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Rendue par la Cour d’appel de Versailles, chambre commerciale 3-2, le 8 juillet 2025 (RG 24/04469), la décision oppose une banque à une caution personne physique. Le litige naît d’un prêt professionnel consenti en mai 2015 à une société, garanti par un engagement de caution limité. La société débitrice est placée en liquidation en 2021. La banque assigne la caution en 2022. Un jugement du tribunal de commerce de Versailles du 17 mai 2024 rejette l’action contre l’autre caution, mais condamne la caution appelante. Celle-ci interjette appel en contestant la proportionnalité de son engagement et invoque subsidiairement un manquement au devoir de mise en garde. La banque sollicite la confirmation. Deux thèses s’affrontent sur l’assiette des biens et revenus à retenir, la date d’appréciation du « retour à meilleure fortune » et le statut de la caution au regard du devoir de mise en garde.
La question de droit porte, d’une part, sur les critères et la méthode d’appréciation de la disproportion manifeste au sens de l’ancien article L 341-4 du code de la consommation, incluant la valorisation des actifs sociaux, et, d’autre part, sur la date d’appréciation de la capacité de la caution à faire face lors de l’appel en garantie, ainsi que sur l’existence d’un devoir de mise en garde envers une caution potentiellement avertie. La cour retient que « Il résulte des dispositions de l’ancien article L 341-4 du code de la consommation […] qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement […] à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ». Elle juge la disproportion manifeste au 5 mai 2015 et constate l’absence de meilleure fortune au jour de l’assignation en 2022. Elle rejette enfin la demande indemnitaire fondée sur le devoir de mise en garde, estimant la caution avertie.
I. L’appréciation de la disproportion au jour de l’engagement
A. Critères légaux et charge de la preuve
La cour rappelle la répartition probatoire classique. Il incombe à la caution d’établir la disproportion au jour de la conclusion et au créancier d’établir, le cas échéant, la capacité au jour de l’appel. Le motif de principe est net: « La disproportion doit être appréciée en prenant en considération l’endettement global de la caution y compris celui résultant d’engagements de caution ». Cette exigence confirme une approche patrimoniale nette, centrée sur la valeur nette du patrimoine et des revenus, sans minoration par un prétendu « reste à vivre ». La cour écarte à bon droit l’argument tiré d’un taux d’endettement construit sur le RSA de référence, rappelant que l’examen porte sur le montant propre de l’engagement et non sur l’obligation garantie.
L’arrêt adopte une position de continuité quant aux éléments patrimoniaux pertinents, intégrant les créances en compte courant d’associé et la détention de parts sociales. La chambre commerciale exige « la valeur réelle des parts sociales », et non leur seule valeur nominale, lorsque le créancier allègue une valorisation différente: « Le juge doit rechercher la valeur réelle des parts sociales et non retenir leur valeur nominale si le créancier allègue une valorisation différente ». Cette directive encadre la méthode d’évaluation et fixe une vigilance probatoire accrue pour les parties.
B. Valorisation des actifs de la caution et application aux faits
La cour opère un tri rigoureux des actifs et des dates de référence. Les flux de la Banque postale de janvier 2015 ne sont pas retenus tels quels, au profit d’un solde proche de la date d’engagement. La solution est explicitée par une formule décisive: « De là il suit que ce n’est pas le solde créditeur de 26 023,41 euros au 19 janvier 2015 qui doit être pris en compte mais le solde créditeur du 28 avril 2015 de 2 653,59 euros ». La prise en compte du compte courant d’associé repose sur les pièces concordantes, qui attestent l’affectation des fonds à la société et l’inscription corrélative au compte courant.
S’agissant des parts sociales, la cour constate l’insuffisance d’éléments probants pour asseoir une valorisation supérieure au nominal à la date de l’engagement. Les données postérieures sur la cession du fonds ne peuvent pas prospérer. Dans ce contexte, l’assiette d’appréciation agrège revenus, comptes courants et parts sociales, aboutissant à des actifs mobiliers limités. La conclusion tranche nettement la disproportion: « Compte tenu de ces éléments, la cour retient, par voie d’infirmation, qu’au jour de sa conclusion le 5 mai 2015, son engagement de 50 733 euros est manifestement disproportionné à ses biens et revenus ». Cette solution, qui s’inscrit dans le cadre légal rappelé, sécurise la méthode d’évaluation temporelle et probatoire.
II. Portée de la décision et obligation de mise en garde
A. Date d’appréciation de la capacité au jour de l’appel en garantie
La seconde étape réside dans l’examen du « retour à meilleure fortune » à la date pertinente. La cour indique que l’appréciation doit être effectuée au jour de l’assignation. La motivation retient une absence quasi totale de revenus en 2022, et écarte des apports ultérieurs de 2024, issus d’une succession et d’un prêt familial, qui ne sont pas transposables à la date de référence. La conséquence normative est tranchée: « De là il suit que la banque ne peut se prévaloir à l’encontre de la caution de l’engagement litigieux ». La portée pratique est forte pour le contentieux du cautionnement des dirigeants de petites structures, car elle verrouille la chronologie de l’examen, sans confondre paiement effectif tardif et capacité juridique à la date utile.
Cette approche confirme une lecture protectrice, mais rigoureuse, de l’ancien article L 341-4. Elle évite l’anachronisme probatoire en matière de solvabilité et rappelle, en creux, que le créancier doit documenter précisément la situation patrimoniale au moment processuel pertinent. La ligne directrice s’accorde avec l’objectif d’équilibre entre sécurité du crédit et protection des engagements personnels excessifs.
B. Statut de la caution et absence de manquement au devoir de mise en garde
Au titre des demandes reconventionnelles, la cour énonce le cadre du devoir d’alerte: « Le banquier dispensateur de crédit est tenu d’un devoir de mise en garde à l’égard de la caution non avertie ». Elle ajoute, dans le même mouvement, la limite cardinale: « Le banquier dispensateur de crédit n’est pas tenu d’un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution avertie ». L’analyse concrète retient l’expérience de la caution en gestion et management, la gérance d’une structure, et la nature peu complexe de l’opération de financement.
La conclusion logique s’énonce sans détour: « De là il suit qu’elle n’était pas créancière d’une obligation de mise en garde ». La solution se comprend, l’aptitude de la caution à mesurer la portée de l’engagement étant suffisamment caractérisée. Sur le plan critique, la motivation demeure parcimonieuse quant au risque d’endettement de l’emprunteur principal au jour de l’octroi, mais l’ancienneté de l’exploitation et le respect substantiel des échéances avant la défaillance affaiblissent l’argument d’un risque initialement manifeste. La portée pratique rappelle que le statut d’« averti » peut se déduire d’un faisceau d’indices professionnels et fonctionnels, sans exiger une technicité financière élevée.
En définitive, l’arrêt associe une protection ferme contre la disproportion, assise sur une chronologie stricte et une évaluation probatoire exigeante, avec une appréciation mesurée du devoir de mise en garde, circonscrite au profil de la caution et à la nature de l’opération. Cette articulation renforce la cohérence du contentieux des cautions dirigeantes et stabilise les méthodes d’appréciation temporelle et patrimoniale applicables.