Cour de cassation, le 10 juillet 2025, n°21-17.762

La péremption d’instance devant la Cour de cassation constitue un mécanisme procédural destiné à sanctionner l’inertie des parties dans la poursuite de leur pourvoi. L’ordonnance rendue par la première présidence de la Cour de cassation le 10 juillet 2025 illustre l’application rigoureuse de ce dispositif.

En l’espèce, un pourvoi avait été formé à l’encontre d’un arrêt rendu le 8 avril 2021 par la cour d’appel de Paris. Par ordonnance du 2 juin 2022, la radiation de ce pourvoi avait été prononcée. Cette ordonnance fut notifiée le 9 juin 2022 à l’un des demandeurs et signifiée le 5 octobre 2022 aux autres parties. Aucun acte manifestant la volonté d’exécuter la décision attaquée ne fut accompli dans le délai imparti par la loi.

La question posée à la conseillère déléguée par le premier président était de déterminer si, en l’absence de tout acte d’exécution volontaire de la décision frappée de pourvoi pendant le délai biennal suivant la notification de l’ordonnance de radiation, la péremption de l’instance devait être constatée.

La conseillère déléguée constate la péremption de l’instance. Elle relève qu’il n’est « justifié d’aucun acte manifestant sans équivoque sa volonté d’exécuter la décision attaquée, accompli pendant le délai biennal de la péremption ». Ce délai ayant commencé à courir à compter de la notification et des significations de l’ordonnance de radiation, il est acquis.

Cette décision appelle un examen des conditions d’application de la péremption en matière de pourvoi en cassation (I), avant d’en apprécier les conséquences sur la sécurité juridique des parties (II).

I. Les conditions d’acquisition de la péremption biennale

L’ordonnance commentée met en lumière le mécanisme de déclenchement du délai de péremption (A), puis les exigences relatives à la preuve de l’exécution volontaire (B).

A. Le point de départ du délai lié à la notification de la radiation

L’article 1009-2 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 22 mai 2008, organise un régime particulier de péremption applicable aux pourvois radiés. Le délai biennal ne commence à courir qu’à compter de la notification de l’ordonnance de radiation aux parties concernées. En l’espèce, la notification intervint le 9 juin 2022 pour l’un des demandeurs et les significations le 5 octobre 2022 pour les autres. La conseillère déléguée retient ces dates comme point de départ du délai. Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante qui refuse de faire courir la péremption avant que les parties n’aient été informées de la radiation. Le formalisme de la notification garantit ainsi aux demandeurs au pourvoi la connaissance effective de leur situation procédurale et du délai dans lequel ils doivent agir.

B. L’exigence d’un acte d’exécution volontaire non équivoque

La péremption ne peut être évitée que par l’accomplissement d’un « acte manifestant sans équivoque sa volonté d’exécuter la décision attaquée ». Cette formulation, reprise par l’ordonnance, impose une double condition. L’acte doit être positif et traduire une volonté réelle d’exécution, non une simple intention ou un commencement d’exécution forcée. L’ordonnance constate qu’aucun tel acte n’a été accompli pendant le délai biennal. Cette absence totale de diligence conduit inéluctablement à l’acquisition de la péremption. Le demandeur au pourvoi qui souhaite maintenir son recours après une radiation doit donc démontrer par des actes concrets qu’il se soumet à la décision d’appel, ce qui peut sembler paradoxal puisqu’il la conteste simultanément devant la Cour de cassation.

II. Les implications de la péremption sur la situation des parties

La péremption produit des effets définitifs sur le sort du pourvoi (A), tout en soulevant des interrogations sur l’équilibre entre sanction procédurale et accès au juge (B).

A. L’extinction définitive de l’instance de cassation

La constatation de la péremption emporte extinction de l’instance ouverte par la déclaration de pourvoi. Cette sanction est particulièrement sévère puisqu’elle prive définitivement le demandeur de toute possibilité de voir sa cause examinée par la Cour de cassation. L’arrêt d’appel du 8 avril 2021 devient irrévocable. La péremption ne constitue pas un jugement sur le fond du droit mais une sanction de la négligence procédurale. Elle se distingue ainsi du désistement qui procède d’une volonté expresse. La partie qui laisse s’écouler le délai sans agir est présumée avoir renoncé à son pourvoi. Cette présomption irréfragable traduit la volonté du législateur de ne pas laisser les instances de cassation en suspens indéfiniment après une radiation.

B. La conciliation entre célérité procédurale et droit au recours

Le mécanisme de l’article 1009-2 du code de procédure civile répond à un objectif de bonne administration de la justice. Il incite les parties à exécuter les décisions frappées de pourvoi plutôt qu’à attendre l’issue incertaine d’un recours pendant des années. La radiation sanctionne initialement le défaut d’exécution. La péremption subséquente sanctionne la persistance de cette inertie. Ce double mécanisme peut toutefois soulever des difficultés pratiques. Certains demandeurs peuvent se trouver dans l’impossibilité matérielle d’exécuter la décision attaquée, notamment lorsque celle-ci porte sur des obligations de faire ou lorsque leur situation financière s’est dégradée. L’ordonnance ne mentionne aucune circonstance particulière invoquée par les demandeurs, ce qui suggère une absence totale de diligence de leur part. La rigueur de la solution retenue apparaît conforme à la lettre du texte et à la jurisprudence établie.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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