La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 10 décembre 2015, un arrêt précisant l’interprétation du règlement relatif aux obligations non contractuelles. À la suite d’un accident mortel survenu en Italie, les parents d’une victime résidant en Roumanie sollicitent l’indemnisation de leurs préjudices devant le juge italien. Le Tribunale di Trieste, saisi de ce litige transfrontalier, décide d’interroger la Cour sur la notion de lieu où le dommage survient au sens du texte. Il s’agit de déterminer si les préjudices subis par les proches constituent des dommages directs ou de simples conséquences indirectes du fait générateur initial. La Cour dit pour droit que ces préjudices doivent être qualifiés de conséquences indirectes de l’accident aux fins de l’application de la règle de conflit.
I. La consécration du lieu de la lésion initiale comme critère de rattachement
A. La primauté du dommage direct sur les suites lointaines de l’accident L’article 4 du règlement Rome II dispose que la loi applicable est celle du pays où le dommage survient, peu importe le lieu du fait générateur. La Cour souligne que cette disposition vise exclusivement le dommage direct, conformément aux précisions essentielles apportées par le seizième considérant de ce texte législatif européen. Dans le cadre d’un accident de la circulation, le lieu du dommage direct correspond précisément à l’endroit où les blessures physiques ont été initialement subies. Le juge affirme que « le lieu de ce dommage direct sera le point de rattachement pertinent pour la détermination de la loi applicable » au litige.
B. L’exclusion de la résidence des proches comme facteur de localisation juridique Les prétentions des parents, bien que constituant des atteintes personnelles, découlent directement du décès de leur enfant survenu sur le territoire de l’État du for. La juridiction considère que ces dommages patrimoniaux et moraux ne sont que les suites indirectes de la collision ayant frappé la victime sur la route. Cette interprétation écarte la prise en compte du domicile des victimes par ricochet pour identifier la loi qui régira l’obligation d’indemnisation des préjudices subis. Elle confirme que le dommage direct réside dans les blessures mortelles, fixant ainsi le rattachement juridique au seul lieu de survenance de l’accident.
II. La préservation de l’harmonie et de la sécurité des solutions juridiques
A. La prévention d’une fragmentation préjudiciable de la loi applicable au litige En privilégiant la loi du lieu de l’accident, la Cour assure une prévisibilité indispensable pour les victimes comme pour les assureurs impliqués dans le procès. L’application uniforme du droit de l’Union exige que les critères de rattachement ne dépendent pas de la résidence variable des différents membres d’une même famille. La solution adoptée évite « le risque que ledit fait dommageable puisse être décomposé en plusieurs parties soumises à une loi différente » selon les demandeurs. Une telle fragmentation juridique nuirait gravement à la sécurité des transactions ainsi qu’à la bonne administration de la justice au sein de l’espace européen.
B. L’unité de la loi régissant la responsabilité et la détermination des victimes L’article 15 du règlement confie à la loi ainsi désignée le soin de déterminer quelles personnes peuvent légitimement faire valoir un droit à réparation intégrale. La loi du lieu de l’accident régit donc l’existence et la nature des préjudices indemnisables, incluant nécessairement ceux qui sont subis par les proches. Cette articulation logique garantit que le droit applicable au fond du litige ne change pas en fonction de la dispersion géographique des divers ayants droit. La décision renforce ainsi la cohérence globale du système européen de conflit de lois en matière de responsabilité civile extracontractuelle pour les dommages transfrontaliers.