Cour de justice de l’Union européenne, le 10 décembre 2015, n°C-350/14

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 10 décembre 2015, une décision fondamentale relative à l’interprétation du règlement Rome II. Un accident de la circulation est survenu en Italie, provoquant le décès d’une personne dont les parents résident dans un autre État membre. Ces derniers ont sollicité l’indemnisation de leurs préjudices patrimoniaux et non patrimoniaux devant le Tribunal de Trieste, saisi du litige au principal. Cette juridiction s’interroge sur la loi applicable à ces demandes, compte tenu de la résidence des proches dans un autre État membre. La question posée à la Cour de justice porte sur la qualification de ces préjudices au regard du règlement européen sur les obligations non contractuelles. Il convient de déterminer si ces dommages constituent des préjudices directs ou de simples conséquences indirectes du fait générateur de l’accident. La Cour de justice décide que les préjudices subis par les proches doivent être qualifiés de « conséquences indirectes » de l’événement initial. L’analyse de cette solution impose d’étudier d’abord la définition du dommage direct avant d’apprécier la portée de cette qualification juridique.

I. La qualification rigoureuse du dommage direct

A. La centralité du lieu des lésions physiques

Le règlement Rome II retient comme point de rattachement principal la loi du pays où le dommage survient, indépendamment du fait générateur. La Cour précise que « le dommage dont il convient de tenir compte, aux fins de déterminer le lieu où ce dommage survient, est le dommage direct ». En matière d’accidents de la circulation, ce dommage réside dans l’atteinte physique ou matérielle subie immédiatement lors de l’événement en cause. Le lieu de réalisation de ces blessures détermine donc exclusivement la loi applicable à l’ensemble de l’obligation non contractuelle litigieuse. Cette localisation du dommage initial entraîne l’exclusion corrélative des préjudices invoqués par les proches de la victime lésée.

B. L’éviction des préjudices subis par ricochet

Les dommages invoqués par les proches de la victime décédée sont perçus comme découlant d’une atteinte physique initiale subie par une personne. Selon les juges, ces préjudices constituent des « conséquences indirectes » au sens de l’article 4, paragraphe 1, du règlement européen précité. Cette distinction s’appuie sur l’article 15 du règlement qui confie à la loi désignée le soin de déterminer les personnes indemnisables. La loi du lieu de l’accident régit donc la question de savoir si un tiers peut obtenir réparation pour un dommage moral. La délimitation stricte du préjudice direct permet d’assurer la sécurité juridique indispensable à la mise en œuvre de la norme européenne.

II. Les impératifs de prévisibilité et d’uniformité

A. La préservation de la sécurité juridique des parties

L’application d’une loi unique favorise la prévisibilité des solutions juridiques pour les victimes et les assureurs impliqués dans un litige transfrontalier. La Cour souligne que cette interprétation « participe à l’objectif visant à assurer une prévisibilité de la loi applicable » aux obligations civiles. En évitant la fragmentation de la règle de droit, le juge européen limite les risques de litiges complexes pour les parties civiles. Le lieu du dommage direct offre un critère de rattachement clair et facilement identifiable par l’ensemble des acteurs juridiques nationaux. L’objectif de sécurité juridique se double d’une volonté affirmée de garantir une application uniforme du droit au sein de l’Union.

B. La recherche d’une application uniforme du droit européen

Les termes du droit de l’Union européenne doivent trouver une interprétation autonome et uniforme dans tous les États membres sans renvoi national. La Cour rappelle que l’exigence d’égalité de traitement impose une compréhension commune des notions de dommage direct et de conséquence indirecte. Cette uniformité empêche les divergences d’interprétation qui pourraient résulter d’une analyse fondée sur les seuls concepts juridiques de chaque État membre. En statuant de la sorte, les juges assurent la cohérence indispensable du régime de responsabilité civile au sein du marché intérieur. La décision renforce l’efficacité du règlement Rome II en imposant une lecture stricte et harmonisée des critères de rattachement internationaux.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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