- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Par un arrêt de la cour d’appel de Versailles du 4 septembre 2025, la chambre de la protection sociale confirme l’inopposabilité d’une prise en charge de maladie professionnelle au motif d’un manquement au contradictoire. Un salarié, maçon, a déclaré en mai 2021 une lombo-sciatique prise en charge au titre du tableau n° 98, décision contestée par l’employeur devant la commission puis le juge. Le premier juge a retenu que la caisse n’avait pas respecté le délai légal de réponse au questionnaire employeur, après le refus explicite d’utiliser l’applicatif numérique et la demande d’un envoi postal.
En appel, la caisse soutenait l’existence d’un accord antérieur à l’usage de la plateforme numérique, la diligence d’une enquête et la relance de l’employeur avant la décision de prise en charge. L’employeur faisait valoir l’absence d’accord exprès, le refus réitéré de la voie électronique, la réception tardive d’un questionnaire papier et un délai de réponse réduit à cinq jours francs. Se posait dès lors la question de savoir si l’acceptation antérieure de conditions d’utilisation d’un applicatif suffit à établir l’accord exprès requis pour une communication électronique, et si la caisse pouvait réduire le délai légal de réponse.
La cour retient que le consentement électronique n’est pas établi, que l’employeur a clairement refusé la voie numérique, et que le délai légal de trente jours francs n’a pas été respecté, ce qui vicie le contradictoire. L’étude précise d’abord le cadre légal de l’instruction et la qualification du consentement électronique, puis apprécie la valeur et la portée pratiques de la solution ainsi retenue.
I. Le cadre de l’instruction et l’exigence d’un consentement électronique explicite
A. Le moyen conférant date certaine et le délai de trente jours francs
La cour rappelle, en des termes directs, la norme applicable à l’instruction des maladies professionnelles. Elle énonce que, « En application des dispositions de l’article R.461-9 du code de la sécurité sociale, lorsque la caisse engage des investigations elle adresse par tout moyen conférant date certaine à sa réception un questionnaire à la victime ou à ses représentants ainsi qu’à l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief. Le questionnaire est retourné dans un délai de trente jours francs à compter de sa date de réception. La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire. » Cette citation recentre l’office de la caisse sur la preuve d’un envoi régulier et sur le respect du délai impératif.
L’exigence de sécurité juridique s’étend à la dématérialisation, qui n’est licite qu’en présence d’un accord exprès préalable. La cour ajoute que « L’article R.112-17 du code des relations entre le public et l’administration impose à l’administration de recueillir l’accord exprès des personnes auxquelles elle souhaite s’adresser au moyen d’un procédé électronique permettant de désigner l’expéditeur, de garantir l’identité du destinataire et d’établir si le document a été remis. » L’articulation des deux textes commande donc, d’une part, une date certaine et, d’autre part, un consentement clair à la voie électronique, à défaut duquel l’envoi postal s’impose.
B. L’insuffisance d’une acceptation ancienne des conditions d’utilisation et l’efficacité du refus exprès
La cour écarte la preuve produite par la caisse, faute d’identifier la version pertinente des conditions générales et leur contenu au regard du consentement recherché. Elle retient que « les conditions générales d’utilisation acceptées ne sont pas produites. Ce document n’établit donc pas que l’acceptation des conditions générales d’utilisation emporte accord express pour communiquer par voie électronique. » La mention de versions successives et non corrélées à la période litigieuse renforce cette insuffisance probatoire.
Surtout, la cour confère pleine efficacité au refus exprès formulé en cours d’instruction, qui neutralise toute prétendue acceptation antérieure. Elle constate, sans ambiguïté, que « Ce faisant elle a manifesté de manière claire son refus d’utiliser la voie électronique. » Et elle ajoute, en fermant la porte aux constructions implicites, qu’« Il ne saurait être soutenu que la société ne pouvait pas revenir sur un accord à l’utilisation de procédés électroniques (non établi au demeurant) qu’elle aurait donné deux ans avant. » La conclusion s’impose, la cour jugeant que « Le document produit en cause d’appel est donc inopérant à établir l’accord de la société à utiliser la voie électronique. »
II. Valeur et portée de la solution retenue pour le contradictoire et la dématérialisation
A. Une réaffirmation salutaire du contradictoire et de la sécurité juridique
La conséquence procédurale découle mécaniquement de l’irrégularité de l’envoi et du délai. La cour souligne que « Il est constant que la caisse a demandé à la société de retourner le questionnaire le 19 octobre 2021 (courriel du 13 octobre 2021 ); ce faisant elle n’a pas respecté les dispositions de l’article R461-9 du code de la sécurité sociale. » La réduction à cinq jours, au lieu de trente jours francs, prive utilement la partie de son droit d’être entendue de manière effective.
Dans le prolongement, la sanction d’inopposabilité s’inscrit dans la logique d’un contrôle concret du contradictoire. La cour approuve le premier juge en constatant que « Le premier juge a donc justement retenu que la caisse avait manqué au principe du contradictoire et déclaré la décision de prise en charge de la maladie professionnelle inopposable à la société. » Cette solution protège l’équilibre des intérêts sans annuler la décision erga omnes, ce qui préserve l’assuré tout en responsabilisant la caisse.
B. Des exigences opérationnelles pour les caisses et un usage maîtrisé des applicatifs
La décision impose une discipline accrue dans la preuve du consentement électronique, qui doit être explicite, daté et rattaché à la version applicable des conditions d’utilisation. L’argument tiré d’une création de compte ancienne ne suffit pas, faute de texte clair et de rattachement précis à l’acte d’instruction concerné. Les outils numériques restent utiles, mais leur usage ne peut suppléer ni le consentement exprès, ni la date certaine, ni le délai impératif.
La portée pratique est nette. En cas de refus de la voie électronique, l’envoi postal s’impose et déclenche seul le délai de trente jours francs, qui ne peut être réduit unilatéralement. Les caisses devront consigner systématiquement l’accord exprès, conserver les versions pertinentes des conditions, et articuler les relances avec des moyens conférant date certaine. À défaut, la décision encourt l’inopposabilité, ce qui incite à une dématérialisation juridiquement maîtrisée plutôt qu’à une simplification procédurale hasardeuse.