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La Cour de cassation a rendu, le 19 juin 2025, une ordonnance de désistement mettant fin à un pourvoi formé contre un arrêt de la cour d’appel de Rouen du 29 août 2024. Cette décision, bien que laconique dans sa motivation, soulève des interrogations relatives au régime du désistement en matière de pourvoi en cassation.
Une salariée avait formé un pourvoi le 16 décembre 2024 contre un arrêt rendu par la chambre sociale et des affaires de sécurité sociale de la cour d’appel de Rouen. Ce litige l’opposait à une association ainsi qu’à plusieurs syndicats. Par acte déposé au greffe le 15 avril 2025, son conseil a déclaré se désister du pourvoi.
La conseillère référendaire déléguée par le premier président était saisie d’une déclaration de désistement. La question posée était celle de savoir si cette déclaration unilatérale suffisait à mettre fin à l’instance en cassation.
La Cour de cassation a répondu par l’affirmative. Elle a donné acte à la demanderesse de son désistement en application de l’article 1026 du code de procédure civile et a constaté le désistement du pourvoi.
Cette ordonnance illustre le caractère unilatéral du désistement devant la Cour de cassation (I), tout en révélant les effets procéduraux attachés à cet acte (II).
I. Le caractère unilatéral du désistement en cassation
Le désistement du pourvoi obéit à un régime simplifié qui se distingue du droit commun du désistement d’instance (A), régime dont la présente ordonnance constitue une application rigoureuse (B).
A. Un régime dérogatoire au droit commun du désistement
L’article 394 du code de procédure civile pose le principe selon lequel « le désistement d’instance n’emporte pas renonciation à l’action ». Devant les juridictions du fond, le désistement d’instance nécessite en principe l’acceptation du défendeur lorsque celui-ci a présenté une défense au fond, conformément à l’article 395 du même code.
Le régime applicable devant la Cour de cassation s’écarte de ces règles. L’article 1026 du code de procédure civile dispose que « le demandeur peut, sans le consentement des autres parties, se désister de son pourvoi ». Cette disposition consacre un pouvoir discrétionnaire du demandeur en cassation. La ratio legis de cette règle tient à la nature particulière du contrôle de cassation. La Cour de cassation ne rejuge pas le fond du litige. Le défendeur au pourvoi ne subit donc aucun préjudice du fait de l’abandon de l’instance. L’arrêt attaqué demeure définitif et acquiert force de chose jugée.
La présente ordonnance s’inscrit dans cette logique. La conseillère référendaire s’est bornée à constater l’existence de l’acte de désistement déposé au greffe. Elle n’a procédé à aucune vérification relative à l’accord des défendeurs au pourvoi. Cette solution confirme que le désistement en cassation produit ses effets de plein droit, sans qu’aucune acceptation soit requise.
B. La mise en œuvre du désistement dans la présente espèce
L’ordonnance précise que le désistement a été formalisé « par acte déposé au greffe de la Cour de cassation le 15 avril 2025 ». Ce dépôt a été effectué par le conseil du demandeur, la SCP Foussard et Froger, « agissant au nom de » la demanderesse. Le délai écoulé entre le pourvoi formé le 16 décembre 2024 et le désistement intervenu le 15 avril 2025 représente environ quatre mois.
La Cour ne s’interroge pas sur les motifs ayant conduit la demanderesse à renoncer à son pourvoi. Le désistement demeure un acte de volonté dont les raisons échappent au contrôle juridictionnel. La demanderesse a pu estimer ses chances de succès réduites. Elle a pu également parvenir à une transaction avec les défendeurs. L’ordonnance reste silencieuse sur ces circonstances, ce qui correspond à la nature purement technique du constat opéré.
La formule employée par l’ordonnance est révélatrice. La conseillère référendaire indique qu’« il y a lieu dès lors de donner acte » du désistement. L’expression « dès lors » traduit le caractère automatique de la conséquence tirée de la déclaration. Le juge se trouve en situation de compétence liée. Il ne dispose d’aucune marge d’appréciation quant à l’opportunité d’accueillir ou de rejeter le désistement.
II. Les effets procéduraux du désistement
Le désistement emporte extinction de l’instance en cassation (A) et produit des conséquences sur l’autorité de la décision attaquée (B).
A. L’extinction de l’instance en cassation
Le dispositif de l’ordonnance « constate le désistement du pourvoi ». Cette formulation mérite attention. Le verbe « constater » souligne que le juge ne prononce pas le désistement. Il se borne à en prendre acte. L’effet extinctif découle de la volonté du demandeur, non de la décision juridictionnelle.
L’ordonnance met fin à l’instance en cassation. Le pourvoi cesse de produire ses effets. La Cour de cassation se trouve dessaisie du litige. Elle ne pourra plus examiner les moyens qui auraient pu être soulevés par la demanderesse. L’article 1026 du code de procédure civile ajoute que le désistement « emporte acquiescement à l’arrêt attaqué ». Cette règle distingue le désistement du pourvoi du désistement d’instance ordinaire visé à l’article 394.
La demanderesse perd par ailleurs le bénéfice du délai de pourvoi. Un nouveau pourvoi contre le même arrêt serait irrecevable comme tardif. Le désistement produit donc des effets irréversibles sur le plan procédural. La demanderesse renonce définitivement à contester l’arrêt de la cour d’appel de Rouen du 29 août 2024.
B. La consolidation de l’arrêt d’appel
L’arrêt de la cour d’appel de Rouen acquiert force de chose jugée par l’effet du désistement. Cette décision devient définitive et exécutoire. Les parties se trouvent liées par les dispositions de cet arrêt. Aucune voie de recours ordinaire ou extraordinaire ne peut plus être exercée contre lui.
Le désistement équivaut à un acquiescement au sens de l’article 1026 précité. La demanderesse reconnaît implicitement le bien-fondé de la décision qu’elle avait initialement entendu contester. Cette règle diffère du régime applicable aux juridictions du fond. Devant celles-ci, le désistement d’instance n’emporte pas renonciation à l’action et permet en théorie d’engager une nouvelle instance.
La présente ordonnance illustre ainsi le particularisme du contentieux de cassation. Le demandeur au pourvoi dispose d’un pouvoir souverain de mettre fin à l’instance. Ce pouvoir trouve sa contrepartie dans le caractère définitif des effets produits. Le désistement clôt irrévocablement le débat juridictionnel et confère à l’arrêt d’appel l’autorité attachée aux décisions passées en force de chose jugée.