Cour de cassation, le 19 juin 2025, n°24-18.412

Par ordonnance rendue le 19 juin 2025, la Cour de cassation a statué sur une requête en radiation formée à l’occasion d’un pourvoi dirigé contre un arrêt rendu par la cour d’appel de Rennes le 30 mai 2024. La requête invoquait, pour l’essentiel, l’inexécution par le demandeur au pourvoi des condamnations prononcées par la juridiction d’appel. Après échanges d’observations et avis de l’avocat général, le conseiller délégué a retenu que la mesure sollicitée aurait « pour effet de figer une situation conflictuelle et d’en repousser son issue ». Les faits utiles tiennent à des condamnations pécuniaires demeurées, selon le requérant, inexécutées. Sur le plan procédural, après le prononcé de l’arrêt d’appel, un pourvoi a été formé, puis une requête en radiation a été déposée sur le fondement de l’inexécution alléguée. Le requérant sollicitait la radiation au visa de « l’inexécution des diverses condamnations prononcées », tandis que l’adversaire s’y opposait, faisant valoir l’intérêt d’un examen rapide du pourvoi. La question posée résidait dans l’opportunité de radier le pourvoi pour inexécution au regard des critères gouvernant cette mesure incidente. La solution, sèche, rejette la demande: « La requête en radiation est rejetée. »

I. Les conditions de la radiation pour inexécution en cassation

A. Le fondement textuel et la finalité de la mesure
La radiation pour inexécution trouve sa source dans les dispositions procédurales organisant l’instance de cassation, lesquelles subordonnent son prononcé à la démonstration d’une inexécution effective de la décision frappée de pourvoi. Cet instrument vise à prévenir les pourvois dilatoires lorsque la partie condamnée se soustrait à l’exécution, sauf motifs légitimes tirés de l’impossibilité d’exécuter ou de conséquences manifestement excessives. En l’espèce, la requête se fondait explicitement sur « l’inexécution des diverses condamnations prononcées à l’encontre de la partie demanderesse au pourvoi », ce qui satisfaisait, en apparence, l’exigence d’allégation. Toutefois, le juge de la radiation ne s’en tient pas à une lecture mécanique du grief et conserve un pouvoir d’appréciation sur l’opportunité de la mesure au regard des circonstances.

B. Le contrôle concret de l’opportunité par le juge délégué
Le contrôle opéré repose sur l’examen des pièces produites et sur l’évaluation des effets procéduraux attendus. La décision relève que « Il résulte de l’examen des pièces produites au soutien des observations que la radiation aurait pour effet de figer une situation conflictuelle et d’en repousser son issue ». Le raisonnement fait prévaloir la finalité d’une bonne administration de la justice sur la logique purement coercitive attachée à l’inexécution. Le conseiller délégué mobilise, de manière implicite, les tempéraments admis par le droit positif, en rappelant l’impératif de proportion et l’intérêt à voir le litige tranché au fond dans un délai raisonnable. Cette approche pragmatique, centrée sur les effets utiles, confirme que la radiation demeure une mesure contingente et non un automatisme.

II. La portée de l’ordonnance de rejet et ses enseignements

A. La primauté de la célérité et de l’efficacité du contrôle de cassation
L’ordonnance érige la célérité du dénouement contentieux en critère directeur, en affirmant « Il est de l’intérêt de chacune des parties à l’instance que l’affaire qui les oppose connaisse une issue rapide ». En rejetant une radiation qui « figerait » le conflit, la Cour de cassation privilégie l’examen des moyens du pourvoi et la perspective d’une solution définitive. Cette hiérarchie des objectifs répond aux exigences de sécurité juridique et d’économie des procédures, en évitant qu’une mesure incidente ne devienne un facteur autonome de retard. Elle s’inscrit, par ailleurs, dans une conception proportionnée des sanctions procédurales, réservant la radiation aux cas où elle sert réellement l’effectivité de l’exécution et la loyauté du procès.

B. Les incidences pratiques sur la stratégie contentieuse des parties
L’ordonnance rappelle, avec force, que la partie intimée ne peut compter sur une radiation de principe en cas d’inexécution alléguée. Elle doit établir non seulement la défaillance, mais aussi l’utilité concrète et non dilatoire de la mesure au regard de l’état du dossier. Corrélativement, le demandeur au pourvoi est incité à justifier diligemment de ses démarches d’exécution ou des obstacles objectifs rencontrés, afin de neutraliser un grief de manœuvre dilatoire. La décision opère ainsi un rééquilibrage entre l’outil de contrainte et l’exigence d’un traitement rapide du pourvoi, en réservant la radiation aux hypothèses où elle prévient une instrumentalisation de la procédure. La conclusion s’impose alors sans ambages: « Dès lors, il n’y a pas lieu de radier l’affaire du rôle de la Cour. »

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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