Cour de cassation, le 26 juin 2025, n°24-22.865

La Cour de cassation offre par son ordonnance du 26 juin 2025 une illustration du mécanisme procédural du désistement de pourvoi. Une société avait formé un pourvoi le 27 décembre 2024 contre un arrêt rendu par la cour d’appel de Montpellier le 31 octobre 2024 dans un litige relevant de la première chambre sociale. Par acte déposé au greffe le 24 avril 2025, le conseil de la demanderesse a déclaré se désister du pourvoi. La conseillère référendaire déléguée par le premier président, en application de l’article 1026 du code de procédure civile, a donné acte du désistement et constaté celui-ci.

La procédure révèle un litige prud’homal opposant la société demanderesse à un salarié et à France travail. La décision de première instance puis l’arrêt d’appel ont manifestement été défavorables à l’employeur, qui a choisi d’exercer un pourvoi. Quatre mois après la formation de ce pourvoi, la société a renoncé à poursuivre la procédure. La question de droit posée tient aux conditions et aux effets du désistement unilatéral du demandeur au pourvoi en cassation.

La Cour de cassation répond par la constatation pure et simple du désistement, sans examen des conditions de fond ni des circonstances ayant motivé cette renonciation. Elle applique l’article 1026 du code de procédure civile qui prévoit que « le désistement du pourvoi est déclaré par acte signé d’un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation » et produit effet dès son dépôt.

Cette ordonnance invite à examiner la nature juridique du désistement devant la Cour de cassation (I), puis les conséquences procédurales de cette extinction de l’instance (II).

I. La nature juridique du désistement de pourvoi

Le désistement de pourvoi constitue un acte unilatéral de renonciation soumis à un formalisme spécifique (A), dont la mise en œuvre relève du pouvoir du demandeur sans contrôle des motifs (B).

A. Un acte unilatéral soumis à un formalisme rigoureux

L’ordonnance mentionne que le désistement a été effectué « par acte déposé au greffe de la Cour de cassation ». Cette formulation renvoie aux exigences de l’article 1026 du code de procédure civile. Le désistement devant la Cour de cassation obéit à des règles propres, distinctes de celles applicables devant les juridictions du fond.

Le texte impose l’intervention d’un avocat aux Conseils. L’ordonnance précise que la SCP Célice, Texidor, Périer a agi « au nom de la société ». Cette mention atteste du respect de la condition de représentation obligatoire. Le désistement ne saurait résulter d’une simple lettre du justiciable ou d’un avocat ordinaire.

Le dépôt au greffe matérialise la volonté de renonciation. La date du 24 avril 2025 constitue le point de départ des effets du désistement. Le formalisme protège contre les renonciations précipitées et garantit la traçabilité de l’acte procédural. La Cour de cassation applique une conception stricte de la validité formelle.

B. Une prérogative discrétionnaire du demandeur

L’ordonnance se borne à « donner acte » et « constater » le désistement. Elle ne procède à aucun examen des raisons ayant conduit la société à renoncer à son pourvoi. Cette absence de contrôle illustre le caractère discrétionnaire du désistement pour le demandeur.

Le demandeur au pourvoi dispose d’une faculté de renonciation qui n’a pas à être motivée. Les considérations stratégiques, économiques ou transactionnelles demeurent étrangères à l’office du juge de cassation. Celui-ci vérifie uniquement la régularité formelle de l’acte de désistement.

Cette liberté trouve sa limite dans la protection des droits du défendeur. L’article 401 du code de procédure civile prévoit que le désistement d’instance n’emporte pas renonciation à l’action lorsqu’il n’est pas accepté. Devant la Cour de cassation, l’acceptation du défendeur n’est pas requise pour le désistement du pourvoi principal, ce qui renforce la maîtrise du demandeur sur l’issue de son recours.

II. Les conséquences procédurales du désistement

Le désistement produit l’extinction de l’instance de cassation en conférant force de chose jugée à l’arrêt d’appel (A), tout en préservant les droits respectifs des parties quant au fond du litige (B).

A. L’extinction définitive de l’instance de cassation

La conseillère référendaire « constate le désistement du pourvoi » dans le dispositif de l’ordonnance. Cette constatation met fin à l’instance de cassation sans qu’il soit statué sur les mérites du pourvoi. Les moyens de cassation éventuellement développés deviennent sans objet.

L’arrêt de la cour d’appel de Montpellier du 31 octobre 2024 acquiert force de chose jugée. Le désistement emporte acquiescement implicite à la décision attaquée. La société demanderesse ne pourra plus contester cette décision par la voie d’un nouveau pourvoi, le délai étant écoulé et le principe de l’unicité du pourvoi s’y opposant.

L’ordonnance est rendue par une conseillère référendaire déléguée par le premier président. Cette formation simplifiée atteste du caractère non contentieux de la procédure de désistement. Il ne s’agit pas de trancher un litige mais d’acter une renonciation. L’économie procédurale commande cette délégation.

B. La préservation des droits acquis par le défendeur

Le salarié défendeur au pourvoi bénéficie de la consolidation de l’arrêt d’appel. Les condamnations prononcées en sa faveur deviennent définitives et exécutoires sans réserve. Le désistement lui confère une sécurité juridique que la pendance du pourvoi lui refusait.

France travail, également défendeur, voit sa situation clarifiée. Les sommes éventuellement dues au titre de l’indemnisation du chômage sont fixées par référence à une décision désormais irrévocable. Le désistement simplifie le recouvrement des créances de l’organisme.

La décision ne statue pas sur les dépens ni sur l’article 700 du code de procédure civile. Ce silence s’explique par la nature du désistement unilatéral non accepté. En principe, le demandeur qui se désiste supporte les frais de l’instance à laquelle il met fin. Le défendeur peut toutefois solliciter une indemnité au titre des frais irrépétibles par requête séparée. L’ordonnance laisse ouverte cette possibilité sans la trancher.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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