La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le six octobre deux mille vingt-cinq, précise le régime juridique applicable aux officines de pharmacie. Ce litige porte sur l’octroi par une autorité locale d’une autorisation d’exploitation pour une succursale officinale sans mise en œuvre d’une publicité préalable. Une entreprise requérante a sollicité la révision de cet acte en invoquant une violation des règles européennes relatives à l’attribution des contrats de concession.
La juridiction de contrôle des marchés publics a décidé de surseoir à statuer pour interroger les juges sur la qualification de cette activité spécifique. La question posée visait à déterminer si la distribution de médicaments constituait un service d’intérêt général non économique au sens de la directive concernée.
Les magistrats affirment que cette mission présente un caractère économique et relève du régime des services sociaux prévu par le législateur de l’Union européenne. L’analyse de la nature marchande des prestations pharmaceutiques précédera l’étude de leur intégration au sein d’un cadre procédural simplifié et adapté aux enjeux sanitaires.
I. La reconnaissance du caractère économique de l’activité officinale
A. L’interprétation autonome de la notion de service non économique
Le juge rappelle que la qualification d’un service par le droit national ne lie pas l’interprétation uniforme et autonome des dispositions de l’Union. « Les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres doivent trouver une interprétation autonome ». Cette approche prévient les risques de fragmentation du marché intérieur qui résulteraient de définitions hétérogènes adoptées par les différentes autorités des pays membres. L’application des libertés fondamentales impose une compréhension stricte des exceptions afin de garantir l’égalité de traitement entre tous les opérateurs économiques européens. La juridiction écarte ainsi les spécificités organisationnelles internes pour privilégier une vision globale de la mission de santé au sein du marché commun.
B. Le critère déterminant de la rémunération des prestations
L’arrêt souligne qu’une activité de service fournie contre rémunération revêt une nature économique même si elle poursuit un objectif de protection sociale. « La caractéristique essentielle de la rémunération réside dans le fait que celle-ci constitue la contrepartie économique de la prestation en cause ». Le pharmacien agit comme un opérateur cherchant des bénéfices malgré les responsabilités déontologiques et l’expérience professionnelle nécessaires à l’exercice de son art. Le financement partiel par des fonds publics ou l’inscription dans un système de solidarité ne modifient pas la réalité marchande de l’échange financier. La distribution de produits de santé entre donc pleinement dans le champ d’application matériel de la réglementation européenne sur les contrats de concession.
II. L’inclusion des pharmacies dans le régime des services sociaux et spécifiques
A. Le rattachement textuel aux catégories de l’annexe IV
Les magistrats identifient les prestations pharmaceutiques au sein de la liste des services sanitaires et sociaux bénéficiant d’un régime de passation particulièrement assoupli. Cette classification repose sur l’utilisation de la nomenclature commune pour les marchés publics qui intègre explicitement les missions de conseil et de délivrance. « Parmi la catégorie des services sanitaires, sociaux et connexes figurant à cette annexe se trouvent ceux correspondant aux codes de la nomenclature ». L’appartenance à cette liste permet aux autorités publiques de déroger aux obligations de publicité les plus lourdes prévues pour les concessions de droit commun. La décision valide ainsi une lecture technique de l’activité officinale pour l’insérer dans le cadre protecteur mais flexible des services d’intérêt général.
B. Les conséquences du régime simplifié sur les procédures d’attribution
Le bénéfice de cette catégorie spécifique limite les contraintes procédurales pesant sur les pouvoirs adjudicateurs lors de la désignation d’un nouveau concessionnaire. Les entités doivent néanmoins assurer une transparence minimale en publiant un avis de préinformation pour garantir le respect des principes de non-discrimination. « Seules les obligations découlant de l’article 31, paragraphe 3, ainsi que des articles 46 et 47 s’appliquent aux concessions relatives aux services sociaux ». L’équilibre retenu protège les intérêts de la santé publique tout en soumettant les choix économiques des municipalités au contrôle des juridictions compétentes. Cette jurisprudence assure une sécurité juridique indispensable aux collectivités locales souhaitant organiser l’approvisionnement en médicaments sur leurs territoires respectifs.