La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat. »
Le périmètre du débat est fixé par un rappel constant: « La lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement. » La cour retient l’absence persistante depuis plusieurs mois malgré une affectation déterminée, le défaut de réponse utile à une demande de reprise, ainsi que l’absence à une visite médicale hors période de confinement. Elle note que la procédure était engagée avant la saisine prud’homale et que les éléments produits caractérisent des manquements graves, sans faire naître le doute utile dont la règle est rappelée: « Si un doute subsiste, il profite au salarié. »
B – Portée pratique et appréciation critique
La solution réaffirme une grille de lecture exigeante mais lisible de la mobilité: contrôle de la clause, des horaires réellement maintenus, et surtout de la proportionnalité appréciée par comparaison au site antérieur plutôt qu’au domicile seul. Elle souligne aussi l’importance, pour le salarié, d’objectiver l’atteinte à la vie personnelle et familiale, et, pour l’employeur, de documenter les contraintes opérationnelles et la connaissance effective des situations personnelles invoquées.
Sur le terrain disciplinaire, l’arrêt illustre l’articulation entre absence prolongée consécutive à un refus injustifié et faillite aux obligations essentielles, apte à caractériser la faute grave. La motivation combine des standards généraux et des vérifications concrètes, tout en neutralisant les fragilités procédurales mineures au regard de l’ensemble des éléments. L’ensemble clarifie les lignes de partage: mobilité proportionnée, suspension du droit au salaire en cas de refus injustifié, et faculté de rompre immédiatement lorsque la continuité du service est durablement paralysée.