- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Par un arrêt du 4 septembre 2025, la cour d’appel de Versailles tranche plusieurs questions relatives à un licenciement disciplinaire et à diverses demandes salariales et reconventionnelles. Le salarié, engagé en 2018 avec reprise d’ancienneté, occupait des fonctions de haut niveau et bénéficiait d’un véhicule de fonction soumis à une politique interne contraignante. Après une rétrogradation disciplinaire du 17 février 2022, l’employeur l’a convoqué le 14 juin 2022 puis licencié pour faute grave le 30 juin 2022. Les griefs portaient sur des contraventions impayées, la non‑présentation d’un permis de conduire et une restitution non conforme du véhicule de fonction.
Le conseil de prud’hommes d’Argenteuil a retenu la faute grave et a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes, hors demandes reconventionnelles accueillies partiellement. L’appel porte notamment sur la régularité du passage en formation restreinte, la prescription disciplinaire, la qualification de la faute grave et plusieurs prétentions salariales et accessoires. La question centrale tient à la caractérisation d’une faute grave au regard de manquements répétés et de la position hiérarchique du salarié, puis aux effets pécuniaires subséquents. L’analyse suit cette articulation, en examinant d’abord la régularité des poursuites et la gravité des manquements, puis les conséquences sur le temps de travail et les créances.
I. Régularité des poursuites et caractérisation de la faute grave
A. Pouvoir du bureau de conciliation et délai disciplinaire
La cour écarte le moyen de nullité en rappelant le cadre du jugement en composition restreinte lorsque une partie fait défaut sans motif légitime. « Aux termes de l’article L. 1454-1-3 du code du travail, ‘si, sauf motif légitime, une partie ne comparaît pas, personnellement ou représentée selon des modalités prévues par décret en Conseil d’Etat, le bureau de conciliation et d’orientation peut juger l’affaire, en l’état des pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqués.’ » « Dans ce cas, le bureau de conciliation et d’orientation statue en tant que bureau de jugement dans sa composition restreinte mentionnée à l’article L. 1423-13′. » Au regard des éléments de convocation et de non‑comparution, la juridiction prud’homale a pu statuer en l’état, rendant inopérant le grief tiré d’une atteinte au contradictoire.
La temporalité des poursuites est ensuite examinée sous l’angle de la prescription disciplinaire, afin d’écarter les faits anciens et de retenir ceux régulièrement engagés. « Aux termes de l’article L.1332-4 du code du travail, ‘Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.’ » La cour cantonne ainsi l’examen aux contraventions révélées au printemps 2022, tout en écartant les infractions antérieures atteintes par la prescription, conformément au texte précité.
B. Gravité des manquements et proportionnalité de la rupture
Le contrôle de la gravité s’opère d’abord par le rappel des critères légaux et de la charge probatoire pesant sur l’employeur en pareille matière. « Il résulte des dispositions de l’article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et implique son éviction immédiate. » « La preuve de la faute grave incombe à l’employeur. » Au terme de l’analyse des pièces, la cour retient un faisceau de manquements caractérisés, tout en excluant un grief non établi relatif à la déclaration d’un conducteur secondaire. « Ainsi, trois griefs figurant à la lettre de licenciement sont établis : le non-paiement de 10 contraventions de son véhicule de fonction, l’absence de production du permis de conduire, une restitution du véhicule de fonction non conforme à la politique de la société. » « Au vu de la nature des fonctions exercées par le salarié, de son haut niveau de responsabilité, ces griefs caractérisent un comportement inacceptable, rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. »
Le choix d’une rupture disciplinaire se trouve donc proportionné à la gravité des manquements, eu égard à la position hiérarchique et aux obligations de loyauté et d’exemplarité assumées. Reste à apprécier les répercussions sur le statut, la durée du travail et les demandes pécuniaires connexes admises ou rejetées.
II. Portée sur le temps de travail et les accessoires salariaux
A. Statut de cadre dirigeant et preuve des heures supplémentaires
La cour vérifie d’abord la réunion cumulative des critères légaux du cadre dirigeant, ceux-ci commandant l’applicabilité du droit de la durée du travail. « Seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants les cadres participant à la direction de l’entreprise. » L’indépendance dans l’emploi du temps, l’autonomie décisionnelle et une rémunération située dans les niveaux les plus élevés sont retenues jusqu’au 16 février 2022. La rétrogradation disciplinaire a ensuite fait perdre ce statut, ouvrant droit au contrôle du temps de travail pour la période du 17 février au 30 juin 2022.
« En application notamment de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. » Faute d’éléments contradictoires produits par l’employeur, l’évaluation souveraine de la cour aboutit à la reconnaissance d’heures supplémentaires sur la période considérée. « Au vu des éléments produits par l’une et l’autre des parties, la cour a la conviction que le salarié a accompli des heures supplémentaires non rémunérées sur la période du 17 février au 30 juin 2022 qu’elle évalue à la somme de 4 375 euros, outre 437,50 euros au titre des congés payés afférents. »
B. Congés payés, frais professionnels, sécurité et demandes reconventionnelles
La cour procède ensuite à la rectification des congés payés restants, en reconstituant l’acquis et les décomptes opérés antérieurement sur les bulletins de paie. « Par conséquent, il reste dû au salarié la somme de 19 804,36 euros correspondant à 23,5 jours de congés payés acquis avant déduction de la somme de 5 191,27 euros réglée lors du solde de tout compte, soit un montant de 14 613,09 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés, l’employeur ne démontant pas s’être acquitté de la somme due. »
La demande de remboursement de frais professionnels est rejetée, la procédure interne et ses exigences probatoires n’étant pas respectées, malgré des justificatifs unitaires produits. Le manquement à l’obligation de sécurité n’est pas caractérisé, faute d’alerte préalable et de lien probant entre l’état de santé allégué et les conditions de travail. « En l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le salarié a alerté l’employeur sur une dégradation de ses conditions de travail, ni la médecine du travail à ce titre. »
S’agissant des demandes nouvelles formées en appel, la cour retient l’irrecevabilité de la prétention relative aux majorations des contraventions. « Déclare irrecevable la demande nouvelle de remboursement de majorations appliquées aux contraventions de stationnement. » Les demandes reconventionnelles relatives aux réparations du véhicule et au remboursement d’une amende sont admises au vu des justificatifs produits et de la mise en demeure. « Partant, la créance est fondée dans son principe et son quantum. » La solution, équilibrée, distingue strictement la sphère disciplinaire et la sphère salariale, tout en assurant la sécurité juridique des procédures et des intérêts en présence.