Cour d’appel de Versailles, le 4 septembre 2025, n°24/02903

Rendue par la cour d’appel de Versailles le 4 septembre 2025, l’espèce porte sur le bénéfice d’indemnités journalières après un accident survenu à un assuré précédemment privé d’emploi. L’arrêt examine d’abord une demande d’annulation d’une décision interne, puis tranche la question de l’ouverture des droits en présence d’une perte de la qualité d’assuré.

L’assuré, victime d’un accident de la voie publique le 3 décembre 2016, s’est vu refuser, par l’organisme de sécurité sociale, le versement d’indemnités journalières au motif d’une absence de conditions légales. Après un recours préalable, le tribunal judiciaire de Nanterre, par jugement du 15 juillet 2021, a rejeté ses demandes. L’appel porte sur l’annulation de la décision interne, l’octroi des prestations et une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Deux thèses s’opposent devant la juridiction d’appel. D’un côté, l’assuré invoque l’affection de longue durée, la durée triennale d’indemnisation et le maintien des droits. De l’autre, l’organisme soutient la perte de la qualité d’assuré et l’expiration du maintien de droits, en sollicitant la confirmation du rejet.

La juridiction répond en deux temps. D’abord, elle déclare irrecevable la prétention d’annulation en rappelant que « Or, l’annulation d’un tel acte n’entre pas dans les pouvoirs du juge judiciaire. Cette prétention est déclarée irrecevable. » Ensuite, elle confirme le rejet des prestations, énonçant que « En application des articles L 161-8 et R 161-3 du code de la sécurité sociale, le droit aux indemnités journalières est maintenu pendant une période de 12 mois à compter de la date à laquelle l’assuré social perd cette qualité. Le délai de 12 mois commence à courir le lendemain du jour de la perte de la qualité. »

Elle précise encore que « A l’issue de la période d’indemnisation du chômage, les règles précitées s’appliquent (article L 311-5 du code de la sécurité sociale) : le chômeur qui n’est plus indemnisé conserve sa qualité d’assuré social pendant l’année qui suit la fin de l’indemnisation. A l’issue de cette période, il n’est plus assuré social et ne peut plus recevoir les prestations en espèces de la caisse. » L’examen portera, d’abord, sur l’office du juge à l’égard de la décision interne, puis sur le régime du maintien des droits applicable aux prestations en espèces.

I. L’office du juge à l’égard de la décision interne

A. L’irrecevabilité de la demande d’annulation

La cour affirme la limite de compétence du juge du contentieux général de la sécurité sociale à l’égard des actes internes de l’organisme. L’extrait suivant en fixe la portée normative au-delà du cas d’espèce : « Or, l’annulation d’un tel acte n’entre pas dans les pouvoirs du juge judiciaire. Cette prétention est déclarée irrecevable. » L’acte en cause conserve son existence formelle, mais il est privé d’effet par le contrôle des droits substantiels.

La qualification retenue ne prive pas le justiciable d’un examen utile de ses droits. Le juge social statue en plein contentieux sur l’ouverture des prestations, sans passer par l’annulation de la décision préalable. L’irrecevabilité, purement procédurale, recentre le débat sur la conformité des droits aux textes applicables et sur la situation assurantielle à la date pertinente.

B. Les conséquences procédurales sur le débat au fond

Cette orientation garantit l’économie du procès social. Elle évite une digression sur la légalité externe de la décision interne et préserve l’office du juge, tourné vers le droit aux prestations. La cour peut ainsi apprécier directement les conditions légales d’ouverture du droit, à partir des éléments de carrière, des périodes d’indemnisation chômage et des textes de maintien de droits.

La solution est cohérente avec la logique du recours préalable obligatoire en matière de sécurité sociale. Le recours interne n’est pas un objet d’annulation autonome, mais une étape procédurale avant saisine du juge. La clarification, ici réaffirmée, évite les confusions et prévient des demandes inopérantes, tout en assurant un contrôle intégral du droit invoqué.

II. Le maintien des droits et l’ouverture des indemnités journalières

A. Le maintien d’un an comme condition préalable impérative

La cour fait prévaloir l’articulation stricte des textes sur le maintien de la qualité d’assuré. Elle vise d’abord le principe temporel, en des termes précis et généraux : « En application des articles L 161-8 et R 161-3 du code de la sécurité sociale, le droit aux indemnités journalières est maintenu pendant une période de 12 mois à compter de la date à laquelle l’assuré social perd cette qualité. Le délai de 12 mois commence à courir le lendemain du jour de la perte de la qualité. »

Elle complète par le régime spécial lié au chômage, qui conditionne la date d’extinction du maintien. Ainsi, « A l’issue de la période d’indemnisation du chômage, les règles précitées s’appliquent (article L 311-5 du code de la sécurité sociale) : le chômeur qui n’est plus indemnisé conserve sa qualité d’assuré social pendant l’année qui suit la fin de l’indemnisation. A l’issue de cette période, il n’est plus assuré social et ne peut plus recevoir les prestations en espèces de la caisse. » La date de fin d’indemnisation détermine le point de départ, puis l’échéance d’un maintien strictement borné.

Appliqués aux faits, ces principes conduisent à constater l’expiration du maintien plus d’un an avant l’arrêt de travail consécutif à l’accident. À défaut de reprise d’activité créant de nouveaux droits, l’assuré ne pouvait se prévaloir d’aucune ouverture aux prestations en espèces à la date de l’événement.

B. L’inopérance des arguments tirés de l’ALD, de l’invalidité et de la convention chômage

La cour écarte les moyens qui, sans rétablir la qualité d’assuré, prétendaient prolonger la durée d’indemnisation. S’agissant de l’affection de longue durée et de la durée triennale, l’application des articles relatifs aux arrêts de maladie suppose, en amont, l’existence d’un droit aux prestations, lequel fait ici défaut.

Elle neutralise également l’argument fondé sur le règlement général annexé à la convention d’assurance chômage du 6 mai 2011. En effet, « La cour relève que la convention du 6 mai 2011 relative à l’indemnisation du chômage contient un règlement général dont l’article 7 porte sur les conditions d’attribution de l’allocation d’aide au retour à l’emploi. » L’objet de cette norme est étranger au maintien des droits aux prestations en espèces, de sorte que le moyen ne saurait infléchir l’issue.

Enfin, la perception d’une pension d’invalidité n’emporte pas, en elle-même, maintien d’un droit aux indemnités journalières hors des cas prévus par les textes. L’arrêt s’inscrit dans une lecture de stricte légalité, indifférente aux bénéfices sociaux distincts, et confirme l’absence d’effet translatif d’un régime sur l’autre dans la matière des prestations en espèces.

La solution de fond se trouve ainsi consolidée par le rappel conclusif que « Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions. » L’arrêt combine une nette mise en ordre de l’office du juge et une application rigoureuse des conditions légales d’ouverture du droit aux indemnités journalières.

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Hassan KOHEN
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