La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 5 octobre 2023, interprète les articles 179 et 183 de la directive relative au système commun de taxe. Un assujetti conteste un supplément d’imposition établi par l’administration fiscale nationale et obtient une annulation judiciaire dont le caractère n’est pas encore définitif. La Cour d’appel de Bucarest a rendu un jugement le 5 mars 2019 annulant ce supplément avant que l’administration ne refuse d’en tirer les conséquences financières. Le litige naît du refus de suspendre l’exigibilité de cette dette malgré le dépôt d’une garantie bancaire couvrant l’intégralité des sommes réclamées par le Trésor public. Saisie par la Cour d’appel d’Alba Iulia, la Cour de justice doit apprécier la compatibilité de cette pratique avec les principes d’équivalence et de neutralité fiscale. La Cour juge que le droit de l’Union s’oppose à des modalités de remboursement moins favorables que celles régissant les recours fondés sur le seul droit interne. L’analyse portera sur l’affirmation de la primauté du principe d’équivalence avant d’aborder l’encadrement de l’autonomie procédurale des États membres dans la mise en œuvre du remboursement.
I. L’affirmation de la primauté du principe d’équivalence
A. L’exigence de parité entre les régimes fiscaux
La Cour rappelle que les modalités procédurales des recours fondés sur le droit de l’Union ne doivent pas être moins favorables que celles des recours internes comparables. Elle souligne que « les modalités procédurales relatives aux recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union » sont strictement encadrées. Le respect de ce principe nécessite une comparaison précise de l’objet, de la cause et des éléments essentiels des différents recours ouverts aux contribuables par la loi. L’administration fiscale ne saurait traiter plus sévèrement une créance née de la directive qu’une obligation de paiement découlant d’une taxe d’origine purement nationale et interne.
B. La remise en cause des singularités procédurales restrictives
La réglementation nationale en cause exclut l’effet suspensif du dépôt d’une garantie bancaire pour la seule taxe sur la valeur ajoutée au profit d’un régime dérogatoire. Par conséquent, la Cour précise qu’elle s’oppose à une règle prévoyant « des modalités procédurales relatives aux recours tendant au remboursement de la TVA (…) moins favorables que celles applicables aux recours similaires ». Cette solution impose au juge national de vérifier si les assujettis disposent effectivement de moyens de défense moins protecteurs que pour les autres impôts de l’État. La différence de traitement constatée entre les prélèvements obligatoires fragilise la cohérence du système fiscal au regard des exigences posées par l’ordre juridique souverain de l’Union.
Le respect de l’équivalence constitue le fondement de la décision mais doit s’articuler avec les marges de manœuvre reconnues aux administrations fiscales nationales dans leurs procédures.
II. L’autonomie procédurale encadrée des États membres
A. La préservation nécessaire de la neutralité fiscale
Les modalités de remboursement de l’excédent de taxe ne doivent jamais porter atteinte au principe fondamental de neutralité fiscale pour l’assujetti concerné par la mesure administrative. Dès lors, la Cour énonce que « le mode de remboursement adopté ne doit faire courir aucun risque financier à l’assujetti » pendant toute la durée de la procédure. Une pratique obligeant le contribuable à supporter la charge financière de la taxe durant une période non raisonnable méconnaît les objectifs essentiels poursuivis par la directive européenne. Le remboursement doit intervenir dans des conditions adéquates permettant de récupérer l’intégralité de la créance sans imposer de contraintes excessives ou de délais manifestement abusifs et injustifiés.
B. L’office du juge national dans l’appréciation des garanties
La juridiction nationale doit établir si les recours identifiés comme similaires ne sont pas en réalité plus favorables que le dispositif appliqué au litige porté devant elle. Toutefois, il appartient au juge de vérifier si la réglementation nationale rend « impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union ». Le respect de l’effectivité commande de garantir au justiciable une voie de droit lui permettant d’écarter les effets d’un acte administratif dont la légalité est contestée. L’interprétation fournie par la Cour sécurise la situation des opérateurs économiques face aux interprétations divergentes ou restrictives des autorités fiscales de chaque État membre de l’Union.