Par l’arrêt commenté, la Cour de justice de l’Union européenne se prononce sur les conséquences du défaut de transposition d’une directive par un État membre. En l’espèce, un État membre n’avait pas adopté dans les délais impartis l’ensemble des dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour assurer la transposition de la directive 2006/40/CE, relative aux émissions provenant des systèmes de climatisation des véhicules à moteur. La Commission européenne, en sa qualité de gardienne des traités, a engagé une procédure en manquement à l’encontre de cet État. Il était donc demandé à la Cour de déterminer si l’absence d’adoption des mesures de transposition d’une directive dans le délai prescrit constitue un manquement aux obligations découlant des traités. La Cour de justice répond par l’affirmative en jugeant qu’« en ne prenant pas toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive […], [l’État membre concerné] a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive ». Cette décision, qui peut paraître évidente dans son dispositif, rappelle avec force la nature des obligations pesant sur les États membres (I) et confirme le rôle de la Cour comme garante de l’effectivité du droit de l’Union (II).
I. La consécration d’un manquement objectif à l’obligation de transposition
La solution rendue par la Cour de justice s’explique par le caractère impératif de l’obligation de transposition qui pèse sur les États membres (A) et par la nature du contrôle, purement objectif, qu’elle opère en la matière (B).
A. Le caractère impératif de la transposition des directives
En vertu de l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Pour que la directive produise ses pleins effets et que le résultat qu’elle vise soit atteint, sa transposition en droit interne est une condition nécessaire. Cette obligation de transposition n’est pas une simple faculté mais bien un devoir fondamental qui incombe à chaque État membre, garantissant ainsi une application uniforme et effective du droit de l’Union sur l’ensemble de son territoire. Le non-respect de cette obligation prive la norme européenne de son effet utile et crée des distorsions entre les États membres. L’arrêt commenté réaffirme donc logiquement que l’omission d’adopter les mesures nationales requises constitue en soi une violation des engagements européens de l’État défaillant.
B. Le contrôle formel et rigoureux opéré par la Cour de justice
Dans le cadre d’un recours en manquement pour défaut de transposition, le contrôle exercé par la Cour de justice est particulièrement strict et de nature objective. La Cour se borne à constater si, à l’expiration du délai fixé par la directive, l’État membre a ou non adopté les mesures nationales de transposition. Peu importent les raisons invoquées par l’État pour justifier son retard, qu’il s’agisse de difficultés d’ordre politique, administratif ou technique. La seule constatation de l’absence des mesures suffit à caractériser le manquement, sans qu’il soit nécessaire de démontrer une intention ou une négligence de la part de l’État. En jugeant que le simple fait de ne pas avoir pris « toutes les dispositions » nécessaires suffit à constituer le manquement, la Cour applique une jurisprudence constante qui ne laisse aucune marge d’appréciation aux États membres quant au respect des délais.
La constatation de ce manquement, au-delà de sa simple dimension technique, revêt une importance fondamentale pour l’ordre juridique de l’Union.
II. La portée du recours en manquement comme instrument d’intégration
La présente décision illustre la fonction essentielle de l’action en manquement dans la préservation de l’ordre juridique de l’Union (A) et rappelle l’impératif d’exécution qui pèse sur l’État condamné (B).
A. La fonction constitutionnelle de l’action en manquement
L’action en manquement constitue l’instrument procédural par lequel la Commission européenne et les autres États membres peuvent faire contrôler par la Cour de justice le respect par un État de ses obligations issues du droit de l’Union. Cet outil est fondamental pour assurer la primauté et l’intégrité du système juridique de l’Union. Sans un tel mécanisme de contrôle, les obligations découlant des traités et des actes de droit dérivé risqueraient de rester lettre morte, laissant chaque État libre d’appliquer ou non les règles communes. En condamnant l’État défaillant, la Cour ne fait pas seulement que trancher un litige, elle remplit une fonction quasi constitutionnelle en garantissant la cohésion et la suprématie d’un ordre juridique intégré que les États ont volontairement accepté. La décision commentée, bien que rendue dans une affaire spécifique, s’inscrit dans cette mission plus large de maintien de l’état de droit au sein de l’Union.
B. Les suites du manquement et l’impératif d’exécution
La condamnation pour manquement n’est pas une fin en soi ; elle ouvre une nouvelle phase pour l’État membre concerné. En vertu de l’article 260, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’État dont le manquement a été constaté est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour dans les plus brefs délais. La décision commentée, en condamnant l’État, emporte donc pour celui-ci l’obligation de mettre fin sans tarder à l’infraction en procédant à la transposition de la directive. Si l’État membre persiste dans son manquement après cette première condamnation, la Commission peut saisir à nouveau la Cour afin de lui voir infliger des sanctions pécuniaires, sous la forme d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte. La portée de l’arrêt ne se limite donc pas à une simple déclaration, mais enclenche un processus contraignant visant à assurer l’effectivité réelle du droit de l’Union.