- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Rendue par la Cour d’appel de Versailles le 4 septembre 2025, l décision confronte l’opposabilité à l’employeur d’une prise en charge au titre du tableau n° 57 A. Un salarié, poseur sur réseaux secs, a déclaré une pathologie reconnue par la caisse après enquête. En première instance, le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles, le 12 mai 2023, a jugé la décision inopposable, faute de preuve d’exposition. L’organisme social a interjeté appel pour voir reconnaître l’exposition et la présomption corrélative.
Les faits utiles tiennent aux tâches effectivement réalisées et à la durée quotidienne d’abduction de l’épaule. Le salarié a décrit le tirage de câbles, l’usage de pilonneuse et de marteau piqueur, ainsi que des opérations de maçonnerie. L’employeur a nié de façon générale la réalisation de gestes pathogènes et a mis en avant l’absence de cadence et l’usage d’engins mécaniques. La procédure a opposé deux questionnaires divergents, sans pièces corroborantes produites par l’employeur. La question tranchée porte sur la satisfaction de la condition d’exposition fixée par le tableau, condition nécessaire à la présomption d’imputabilité et à l’opposabilité de la décision de prise en charge.
Le texte applicable est rappelé en des termes précis par l’arrêt: « Selon le tableau n° 57 A des maladies professionnelles, sont visés, de façon limitative, comme étant susceptibles de provoquer une rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par [11], des travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction : avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé, ou avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé. » La Cour retient que les tâches décrites sont compatibles avec la fonction exercée, que les objections relatives à la cadence et aux engins sont inopérantes, et qu’un avis d’inaptitude éclaire, de surcroît, l’exposition antérieure. Elle décide ainsi: « Il convient en conséquence d’infirmer le jugement dans sa totalité et de déclarer opposable à la société la décision de prise en charge. »
I – La détermination du risque au regard du tableau n° 57 A
A – La portée normative des critères d’abduction et de durée
Le tableau impose une liste limitative d’activités pathogènes et des seuils d’abduction mesurés en durée cumulée journalière. La Cour reprend intégralement ces critères et déplace utilement le débat vers l’essentiel, c’est-à-dire l’angle et le temps d’exposition effectifs. L’argumentation fondée sur l’absence de travail à la chaîne ou de gestes « au-dessus de l’épaule » est dépourvue de prise sur le texte. Le cœur du tableau n’est pas la répétition en soi, mais l’abduction au-delà de 60° ou 90°, durant un temps cumulé déterminé. La motivation neutralise donc les détours sémantiques en rappelant le standard applicable et en exigeant une confrontation concrète des tâches aux seuils.
Cette interprétation recentre le contrôle sur l’élément mesurable: la durée quotidienne de gestes en abduction, indépendamment du mode d’organisation. La Cour énonce que « la question est celle de la durée quotidienne et hebdomadaire à réaliser des mouvements pathogènes et non celle de la cadence », ce qui exclut d’emblée les raisonnements périphériques. Elle fait ainsi primer le critère objectif fixé par le tableau sur des considérations d’opportunité ou d’ergonomie qui ne modifient pas l’angle ni la durée.
B – L’appréciation probatoire de l’exposition et l’inopérance des objections de méthode
La Cour confronte deux séries déclaratives et apprécie leur crédibilité intrinsèque, à la lumière des tâches usuellement pratiquées par un poseur de réseaux. Elle relève que « Les travaux décrits sont parfaitement compatibles avec sa fonction et sont usuellement pratiqués par un poseur de réseaux », conférant un poids décisif à la précision des situations décrites par le salarié. À l’inverse, la négation globale de l’employeur, dépourvue d’éléments justificatifs, s’analyse comme une minimisation non étayée.
Surtout, la Cour déclare que « Les arguments relatifs à l’absence de contrainte de rythme mécaniquement imposés […] sont inopérants », puis ajoute: « De même la précision relative à l’utilisation d’engins mécaniques […] est sans lien direct avec la pathologie. » Ces motifs écartent des objections qui ne portent ni sur l’angle ni sur la durée d’abduction. La décision souligne encore que de tels arguments « n’étaient pas de nature à justifier des investigations complémentaires », ce qui valide l’instruction au regard des éléments fournis. Enfin, l’avis d’inaptitude précise « sans utilisation d’outils vibrants […] sans travaux bras levés au-dessus du plan des épaules », indice convergent d’une exposition antérieure à des gestes prohibés par la suite au titre de la santé au travail.
II – Valeur et portée de la solution retenue
A – Une motivation conforme aux principes des tableaux et clarifiant le raisonnement
La solution s’inscrit dans la logique protectrice des tableaux: lorsque la liste limitative et les seuils chiffrés sont remplis, la présomption joue et fonde l’opposabilité. La Cour ne dilue pas le standard probatoire, mais exige une démonstration centrée sur les gestes et leur durée, corroborée par la vraisemblance professionnelle. En déclarant inopérants des griefs distractifs, elle renforce la lisibilité du contrôle et réduit la place d’arguments de circonstance, étrangers aux critères du tableau. La présence d’un avis d’inaptitude, ici concordant, conforte sans se substituer au raisonnement, qui demeure arrimé aux seuils d’abduction.
Cette motivation contribue à sécuriser l’instruction des dossiers analogues en fixant un cap: mobiliser des descriptions de tâches circonstanciées, apprécier leur compatibilité objective avec la fonction, et vérifier les seuils temporels. Elle incite les acteurs à produire des éléments concrets sur l’angle et la durée plutôt qu’à discuter l’organisation du travail, la cadence ou les moyens mécaniques qui ne neutralisent pas l’abduction.
B – Les limites probatoires et les conséquences pratiques pour le contentieux social
L’apport principal réside dans l’épuration des débats et la hiérarchisation des preuves, mais certaines vigilances s’imposent. Un avis d’inaptitude éclaire l’exposition, sans toutefois constituer, à lui seul, la preuve rétrospective des durées et angles en cause. La prudence commande d’éviter toute assimilation automatique entre contre-indications médicales et exposition antérieure aux seuils du tableau, surtout lorsque les pièces techniques manquent.
Sur le terrain pratique, l’arrêt encourage une traçabilité renforcée des gestes en abduction dans les métiers exposés. Les employeurs gagneront à documenter les postes, à effectuer des évaluations ergonomiques quantifiées et à archiver des observations contradictoires. Les organismes devront, pour leur part, privilégier des investigations centrées sur les gestes-clefs et leur durée, en s’appuyant sur des descriptions précises et, si besoin, sur des constats de terrain. Cette orientation favorise une décision plus prédictible, conforme au texte et moins sujette aux controverses accessoires. Elle justifie, in fine, que « Il convient en conséquence d’infirmer le jugement […] et de déclarer opposable […] la décision de prise en charge », solution cohérente avec la finalité probatoire du tableau n° 57 A.