Cour d’appel de Versailles, le 4 septembre 2025, n°23/02631

Par un arrêt de la cour d’appel de Versailles du 4 septembre 2025, la juridiction statue sur l’opposabilité d’une prise en charge au titre du tableau n° 57 A. Un salarié, technicien de maintenance, a déclaré une pathologie d’épaule, que la caisse a reconnue en 2019 au titre des affections périarticulaires. L’employeur a contesté l’exposition alléguée aux gestes listés et aux durées exigées, d’abord devant la commission, puis devant la juridiction sociale. Par jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre du 4 septembre 2023, la décision a été déclarée inopposable à l’employeur. La caisse a interjeté appel, sollicitant l’opposabilité; l’employeur a demandé la confirmation, invoquant une sous‑exposition persistante et des contradictions dans les questionnaires. La question porte sur la vérification des conditions du tableau 57 A et sur la répartition des charges probatoires corrélatives. La juridiction d’appel retient l’exposition, écarte l’utilité d’une instruction supplémentaire, et juge l’opposabilité de la prise en charge à l’employeur.

I. La présomption d’origine professionnelle du tableau 57 A et sa vérification

A. Charge probatoire et exigence des conditions du tableau
La juridiction rappelle la structure du régime probatoire attaché aux tableaux de maladies professionnelles. Elle énonce que « Il appartient cependant à la Caisse, subrogée dans les droits du salarié qu’elle a indemnisé, de démontrer que les conditions du tableau de maladie professionnelle dont elle invoque l’application sont remplies ». La désignation et l’objectivation de la pathologie ont cessé d’être discutées en appel, le colloque médico‑administratif ayant été produit; « Cette condition relative est donc remplie ». Restait l’exigence d’exposition aux gestes d’abduction de l’épaule au‑delà des angles et durées prescrits. En visant la pathologie de coiffe objectivée par imagerie et les seuils temporels alternatifs du tableau 57 A, la cour fixe le cadre normatif préalable au jeu de la présomption.

B. Appréciation concrète de l’exposition: tâches, temps et indices médicaux
La cour isole le point de désaccord utile: « La divergence entre le questionnaire renseigné par la société et celui renseigné par la victime concerne l’estimation du temps journalier et non les tâches ». L’analyse des missions de maintenance en hauteur, des interventions sur VMC et faux plafonds, et des manipulations réitérées, conduit à écarter l’évaluation patronale; « Or l’estimation effectuée par la société apparaît très largement sous évaluée ». Le pourcentage de tâches administratives n’affecte pas l’appréciation, la part technique demeurant majoritaire et structurante. L’inaptitude prononcée par le médecin du travail, cohérente avec la limitation fonctionnelle de l’épaule, renforce la vraisemblance d’une exposition au‑delà des seuils. La conclusion s’impose dès lors: « Dès lors c’est à bon droit que la caisse a considéré sans recourir à une mesure d’instruction complémentaire que la condition tenant à la liste indicative des travaux et l’exposition au risque était remplie ».

II. Le contrôle juridictionnel et la portée de la solution

A. Contradictions des questionnaires et absence d’instruction supplémentaire
Le grief principal tenait à l’existence de réponses divergentes et à l’insuffisance de l’enquête. La cour répond par une appréciation concrète de la valeur probante des éléments recueillis, en privilégiant la cohérence des tâches et leur localisation en hauteur sur la seule estimation chiffrée. Elle souligne que les contradictions, limitées au quantum temporel, ne commandent pas, à elles seules, une mesure d’instruction additionnelle. Le pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond s’exerce ici au regard d’indices concordants, notamment médicaux et professionnels. Dès lors, faute d’éléments contraires précis et documentés, « La société n’apporte pas d’éléments de nature à renverser la présomption ».

B. Opposabilité et enseignements pratiques pour les acteurs
La cour tire les conséquences procédurales et financières de son analyse: « Le jugement doit donc être infirmé et la décision de prise en charge déclarée opposable à la société ». L’arrêt illustre une méthode d’évaluation pragmatique de l’exposition, fondée sur la nature des tâches, leur hauteur, leur répétitivité, et l’éclairage du médecin du travail. Il incite les employeurs à produire des mesures objectivées des angles et durées, plutôt que de simples estimations globales. Il conforte, corrélativement, l’exigence faite à la caisse d’établir les conditions du tableau, sans l’obliger à une quantification minutée lorsque les indices convergent. La portée est nette: en présence de tâches typiques du tableau 57 A, l’opposabilité s’impose si l’employeur ne documente pas une absence d’exposition suffisante, la présomption ne se laissant pas aisément renverser.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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