La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 10 avril 2025, précise le régime de prescription applicable au recouvrement des aides agricoles indûment versées. Un bénéficiaire avait obtenu en juillet 2015 une subvention au titre du Fonds européen agricole pour le développement rural afin d’adapter un bâtiment commercial. Un contrôle ultérieur en mai 2016 a révélé que l’immeuble n’était pas affecté à l’activité prévue, entraînant une décision de recouvrement intégral en juin 2018. L’administration compétente a rejeté le recours administratif en mai 2020, ce qui a conduit à la saisine de la Cour municipale de Prague. Cette juridiction a jugé que le délai de dix-huit mois prévu par le règlement de 2013 constituait un simple délai d’ordre administratif. Saisie d’un pourvoi, la Cour administrative suprême a sollicité une interprétation préjudicielle concernant l’éventuelle extinction du droit au recouvrement après l’expiration de ce délai. La question posée portait sur la nature juridique de la période de dix-huit mois mentionnée à l’article 54 du règlement numéro 1306/2013. La Cour a conclu que cette disposition ne s’oppose pas à un recouvrement tardif dès lors que les délais de prescription généraux sont respectés.
**I. La distinction entre les rapports financiers interinstitutionnels et les obligations de recouvrement**
**A. L’interprétation téléologique du mécanisme de responsabilité financière**
L’article 54 du règlement de 2013 s’insère dans un chapitre consacré à l’apurement des comptes et à la répartition des charges financières entre budgets. Les juges rappellent que ce texte « régit, dans le cadre du système de responsabilité financière relatif aux irrégularités, la répartition des conséquences financières entre l’Union et l’État membre ». Le but de la norme est d’inciter les autorités nationales à agir avec diligence sans pour autant créer un bénéfice indu pour l’opérateur fautif. Le non-respect de ce calendrier entraîne des sanctions pour l’État membre qui peut se voir imputer les montants non recouvrés dans les délais requis. Cette sanction administrative interne à l’organisation de l’Union ne saurait être transformée en une cause d’extinction de la créance à l’égard du débiteur.
**B. La confirmation de la nature de délai d’ordre pour l’administration nationale**
La juridiction européenne affirme avec clarté que cette disposition particulière « ne s’applique pas à la relation entre ce dernier et le bénéficiaire des paiements indus ». L’expiration du délai de dix-huit mois est seulement « susceptible d’entraîner pour cet État membre des conséquences relatives aux obligations qui lui incombent en matière de gestion ». Il s’agit d’une règle de procédure interne dont la méconnaissance ne vicie pas la décision de recouvrement prise à l’encontre d’un tiers. L’État membre conserve l’obligation de poursuivre les procédures de recouvrement afin de préserver les intérêts financiers publics malgré ses propres manquements chronologiques. Cette solution évite qu’une négligence administrative nationale ne se traduise par une perte définitive pour le budget européen au profit d’un bénéficiaire irrégulier.
**II. La pérennité des mécanismes de protection des intérêts financiers de l’Union**
**A. Le maintien du délai de prescription général du règlement de 1995**
Les juges soulignent que le règlement numéro 2988/95 constitue la base juridique fondamentale pour la protection des intérêts financiers de l’Union dans tous les domaines. L’article 3 de ce texte fixe un délai de prescription de quatre ans qui reste le cadre de référence applicable en l’absence de dispositions contraires. La Cour rappelle que le législateur a entendu définir « un délai minimal appliqué dans tous les États membres » pour exclure la poursuite des irrégularités anciennes. La période de dix-huit mois du règlement de 2013 ne constitue pas une telle disposition dérogatoire écourtant la prescription au profit des opérateurs économiques. L’articulation entre les deux textes permet ainsi de concilier la rigueur comptable imposée aux États et la nécessaire sécurité juridique des fonds publics.
**B. La portée de la décision sur la sécurité juridique des bénéficiaires**
Cet arrêt de principe confirme que les bénéficiaires d’aides ne peuvent invoquer les retards de l’administration nationale pour se soustraire à leurs propres obligations contractuelles. La solution apporte une réponse précise à une incertitude jurisprudentielle nationale en clarifiant la hiérarchie et l’objet des différents délais prévus par le droit de l’Union. Les juges considèrent que l’État membre « peut et, dans l’intérêt d’une bonne gestion financière des ressources de l’Union, doit procéder à ce recouvrement dans les meilleurs délais ». Cette interprétation renforce la lutte contre les fraudes tout en limitant les effets de la prescription aux seuls délais expressément qualifiés comme tels par le législateur. La protection des intérêts budgétaires européens prime ainsi sur une lecture formaliste qui aurait pu encourager l’inertie administrative ou l’impunité des bénéficiaires.