Cour de justice de l’Union européenne, le 10 juin 2021, n°C-591/19

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 10 juin 2021, précise les modalités d’accès aux documents relatifs à une procédure disciplinaire. Un ancien fonctionnaire sollicitait la communication intégrale de son dossier administratif après la clôture définitive des poursuites engagées à son encontre. La Commission européenne a opposé un refus partiel, invoquant la nécessité de protéger les objectifs des activités d’enquête et la vie privée des tiers. Le Tribunal de l’Union européenne, saisi en première instance le 2 mars 2018, a annulé cette décision par un arrêt du 11 juin 2019. Les premiers juges estimaient que l’institution devait procéder à un examen concret et individuel de chaque document sollicité par le requérant. La Commission a formé un pourvoi devant la Cour de justice, contestant l’obligation d’un tel examen pour un dossier de nature disciplinaire. La question posée aux juges portait sur l’existence d’une présomption générale de confidentialité couvrant les pièces d’une enquête administrative même après son achèvement. La Cour annule l’arrêt du Tribunal et rejette le recours initial, confirmant que l’institution peut refuser l’accès sans analyse documentaire préalable. L’analyse portera d’abord sur la reconnaissance d’une présomption de confidentialité avant d’envisager la protection de l’intégrité du système disciplinaire.

I. La consécration d’une présomption générale de confidentialité

A. L’application du régime d’exception aux dossiers disciplinaires

La Cour rappelle que l’accès aux documents administratifs peut être limité par des exceptions impératives destinées à préserver l’intérêt général des institutions. Les procédures disciplinaires constituent un ensemble cohérent de documents dont la divulgation risquerait d’altérer le bon fonctionnement des services de l’Union. Le juge considère que « l’application de présomptions générales peut être dictée par la nécessité d’assurer le fonctionnement correct des procédures en cause ». Cette approche dispense l’administration de démontrer, pour chaque pièce, l’atteinte concrète aux intérêts protégés par le règlement relatif à l’accès aux documents. La nature sensible des informations contenues dans un dossier disciplinaire justifie ainsi un régime dérogatoire au principe de transparence totale.

B. L’extension de la présomption aux procédures clôturées

Le litige portait spécifiquement sur la persistance de cette confidentialité une fois que la décision finale de sanction ou de classement a été rendue. Le Tribunal avait jugé que le risque d’atteinte aux enquêtes disparaissait avec la fin de la procédure, rendant l’examen individuel à nouveau obligatoire. La Cour infirme cette position car « la reconnaissance d’une présomption générale est également justifiée par le fait que les documents visés appartiennent à une même catégorie ». Le secret doit perdurer afin de ne pas décourager les futurs témoignages ou compromettre la sérénité des enquêtes ultérieures menées par les services. Cette solution assure une sécurité juridique aux agents et aux tiers ayant participé à l’établissement des faits litigieux sous le sceau de la confidence. Cette protection du secret des enquêtes se double d’une réflexion sur la hiérarchie des intérêts protégés par le juge européen.

II. La primauté de l’intégrité du système disciplinaire sur l’accès individuel

A. La protection nécessaire du secret des enquêtes administratives

L’arrêt souligne l’importance de préserver la capacité de l’institution à mener des investigations internes efficaces sans crainte de pressions extérieures ou de divulgations prématurées. La Cour estime que la divulgation des pièces d’une procédure close pourrait nuire durablement à la réputation des personnes impliquées, qu’elles soient témoins ou suspects. Elle affirme ainsi que « la protection de la confidentialité des pièces d’un dossier disciplinaire vise à garantir le respect de la vie privée et la dignité ». La protection des tiers constitue un motif suffisant pour maintenir l’étanchéité du dossier, même face à une demande formulée par l’intéressé direct. Le droit d’accès ne saurait donc primer de manière absolue sur les exigences de discrétion inhérentes à la fonction publique européenne.

B. Le maintien de l’équilibre entre transparence et protection des tiers

Cette décision marque une volonté claire de limiter l’exercice du droit à l’information lorsque des intérêts privés et administratifs supérieurs sont manifestement en jeu. Le juge refuse de reconnaître un intérêt public supérieur à la transparence qui permettrait d’écarter la présomption de confidentialité dans ce contexte particulier. Il précise que l’intéressé n’a pas démontré comment « la divulgation des documents en cause servait un intérêt public plus important que la protection de la confidentialité ». La solution retenue favorise la stabilité institutionnelle et la protection des droits fondamentaux des individus mentionnés dans les rapports d’enquête interne. L’arrêt confirme la jurisprudence antérieure tout en fermant la porte à une interprétation extensive du règlement de transparence pour les dossiers individuels.

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Hassan KOHEN
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