Cour de justice de l’Union européenne, le 10 juin 2015, n°C-686/13

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 10 juin 2015, une décision importante concernant la fiscalité directe des sociétés. Une société résidente en Suède détenait des participations majoritaires dans une filiale établie sur le territoire du Royaume-Uni. Les parts sociales furent acquises entre les années 2003 et 2009 au moyen d’apports en numéraire libellés en dollars. La société mère envisageait de céder ces titres afin de cesser l’activité de son entité subordonnée située à l’étranger. Cette cession projetée révélait une perte de change substantielle liée à l’évolution défavorable du taux de conversion monétaire. Le droit fiscal national exonère les plus-values sur les titres de participation et exclut la déduction des moins-values correspondantes. La requérante sollicita un rescrit fiscal afin de vérifier la possibilité de déduire cette perte de l’assiette de son impôt. L’administration fiscale rejeta cette demande en invoquant l’indifférence du système aux résultats des opérations en capital. Le litige fut porté devant le Högsta förvaltningsdomstolen qui décida de solliciter une interprétation du droit européen. Le problème juridique porte sur l’existence d’une entrave à la liberté d’établissement résultant du refus de déduire une perte. La Cour juge finalement que l’article 49 du traité ne s’oppose pas à une telle réglementation limitant les déductions.

I. L’absence de restriction caractérisée à la liberté d’établissement

A. La prépondérance de la liberté d’établissement liée au niveau de la participation

Le juge européen détermine d’abord la liberté applicable en examinant le degré de contrôle exercé par la société mère. Le taux de détention du capital s’élevait à 45 %, ce qui conférait au titulaire une « influence certaine ». Cette situation permet de déterminer les activités de l’entité concernée conformément aux critères habituels retenus par la jurisprudence constante. L’analyse se concentre donc exclusivement sur l’article 49 du traité relatif à la liberté d’établissement des ressortissants des États membres.

B. La conformité du traitement fiscal symétrique au regard du droit européen

Le mécanisme national traite de manière identique les investissements réalisés en Suède et ceux effectués dans d’autres pays européens. Les moins-values de change ne sont jamais déductibles, que les titres soient détenus dans une société domestique ou étrangère. La Cour souligne que les investissements réalisés hors du territoire national « ne sont pas (…) traités plus défavorablement ». L’absence de discrimination directe ou indirecte écarte ainsi la qualification de restriction aux libertés de circulation garanties par le traité.

II. La préservation de la cohérence et de la souveraineté fiscale nationale

A. La différenciation nécessaire avec la solution retenue dans la jurisprudence antérieure

La requérante invoquait le bénéfice d’une solution passée concernant le rapatriement du capital de dotation d’un établissement stable étranger. Le juge européen écarte cette argumentation en relevant que l’affaire présente aujourd’hui un « contexte juridique différent ». La législation suédoise est en principe « indifférente aux résultats des opérations en capital », contrairement au système qui imposait autrefois les gains. L’impossibilité de déduire la perte est la conséquence logique d’un régime où les profits éventuels ne subissent aucune taxation.

B. Le refus d’imposer une adaptation des systèmes fiscaux aux risques monétaires

La liberté de choix de l’État d’établissement n’implique pas l’obligation pour les nations d’adapter leur fiscalité aux risques. La Cour précise que le traité n’impose « nullement que ces derniers seraient obligés d’adapter leur propre système fiscal ». Les États membres ne sont pas tenus de garantir que chaque investissement transfrontalier bénéficie d’une neutralité monétaire parfaite. L’arrêt confirme ainsi l’autonomie des États dans la définition de l’assiette de l’impôt tant que les principes fondamentaux sont respectés.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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