Cour de cassation, le 10 juillet 2025, n°24-22.948

La procédure en cassation constitue l’ultime voie de recours dans l’ordre judiciaire français. Elle obéit à des règles strictes dont le non-respect entraîne des sanctions procédurales automatiques. L’ordonnance rendue par la Cour de cassation le 10 juillet 2025 illustre l’une de ces sanctions : la déchéance du pourvoi pour défaut de production du mémoire ampliatif dans le délai légal.

Deux sociétés commerciales avaient formé un pourvoi le 31 décembre 2024 contre un arrêt rendu le 30 octobre 2024 par la Cour d’appel de Bordeaux. Cette décision émanait de la quatrième chambre civile de ladite cour. Les demanderesses au pourvoi étaient représentées par une société civile professionnelle d’avocats aux Conseils.

La défenderesse au pourvoi était une société par actions simplifiée. Le litige opposant les parties avait donc donné lieu à un contentieux devant les juges du fond avant que les demanderesses ne décident de saisir la Cour de cassation.

La conseillère référendaire déléguée par le premier président de la Cour de cassation a constaté qu’aucun mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée n’avait été produit dans le délai légal. Elle a en conséquence déclaré les demanderesses déchues de leur pourvoi par application de l’article 978 alinéa 1er du code de procédure civile.

La question posée était celle de savoir quelles sont les conséquences du défaut de production du mémoire ampliatif dans le délai imparti par la loi. La Cour de cassation y répond sans ambiguïté en prononçant la déchéance du pourvoi, sanction prévue par le texte applicable.

Cette ordonnance conduit à examiner le régime de la déchéance pour défaut de mémoire ampliatif (I), avant d’en apprécier les implications pratiques et théoriques (II).

I. Le régime de la déchéance pour défaut de mémoire ampliatif

Le prononcé de la déchéance repose sur des conditions textuelles précises (A) et s’inscrit dans une logique de rigueur procédurale caractéristique du pourvoi en cassation (B).

A. Les conditions textuelles de la déchéance

L’article 978 alinéa 1er du code de procédure civile impose au demandeur au pourvoi de remettre un mémoire ampliatif contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée. Ce mémoire doit être produit dans un délai déterminé courant à compter de la formation du pourvoi.

L’ordonnance constate que les demanderesses n’ont pas satisfait à cette obligation. La formulation retenue est dépourvue d’équivoque : « Aucun mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée n’a été produit dans le délai légal. » Cette constatation suffit à justifier le prononcé de la déchéance sans qu’il soit nécessaire de rechercher les causes de cette carence.

Le pourvoi avait été formé le 31 décembre 2024. Le délai légal pour la production du mémoire ampliatif était donc expiré lorsque la conseillère référendaire a statué le 10 juillet 2025. La computation des délais ne soulevait aucune difficulté particulière en l’espèce.

B. La rigueur procédurale du pourvoi en cassation

La procédure devant la Cour de cassation se distingue par son formalisme exigeant. Le mémoire ampliatif ne constitue pas une simple formalité. Il contient l’exposé des moyens de cassation, c’est-à-dire les griefs juridiques articulés contre la décision attaquée.

Sans ce mémoire, la Cour de cassation ne dispose d’aucun moyen à examiner. Le pourvoi devient dépourvu d’objet puisque la haute juridiction ne statue que sur les moyens qui lui sont soumis. Elle ne peut suppléer d’office aux carences des parties dans la formulation de leurs critiques juridiques.

La déchéance sanctionne ainsi non seulement un manquement formel mais également une impossibilité matérielle de statuer. Le demandeur qui ne produit pas son mémoire prive la Cour de cassation des éléments indispensables à l’exercice de son contrôle.

II. Les implications de la sanction prononcée

La déchéance emporte des conséquences définitives pour le demandeur (A) et s’inscrit dans une politique jurisprudentielle constante (B).

A. Le caractère définitif de la sanction

L’ordonnance « constate » la déchéance du pourvoi. Cette formulation traduit le caractère automatique de la sanction dès lors que les conditions en sont réunies. La conseillère référendaire ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de prononcer la déchéance.

La déchéance rend l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux du 30 octobre 2024 définitif. Les demanderesses ne pourront plus remettre en cause cette décision par la voie du pourvoi en cassation. Le délai de pourvoi étant par ailleurs expiré, aucun nouveau pourvoi n’est envisageable.

Cette situation illustre la gravité des conséquences attachées au non-respect des délais de procédure devant la Cour de cassation. Le demandeur négligent perd définitivement son droit de critique de la décision des juges du fond.

B. L’inscription dans une jurisprudence constante

La Cour de cassation applique avec constance les dispositions de l’article 978 du code de procédure civile. Les ordonnances de déchéance sont régulièrement prononcées lorsque les mémoires ampliatifs font défaut ou sont produits hors délai.

Cette rigueur se justifie par la nécessité d’assurer le bon fonctionnement de la Cour de cassation. L’encombrement du rôle impose que les pourvois non soutenus soient écartés promptement. La déchéance permet ainsi de purger le contentieux des affaires dans lesquelles le demandeur a renoncé de fait à poursuivre son recours.

La présente ordonnance s’inscrit dans cette logique. Elle rappelle aux praticiens l’impératif de diligence qui s’impose dans la conduite de la procédure de cassation. La représentation obligatoire par un avocat aux Conseils ne dispense pas de la vigilance requise quant au respect des délais légaux.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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