Par un arrêt rendu le 10 juillet 2019, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé les critères de localisation de la taxe sur la valeur ajoutée lors d’importations irrégulières. Des marchandises provenant d’États tiers ont été acheminées par voie aérienne vers un État membre avant d’être réexpédiées vers leur destination finale dans un autre État. L’administration douanière locale a constaté des manquements à la réglementation lors du transbordement des colis, entraînant ainsi la naissance d’une dette douanière sur son territoire. Cette autorité a également réclamé le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, considérant que les irrégularités emportaient l’entrée des biens dans le circuit économique national.
La société de transport a contesté ce rappel devant le Hessisches Finanzgericht, car les biens étaient uniquement destinés au marché d’un autre État membre de l’Union. Face à cette difficulté d’interprétation, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour de justice sur le lien entre le manquement douanier et le fait générateur de la taxe. Il s’agissait de déterminer si l’existence d’une dette douanière née d’un manquement suffit à établir l’importation au sens de la directive relative au système commun de taxe.
Les juges luxembourgeois ont conclu que la taxe n’est due que dans l’État de destination finale si l’entrée effective dans son circuit économique est dument établie. Cette décision consacre d’abord une dissociation entre les dettes douanière et fiscale avant de confirmer la primauté du lieu de consommation finale pour la perception de la taxe.
I. La dissociation entre le fait générateur douanier et l’exigibilité de la taxe
A. L’autonomie de la notion d’importation fiscale La Cour rappelle que la taxe sur la valeur ajoutée est une taxe sur la consommation s’appliquant aux biens entrant effectivement dans le circuit économique de l’Union. L’article 30 de la directive définit l’importation comme l’introduction dans la Communauté d’un bien qui n’est pas en libre pratique au sens du droit douanier. Toutefois, l’arrêt souligne que la naissance d’une dette douanière n’entraîne pas systématiquement l’exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée au même endroit géographique. Il existe un parallélisme entre les deux régimes mais la taxe nécessite la possibilité d’une consommation effective des marchandises sur le territoire de l’État membre concerné.
B. Le renversement de la présomption d’entrée dans le circuit économique En présence d’un manquement douanier, il y a lieu de « présumer que les marchandises concernées sont entrées dans le circuit économique de l’Union ». Cette présomption permet normalement de fixer le lieu de l’importation à l’endroit où les obligations douanières n’ont pas été respectées par l’opérateur économique. La Cour admet néanmoins que cette présomption peut être renversée s’il est établi que le bien a été introduit dans le circuit économique d’un autre État. Dans l’espèce commentée, le simple transbordement des colis sur le territoire national ne constituait pas un élément suffisant pour caractériser une telle entrée économique locale.
II. La prépondérance du lieu de destination finale des marchandises
A. La confirmation du principe de taxation au lieu de consommation La reconnaissance de ce tempérament à la présomption conduit logiquement à privilégier l’État de destination finale pour l’exercice du pouvoir de taxation par les autorités. Les juges précisent que le fait générateur de la taxe se situe dans l’État membre où les marchandises sont acheminées pour y être définitivement consommées. Cette solution respecte la logique de la directive qui prévoit que « l’importation de biens est effectuée dans l’État membre sur le territoire duquel le bien se trouve ». Le manquement douanier commis lors du transit n’altère pas la destination réelle des biens lorsque leur parcours vers un autre marché national est prouvé.
B. La sauvegarde de la neutralité fiscale au sein de l’Union La localisation de la taxe suit ainsi le flux économique réel de la marchandise plutôt que les péripéties administratives liées au transport international des lots. Une telle interprétation assure la neutralité du système commun de taxe en évitant le risque de double imposition lors de l’entrée des biens dans l’Union. Si la taxe était perçue au lieu du manquement, l’opérateur pourrait subir une charge fiscale indue sans rapport avec la consommation finale des produits importés. La décision du 10 juillet 2019 offre ainsi une protection aux entreprises contre des prétentions fiscales nationales déconnectées de la réalité économique des opérations transfrontalières.