La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 10 juin 2021, précise les conditions d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire. Deux civils originaires d’une province instable contestent le rejet de leur demande d’asile devant les juridictions administratives d’un État membre de l’Union européenne. La juridiction de renvoi s’interroge sur la validité d’une pratique nationale imposant un nombre minimal de victimes pour caractériser une menace grave et individuelle. Le problème juridique porte sur l’interprétation de la notion de violence aveugle en cas de conflit armé au sens du droit de l’Union européenne. La Cour juge qu’un seuil mathématique de victimes ne saurait constituer le seul critère déterminant pour exclure systématiquement l’existence d’un risque réel d’atteintes. L’éviction d’une approche purement statistique précède ainsi l’affirmation d’une analyse concrète et multidimensionnelle de la situation sécuritaire prévalant dans le pays d’origine.
I. L’exclusion d’un seuil quantitatif rigide comme critère exclusif
A. L’insuffisance de la méthode statistique de calcul des risques
Le juge européen rappelle que la directive vise à instaurer un régime uniforme de protection pour les personnes ayant réellement besoin d’une assistance internationale. Une réglementation nationale ne peut subordonner la reconnaissance de menaces graves à la condition que « le rapport entre le nombre de victimes […] atteint un seuil déterminé ». Si cette donnée mathématique demeure pertinente, elle ne saurait suffire à exclure automatiquement l’octroi de la protection subsidiaire sans examen complémentaire des faits. L’absence d’un tel constat ne saurait suffire à écarter systématiquement l’existence d’un risque réel de menaces graves au sens de la législation de l’Union.
B. La préservation de l’identification uniforme des besoins de protection
L’application systématique d’un critère quantitatif unique risque de conduire au refus de la protection en méconnaissance des obligations fondamentales incombant aux autorités nationales compétentes. En outre, une telle interprétation pourrait inciter les demandeurs à choisir leur pays d’accueil en fonction des seuils de victimes pratiqués par chaque État membre. L’objectif de la législation européenne consiste précisément à « limiter le mouvement secondaire des demandeurs » par le rapprochement des règles relatives à la reconnaissance du statut. Le refus de subordonner la protection à un calcul comptable des risques impose désormais une appréciation holistique des éléments de fait caractérisant le conflit.
II. L’exigence d’une évaluation globale et qualitative des menaces
A. L’obligation d’un examen individuel et approfondi de la demande
La notion de menaces graves et individuelles doit s’interpréter de manière large pour garantir l’efficacité du régime de protection subsidiaire prévu par le texte. Pour déterminer l’existence d’un risque réel, « une prise en compte globale de toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce » s’impose impérativement aux juges. Cette analyse doit intégrer l’ensemble des faits concernant le pays d’origine du sollicitant au moment précis où l’autorité administrative statue sur sa demande particulière. L’évaluation individuelle de la demande de protection subsidiaire constitue une garantie essentielle pour identifier les personnes exposées à un risque réel d’atteintes graves.
B. La pluralité des facteurs caractérisant l’intensité de la violence aveugle
Les autorités doivent examiner « l’intensité des affrontements armés, le niveau d’organisation des forces armées en présence et la durée du conflit » pour apprécier la situation. D’autres éléments comme l’étendue géographique des violences ou l’agression intentionnelle contre les civils par les belligérants complètent utilement l’appréciation globale requise par le droit. Le juge européen consacre ainsi une approche multidimensionnelle de la violence qui dépasse la simple comptabilité des victimes civiles pour assurer une protection internationale effective. Cette méthode garantit que chaque situation de conflit est appréhendée dans sa complexité réelle sans être réduite à une simple équation mathématique de dangerosité.