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Par un arrêt du 4 septembre 2025, la Cour d’appel de Versailles tranche un litige relatif à l’opposabilité à l’employeur d’un taux d’incapacité permanente partielle fixé à 12 %. L’affaire interroge la portée du principe du contradictoire lorsqu’est invoquée l’absence de transmission du rapport médical au médecin mandaté par l’employeur, sous l’empire des articles R. 142-8-2 et R. 142-8-3 du code de la sécurité sociale.
Un salarié a déclaré une maladie professionnelle le 31 juillet 2019. La caisse a pris en charge l’affection le 29 octobre 2019. La consolidation est intervenue le 30 septembre 2020 et un taux d’IPP de 12 % a été retenu. L’employeur a saisi la commission médicale de recours amiable, puis le tribunal judiciaire de Nanterre, qui a rejeté la contestation par jugement du 15 mai 2024.
En appel, l’employeur sollicite l’inopposabilité du taux, à défaut sa fixation à 0 %, et subsidiairement une expertise. La caisse conclut à la confirmation, soutient le respect de la procédure contradictoire en dépit du secret médical, et invoque la jurisprudence de la Cour de cassation.
La question est de savoir si l’absence alléguée de transmission du rapport médical au médecin consultant de l’employeur devant la commission justifie l’inopposabilité, au regard du contradictoire, ou si le droit au recours juridictionnel ultérieur préserve l’équilibre. La Cour d’appel de Versailles écarte l’inopposabilité, retient que la contradiction a été respectée, rejette l’expertise, et confirme le jugement, par analogie avec un arrêt du 11 janvier 2024.
I. Le sens et le fondement de la solution
A. Secret médical et contradictoire devant la commission
Le cadre normatif organise un contradictoire médicalisé, en assignant à l’autorité médicale la transmission des pièces sensibles, afin de concilier défense de l’employeur et secret du patient. La Cour de cassation rappelle ainsi que « Il résulte des articles L. 142-6, R. 142-8-2 , R. 142-8-3, alinéa 1er, R. 142-1- A, V, du code de la sécurité sociale, destinés à garantir un juste équilibre entre le principe du contradictoire à l’égard de l’employeur et le droit de la victime au respect du secret médical, que la transmission du rapport médical du praticien-conseil du contrôle médical ne peut se faire que par l’autorité médicale chargée d’examiner le recours préalable. »
Ce schéma impose que les échanges d’informations médicales passent par le secrétariat de la commission et le praticien-conseil, sans communication directe par le service médical à l’employeur. La même décision précise, en conséquence, que « Aucune disposition n’autorise, par ailleurs, l’employeur à obtenir cette communication directement du praticien-conseil du contrôle médical. »
B. Absence de transmission et inopposabilité écartée
La haute juridiction fixe aussi la portée de la carence alléguée au stade amiable, en réservant l’office du juge du contentieux. Elle énonce que « Au stade du recours devant la commission médicale de recours amiable, l’absence de transmission du rapport médical et de l’avis au médecin mandaté par l’employeur n’entraîne pas l’inopposabilité, à l’égard de ce dernier, de la décision de prise en charge par la caisse des soins et arrêts de travail prescrits jusqu’à la date de consolidation ou guérison, dès lors que l’employeur dispose de la possibilité de porter son recours devant la juridiction de sécurité sociale à l’expiration du délai de rejet implicite de quatre mois prévu à l’article R. 142-8-5 du code de la sécurité sociale et d’obtenir, à l’occasion de ce recours, la communication du rapport médical dans les conditions prévues par les articles L. 142-10 et R. 142-16-3 du même code. »
La logique d’ensemble subordonne donc l’inopposabilité à des vices irréparables affectant la contradiction, et non à de simples irrégularités amiables, l’instance contentieuse permettant l’accès au rapport médical dans un cadre sécurisé. Cette approche irrigue la motivation versaillaise.
II. La valeur et la portée de la décision
A. Contrôle de la contradiction et refus d’expertise
La cour retient que le secrétariat de la commission a adressé au médecin consultant de l’employeur la copie intégrale du rapport médical, puis le rapport de la commission, même si l’avis de réception du premier envoi n’est pas produit. En l’absence de toute analyse médicale adverse, elle considère que la défense n’a pas été entravée et écarte l’exception d’inopposabilité. La motivation est nette : « Le principe de la contradiction a bien été respecté par la caisse de sorte que la critique de l’employeur est inopérante. »
La juridiction refuse aussi de suppléer par une mesure d’instruction une carence argumentative, constatant l’absence de contestation technique utile. Elle affirme, dans le prolongement de la jurisprudence de référence, que « La demande subsidiaire d’expertise médicale est rejetée, aucune contestation médicale n’étant développée devant la cour. » La Cour de cassation admet d’ailleurs que ce refus ne heurte ni l’équité ni l’égalité des armes, en jugeant qu’« C’est, enfin, sans porter atteinte au droit à un procès équitable ni rompre l’égalité des armes entre l’employeur et l’organisme de sécurité sociale, qu’une cour d’appel estime, au regard des éléments débattus devant elle, qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner une mesure d’instruction, (2ème Civ. 11 janvier 2024, n°22-15-939-FS-B). »
B. Équilibre des droits et conséquences pratiques
La solution confirme une ligne de crête solide : préserver le secret médical tout en assurant à l’employeur un contradictoire effectif au moment utile, c’est‑à‑dire devant le juge, où la communication du rapport est légalement garantie. Elle sécurise le traitement des contestations d’IPP en évitant qu’une irrégularité procédurale amiable n’emporte, à elle seule, l’inopposabilité du taux, dès lors qu’un débat contradictoire demeure possible et n’est pas entravé.
La décision invite, toutefois, à une vigilance probatoire accrue. L’absence d’accusé de réception du premier envoi n’a pas suffi, ici, à caractériser une atteinte substantielle aux droits de la défense, en présence d’une seconde notification et d’aucune critique médicale circonstanciée. Le message est clair : la contestation du taux suppose un débat technique loyal, plutôt qu’une stratégie d’exception. Cette exigence, conforme au droit positif, renforce la prévisibilité des contentieux et réaffirme la séparation fonctionnelle entre service médical et service gestionnaire, sans fragiliser l’égalité des armes.