La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 6 octobre 2025, précise les conditions d’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des contrats complexes. Dans cette affaire, une entreprise de travaux réalise des démolitions tout en récupérant des matériaux métalliques valorisables en contrepartie de son intervention technique sur le chantier. La juridiction finlandaise a saisi la Cour d’une question préjudicielle suite à un litige portant sur la qualification fiscale des prestations croisées effectuées entre les partenaires. La société conteste l’imposition de ces échanges, tandis que l’administration considère que le transfert de ferraille constitue une livraison de biens distincte de la prestation de service. Le problème juridique porte sur la détermination du caractère onéreux d’une livraison de biens et d’un service de démolition lorsque leurs valeurs sont compensées dans le prix. La Cour répond que ces opérations sont imposables dès lors qu’une valeur économique leur est attribuée par les contractants lors de la définition des conditions financières globales.
**I. La reconnaissance de prestations réciproques à titre onéreux**
**A. L’identification d’une double opération économique complexe**
L’arrêt analyse d’abord les contrats où le prestataire réalise des travaux de démolition tout en conservant le droit de revendre la ferraille issue du chantier. Selon la Cour, « ce contrat comprend une prestation de services à titre onéreux » pour la démolition et « une livraison de biens à titre onéreux » pour la ferraille. Cette qualification suppose que le transfert de propriété des matériaux récupérés constitue une contrepartie réelle pour le service de démolition rendu au client initial. L’existence d’un lien direct entre les deux prestations transforme l’accord en un échange de valeurs soumises aux règles communes de la fiscalité européenne harmonisée. Chaque mouvement de valeur doit ainsi être isolé pour permettre une application rigoureuse des taux de taxe en vigueur selon la nature du bien.
**B. L’incidence de la valeur d’échange sur la base d’imposition**
La taxation effective de la livraison de biens dépend de la valeur que l’acquéreur accorde à ces matériaux lors de la négociation du prix global. La Cour précise que la livraison est taxable si la société « en tient compte lors de la fixation du prix proposé pour la prestation des travaux ». Dans le cas d’un achat pour démontage, le service de démolition peut également réduire le prix d’achat du bien acquis par l’entreprise de travaux. Le montant de la taxe doit alors refléter l’économie réalisée par le vendeur du bien grâce à l’intervention gratuite ou à prix réduit du prestataire technique. Cette compensation occulte ne fait pas obstacle à la naissance d’une dette fiscale dès lors que les avantages croisés sont chiffrables par les parties.
**II. Les conditions d’application et le rôle de la juridiction nationale**
**A. La subordination de la taxe à la qualité d’assujetti**
L’imposition de ces opérations réciproques reste soumise à la condition impérative que les parties interviennent en qualité d’assujettis agissant en tant que tels professionnellement. La Cour souligne que la livraison de ferraille n’est soumise à la taxe « qu’à condition qu’elle soit effectuée par un assujetti » selon les règles fiscales. Cette exigence rappelle que les transferts de biens réalisés par des non-assujettis échappent au champ d’application de la directive européenne sur la valeur ajoutée. La neutralité fiscale impose ainsi de vérifier le statut de chaque contractant pour éviter une double imposition ou une absence injustifiée de taxation des échanges. La preuve de cette qualité d’assujetti conditionne la validité du rappel de taxe effectué par les services de l’administration fiscale compétente.
**B. La vérification de l’intérêt spécifique du bénéficiaire du service**
Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si la démolition et l’évacuation des déchets répondent « spécifiquement aux besoins du vendeur » du bien à démonter. Le juge doit déterminer si l’acquéreur attribue une valeur à cette prestation en tant que « facteur réduisant le prix d’achat » initialement proposé pour l’objet. Cette analyse factuelle permet de distinguer les prestations de services autonomes des simples opérations accessoires nécessaires à la récupération de la matière première valorisable. La solution de la Cour garantit que la base d’imposition correspond fidèlement à la réalité économique des engagements souscrits par les opérateurs sur le marché. Le pouvoir souverain du juge finlandais s’exerce ici pour identifier l’existence de cette compensation financière réelle entre les obligations réciproques.