Cour de justice de l’Union européenne, le 10 juillet 2014, n°C-358/13

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 10 juillet 2014, précise les contours de la notion de médicament par fonction. Un commerçant proposait à la vente des mélanges de plantes aromatiques enrichis de cannabinoïdes de synthèse destinés à être fumés par les clients. Ces produits provoquaient des états d’ébriété et présentaient des risques graves pour la santé humaine comme des arrêts cardio-circulatoires potentiels. Le Tribunal régional de Lunebourg et le Tribunal régional d’Itzehoe ont condamné les vendeurs pour mise sur le marché de médicaments douteux. Saisie de recours en révision, la juridiction de cassation s’interroge sur l’inclusion de telles substances psychoactives dans le champ du droit pharmaceutique européen. Le juge européen doit décider si une substance modifiant les fonctions physiologiques sans bénéfice thérapeutique constitue juridiquement un médicament au sens de la directive. La Cour écarte cette qualification pour les produits dont l’effet se limite à une simple modification nocive de l’organisme humain. Cette décision conduit à examiner d’abord l’exigence d’un effet bénéfique (I) avant d’analyser l’exclusion des substances purement récréatives (II).

I. L’exigence d’un effet bénéfique inhérent à la qualification de médicament

A. L’interprétation téléologique de la fonction physiologique

L’article premier de la directive 2001/83 définit le médicament par sa capacité à « restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques » humaines. Le terme modifier induit ordinairement une indifférence linguistique quant au caractère bénéfique ou nocif des effets produits sur le corps humain. Toutefois, la Cour retient une interprétation téléologique en soulignant la nécessité d’assurer un niveau élevé de protection de la santé des citoyens. L’objectif de la réglementation implique nécessairement une action positive sur l’organisme excluant ainsi toute forme de neutralité de l’action physiologique. L’analyse du but poursuivi par le législateur impose alors de restreindre le sens littéral du terme au profit d’une vision sanitaire.

B. La cohérence nécessaire des définitions du droit pharmaceutique

La Cour affirme que les deux définitions du médicament prévues par le texte communautaire doivent faire l’objet d’une lecture combinée et cohérente. Les termes restaurer et corriger traduisent la volonté du législateur de mettre en exergue l’effet bénéfique attendu sur le fonctionnement de l’organisme. Dès lors, le verbe modifier ne saurait être interprété de manière contradictoire par rapport aux autres éléments constitutifs de la définition fonctionnelle. Le médicament doit être apte à entraîner des « effets bénéfiques, immédiats ou médiats, sur la santé humaine » selon les juges européens. Cette exigence de qualité thérapeutique permet de distinguer le produit de santé des simples substances actives dépourvues de finalité curative.

II. L’exclusion des substances psychoactives nocives du champ d’application

A. L’incompatibilité des finalités récréatives avec la notion de remède

Les substances litigieuses étaient « consommées uniquement afin de provoquer un état d’ébriété » et s’avéraient nocives pour la santé des utilisateurs finaux. La juridiction souligne que ces produits ne permettent aucune amélioration des fonctions organiques et se limitent à une altération temporaire des capacités sensorielles. Une telle nocivité ne saurait être mise en relation avec un effet thérapeutique réel justifiant le statut protecteur exorbitant du droit pharmaceutique. La Cour refuse d’assimiler à un remède des préparations dont l’usage détourné ne vise que la recherche d’une modification dangereuse de la conscience. La qualification de médicament suppose ainsi une aptitude à soigner qui fait radicalement défaut aux cannabinoïdes de synthèse.

B. L’autonomie de la définition européenne face aux nécessités de répression

L’objectif de pénaliser la commercialisation de substances nocives ne saurait influer sur la définition de la notion de « médicament » du droit européen. La Cour maintient une distinction rigoureuse entre les impératifs de répression criminelle nationale et les critères techniques harmonisés de la science pharmaceutique. Le fait qu’une substance échappe à la législation sur les stupéfiants ne justifie pas son intégration forcée dans une catégorie juridique inadaptée. Cette solution limite le champ d’application de la directive aux seuls produits destinés à une finalité authentiquement sanitaire et scientifiquement établie. Le droit de l’Union privilégie la rigueur conceptuelle pour garantir la sécurité juridique des opérateurs économiques du secteur de la santé.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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