Cour d’appel de Versailles, le 5 septembre 2025, n°24/00737

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La Cour d’appel de Versailles, le 5 septembre 2025, se prononce sur la recevabilité d’un débiteur au bénéfice des mesures de traitement du surendettement, au regard de sa bonne foi. La juridiction confirme la solution rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Versailles, qui avait écarté la recevabilité pour mauvaise foi. La question porte sur l’exigence de transparence dans la déclaration des comptes et sur la portée de la présomption de bonne foi lorsque des incohérences subsistent.

Les faits tiennent à une saisine d’une commission en avril 2021, suivie d’une décision imposant un rééchelonnement sur quatre-vingt-quatre mois, à taux nul, avec un effacement final, sur la base d’une capacité de remboursement mensuelle modeste. Le premier juge retient ensuite l’existence d’un compte non déclaré, présentant des mouvements contemporains de la saisine, et des explications changeantes, ainsi que l’absence de relevés malgré une demande précise. Sur appel du débiteur, certains créanciers ne comparaissent pas, tandis que la juridiction d’appel statue après débats contradictoires et renvois antérieurs.

La procédure révèle un débat circonscrit. Le débiteur soutient la régularité de ses déclarations, produit un contrat de travail et conteste tout crédit postérieur à la saisine. Les allégations de fraude ou d’activité non déclarée ne sont pas étayées par les pièces annoncées. La juridiction de première instance a toutefois relevé la non-déclaration d’un compte actif lors de la saisine, et l’absence réitérée de relevés exigés, ce qui a conduit à écarter la bonne foi. La Cour d’appel confirme en toutes ses dispositions.

La question de droit tient à l’articulation entre la présomption de bonne foi et les indices objectifs de dissimulation ou d’incohérence portant sur des éléments bancaires déterminants. La solution confirme que l’omission persistante de déclarer un compte actif, doublée du refus de produire des relevés demandés, caractérise un défaut de bonne foi rendant la demande irrecevable. La cour rappelle que « L’article L. 711-1, alinéa 1er, du code de la consommation fait de la bonne foi du débiteur une condition de recevabilité au bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement ». Elle précise aussi que « Il convient de rappeler que la bonne foi se présume et qu’il appartient au créancier qui invoque la mauvaise foi d’en rapporter la preuve ».

I – Le cadre légal et l’économie du contrôle de la bonne foi

A – Le critère légal et la présomption gouvernant la preuve

La cour s’appuie sur un canevas désormais classique. Le texte de référence pose la bonne foi comme condition de recevabilité, et non comme simple élément d’appréciation. Il en résulte une exigence préalable, contrôlée in limine litis, qui structure la procédure. La décision cite expressément que « L’article L. 711-1, alinéa 1er, du code de la consommation fait de la bonne foi du débiteur une condition de recevabilité au bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement ». La charge de la preuve pèse, en principe, sur celui qui invoque la mauvaise foi, mais la présomption demeure réfragable par des indices précis et concordants.

L’arrêt expose de manière pédagogique la teneur de la mauvaise foi. Il retient que « Pour être caractérisée, elle suppose la preuve d’un élément intentionnel chez le débiteur de créer ou d’aggraver consciemment sa situation de surendettement ou d’essayer d’échapper à ses engagements en fraude des droits de ses créanciers ». La juridiction ajoute une modalité atténuée, permettant la caractérisation par l’« inconséquence assimilable à une faute », tout en rappelant la frontière protectrice du débiteur de bonne foi. Ainsi, « En revanche, une simple erreur, négligence ou légèreté blâmable sont des comportements insuffisants pour retenir la mauvaise foi ».

B – L’application aux faits: transparence bancaire et indices de dissimulation

Le contentieux se concentre sur un compte bancaire non déclaré, pourtant actif lors de la saisine, et sur l’absence répétée de production des relevés sollicités. La cour écarte divers griefs non probants portés par un créancier, en relevant le défaut de pièces. En revanche, elle retient les incohérences du débiteur sur l’existence, l’usage et la clôture tardive d’un compte présenté comme inactif, et l’impossibilité d’obtenir les relevés d’une banque dématérialisée, pourtant accessibles. L’élément intentionnel ressort moins de l’omission initiale que de la persistance à ne pas éclairer la situation, malgré des demandes judiciaires claires.

La grille d’analyse demeure équilibrée. La cour rappelle que « la mauvaise foi doit être en rapport direct avec la situation de surendettement », ce qui impose de relier la défaillance déclarative aux conditions de formation et de traitement de l’endettement. L’indice déterminant tient ici aux mouvements financiers constatés pendant la période clé, révélant un défaut de transparence sur des ressources ou flux pouvant modifier la capacité contributive. La solution prend soin de distinguer l’erreur ponctuelle de la rétention persistante d’informations utiles à l’instruction.

II – Appréciation critique et portée de la solution

A – Une exigence de transparence consolidée par un contrôle proportionné

L’arrêt confirme une ligne jurisprudentielle exigeante mais cohérente. La transparence bancaire constitue le socle de l’instruction des dossiers, d’autant plus lorsque la bancarisation est éclatée et dématérialisée. La décision valorise la capacité du juge à distinguer les allégations non probantes des indices objectifs, en rejetant des griefs non étayés et en centrant l’analyse sur les documents bancaires manquants. Cette méthode respecte la présomption de bonne foi, tout en en permettant le renversement par l’inertie persistante du débiteur à produire des pièces décisives.

La proportionnalité du contrôle apparaît préservée. La cour ne retient pas la mauvaise foi pour un simple retard déclaratif, ni pour une omission isolée, mais pour une série de manquements convergents, portant sur un compte actif pendant la période pertinente. L’exigence posée incite à la diligence probatoire, sans criminaliser la négligence ordinaire. Elle conforte la sécurité juridique des créanciers et l’égalité des débiteurs, en évitant des plans de désendettement bâtis sur des informations incomplètes.

B – Les implications pratiques: charge de diligence et sécurité des parcours de désendettement

La portée de la solution dépasse l’espèce. Elle invite les débiteurs à inventorier tous les comptes, y compris en ligne, et à conserver les relevés sur des périodes suffisamment longues. Elle engage les conseils à vérifier la cohérence temporelle des flux avec la date de saisine, et à anticiper les demandes complémentaires de pièces, sous peine d’une irrecevabilité définitive. Les créanciers reçoivent, quant à eux, une incitation à documenter soigneusement les indices objectifs, plutôt que de multiplier des griefs généraux.

La sécurité des parcours de désendettement en sort renforcée. L’arrêt réaffirme la centralité de la bonne foi comme condition d’accès et de maintien dans la procédure, tout en rappelant les garde-fous protecteurs. La distinction entre « inconséquence assimilable à une faute » et simples négligences conserve sa fonction d’équilibre, mais la ligne rouge demeure la persistance à ne pas éclairer des éléments bancaires déterminants. En ce sens, la solution, fidèle au texte, assure une lisibilité accrue des critères d’irrecevabilité.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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