Cour de justice de l’Union européenne, le 10 février 2021, n°C-56/19

La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 4 mai 2017, précise les conditions de remboursement des droits antidumping. Elle examine l’articulation entre l’évolution des coûts de production et la preuve de la répercussion des droits sur les prix de vente.

Un importateur a sollicité le remboursement de droits acquittés sur des produits originaires de Russie auprès de la Commission européenne. L’institution a rejeté ces demandes au motif que les marges de dumping demeuraient supérieures aux taux de droit en vigueur. L’administration a considéré que les prélèvements n’étaient pas dûment répercutés sur les prix de revente au sein de l’Union. Le Tribunal de l’Union européenne a rejeté le recours en annulation formé contre ces décisions par un arrêt du 17 mars 2015. L’importateur a formé un pourvoi devant la Cour de justice en invoquant une violation du règlement de base.

Le litige porte sur l’interprétation des articles 11 paragraphe 9 et 11 paragraphe 10 du règlement relatif à la défense contre les importations. Il s’agit de savoir si une hausse des coûts de production justifie une modification des paramètres d’évaluation de la répercussion des droits. La juridiction doit également déterminer si la seule augmentation des prix de revente suffit à prouver l’incorporation effective de la taxe.

La Cour de justice de l’Union européenne rejette le pourvoi en estimant que la mise à jour des coûts ne constitue pas un changement de méthode. Elle confirme que l’importateur doit démontrer de manière concluante que les prix couvrent l’intégralité des coûts et des droits. L’étude de cette solution conduit à analyser l’exigence de preuves concluantes pour la répercussion des droits (I) ainsi que la continuité méthodologique (II).

I. L’exigence de preuves concluantes pour la répercussion des droits antidumping

A. La primauté de l’analyse des coûts sur la simple variation des prix

Le juge souligne que l’article 11 paragraphe 10 du règlement de base n’implique pas que le seul équivalent du droit s’ajoute au prix. Un droit n’est « dûment répercuté » que s’il s’ajoute effectivement aux autres coûts normalement encourus par l’opérateur économique. Si les coûts de production augmentent plus que les prix de vente, la taxe n’est alors que partiellement ou pas du tout incorporée. Une hausse tarifaire même importante ne garantit pas nécessairement que les droits ont été intégralement supportés par l’acheteur final.

B. La charge probatoire renforcée incombant à l’importateur

La preuve de la répercussion incombe exclusivement à la partie qui sollicite le remboursement des sommes versées aux autorités douanières. La Cour précise que le législateur a entendu imposer un niveau de charge de la preuve particulièrement important pour ces opérations. L’importateur doit présenter des « éléments de preuve concluants » démontrant que le prix payé par les acheteurs indépendants intègre réellement la taxe. Cette démonstration exige souvent de fournir des données relatives aux prix « rendu droits acquittés » englobant tous les coûts en amont.

La démonstration de la répercussion effective des prélèvements impose d’examiner la stabilité des méthodes de calcul retenues par l’autorité administrative.

II. La continuité méthodologique face à l’évolution des paramètres économiques

A. La distinction entre changement de méthode et mise à jour de paramètres

Le pourvoi critiquait le passage d’une comparaison des prix de revente à une analyse fondée sur les coûts de production russes. La Cour opère une substitution de motifs en affirmant que cette évolution ne constitue pas un changement de méthode prohibé. Cette approche procède d’une « simple mise à jour du paramètre relatif aux coûts de production » du produit concerné par l’enquête. L’administration peut donc adapter ses calculs aux réalités du marché sans avoir à démontrer un changement structurel de circonstances.

B. La validation de l’approche globale de la Commission européenne

La juridiction confirme l’approche globale consistant à vérifier si les recettes couvrent l’ensemble des dépenses exposées par l’importateur. Elle rappelle que le règlement impose de comparer la valeur normale et le prix à l’exportation de manière équitable et rigoureuse. L’analyse des prix de revente doit impérativement s’effectuer à un stade de commercialisation postérieur à l’acquittement effectif des droits. Cette exigence garantit la solidité de l’analyse économique et respecte le principe général d’égalité de traitement entre les divers opérateurs.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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